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Nouveau modèle économique : ambition, vision et stratégie

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Cet article est une contribution du Pr. A. Lamiri à Algerie-eco 

Tout le monde attend le nouveau modèle économique promis par le gouvernement. Il pourrait être salutaire comme nous conduire encore une fois dans l’impasse. Nous ne pouvons pas mettre en exergue tous les éléments d’un modèle économique. Ce dernier consiste à identifier les priorités, les axes essentiels et le schéma qui sera privilégié par les politiques économiques. Nous allons en livrer quelques éléments.

Les théoriciens et les praticiens du management connaissent l’importance d’élaborer une vision commune, une stratégie, un rêve diront certains, pour mobiliser les troupes, galvaniser les esprits et donner un sens aux efforts des femmes et des hommes qui composent l’entreprise ou la nation. Il s’agit de créer une grande ambition commune qui va canaliser les énergies de tous et préciser la voie à suivre. Pourquoi est-il utile de procéder ainsi ? En plus de la motivation matérielle –salaires, primes, divers avantages- cette manière d’agir permet de donner un sens aux actions et même aux vies des différentes ressources humaines qui composent une entreprise ou un pays. On appelle cela une mission valorisante. Prenons un exemple. L’entreprise américaine Merck avait coutume depuis les années 1920 de décrire sa mission ainsi : « contribuer à améliorer le bien être dans le monde ». Elle a volontairement choisi une ambition sans limite afin que ses membres s’épanouissent, s’améliorent sans cesse, se ressourcent et se mobilisent en permanence. Il en de même pour un pays.

Se fixer de grandes ambitions est une des marques des grandes nations, surtout pour les pays en voie de développement. Prenons un exemple. Durant les années 1980 et 1990, les dirigeants de la Malaisie avaient largement diffusé une ambition nationale qui était d’atteindre le statut de pays développé en 2020. Le peuple était fier de participer à une telle entreprise. Chacun situe la portée de ses efforts, de ses sacrifices et de ses contributions par rapport à cette ambition. Les ex pays de l’est qui ont le mieux géré leur transition ont eu de grandes ambitions : satisfaire aux conditions économiques et politiques pour devenir membre de l’Union Européenne. Nous pouvons multiplier les exemples à profusion. Une grande nation a besoin d’une grande ambition. C’est un élément facilitateur. Il n’est ni une panacée ni une prouesse facile à exécuter qui pourrait nous économiser des sueurs et des durs labeurs. Les efforts, les difficultés et les sacrifices encourus pour construire une nation sont mieux acceptés lorsque ceux qui y contribuent croient en une réalisation grandiose dont ils sont partie prenante.

Les sociologues ont aussi identifié un phénomène lié au processus de développement. Les nations ambitieuses lancent des projets grandioses qui symbolisent leurs rêves et leur détermination. La Chine construit le plus grand barrage du monde, le Brésil édifie une nouvelle capitale, la Malaisie bâtit Kuala Lumpur à l’image de New York, l’un des meilleurs aéroports mondiaux en plus d’une capitale, « PutraJawa », ultra-moderne. Bien avant, les USA avaient bâti des villes futuristes qui en disaient long sur leurs ambitions. La volonté de se surpasser, de forger soi-même son destin, se manifeste souvent par des réalisations et des projets grandioses. Cependant, cette dernière constatation sociologique est loin d’être partagée par tous. On peut voir grand et réaliser des projets modestes (pays scandinaves). Nous n’avons qu’à contempler les succès existants pour savoir que le futur n’est point une certitude, il n’est qu’ambitions raisonnables. Les pays qui se sont développés, les découvertes qui ont le plus marqué notre siècle et les réalisations gigantesques n’étaient que des ambitions par le passé.

Il n’est pas vain de se rappeler quelques vérités parfois évidentes mais souvent moins certaines. Occasionnellement, elles sont même en contradiction avec nos croyances les plus avérées. Tel est le problème humain avec la connaissance. Nous voulons parfois appréhender un environnement dont nous faisons partie intégrante et donc l’objectivité en pâti. Il ne suffit pas de fixer des objectifs grandioses pour les réaliser et acquérir des lettres de noblesse au sein du concert des nations. Si on ne se dote pas des moyens et des mécanismes appropriés, le rêve peut se transformer non seulement en déception mais parfois en cauchemar. En matière de déception, nous avons l’expérience des années 1970. Nous avions un projet ambitieux, et il le fallait. On projetait d’accéder au rang de pays développé dans un horizon de vingt ans après le lancement du premier plan quadriennal. Peut-être était-ce trop ambitieux ? Mais le peuple croyait et adhérait au schéma. La mobilisation des ressources était au rendez-vous. Nous investissions 45% de la production nationale. Ce taux était le plus élevé au monde. La proportion consacrée au développement humain était conséquente. Ce sont ces facteurs-là qui ont poussé la vaste majorité des analystes à encenser cette période. Ils considèrent que l’abandon de cette vision est la source de nos problèmes contemporains. La situation est beaucoup plus complexe qu’ils ne le pensent. En réalité, si quelques conditions furent réunies, la vaste majorité des exigences requises pour réaliser une telle ambition étaient absentes. Nous pouvons citer les exigences réunies :

  1. Une grande ambition
  2. Une adhésion de la vaste majorité de la population
  3. Une mobilisation remarquable des ressources
  4. Une orientation importante des moyens vers le développement humain.

Nous avions déjà un début de mise en place des conditions de réussite d’une grande ambition nationale mais l’essentiel était absent. Tel était le cas de la vaste majorité des pays qui avaient choisi un développement super étatisé. Les pays qui avaient périclité sous-estimaient l’importance des facteurs clés de succès, les opportunités qui transforment les rêves en réalités et en l’absence desquelles ces dernières se transforment en chimères. Nous pouvons citer les éléments suivants :

  • Le type de management ancré au sein des entreprises économiques et des institutions administratives et à but non lucratif ;
  • Le degré d’utilisation des ressources humaines formées ;
  • La place réservée au développement du tissu de PME/PMI ;
  • Le degré de décentralisation et de participation au processus de développement par les autorités régionales et locales ;
  • Un minimum d’utilisation des capacités économiques crées ;
  • Le développement de l’esprit d’entreprise et la libération des initiatives privées au côté des activités publiques.

Montrer pourquoi les ambitions des années 1970 étaient irréalisables est possible mais laborieux. L’essentiel des conditions de réussite n’était pas au rendez-vous. Les mécanismes existants ne permettaient pas de les mettre en place progressivement pour différentes raisons.

Durant les années 1980, les ambitions furent drastiquement réduites. Au cours des années 1990 (la décennie noire), la plus grande ambition était de permettre le retour à une situation normale. On ne pouvait pas planifier des projets socio-économiques d’envergure. Cependant, la situation est fort différente de nos jours. Nous avons mobilisé des ressources énormes pour moderniser nos infrastructures. Il n’est pas question d’analyser dans ce contexte la pertinence de cette approche. Mais avons-nous une ambition partagée par la vaste majorité de nos citoyens ? Obtenir une croissance élevée, réduire le chômage, améliorer le niveau de vie et lutter contre la pauvreté sont des objectifs très louables mais ils ne sont pas suffisants pour forger une « ambition nationale ».

Un pays sans ambition partagée se prive d’un puissant instrument qui améliore la motivation de sa ressource humaine, seul véritable facteur clé de succès du processus de développement. Cependant, l’existence d’un projet grandiose porté par tout un peuple ne garantit pas sa réussite. Cette dernière consiste à réunir conjointement une visée grandiose et un ensemble de conditions difficiles à réaliser. Mais il faut au moins commencer par préciser son dessein. C’est pour cela que le futur modèle économique doit privilégier la création des industries du savoir, la modernisation managériale et hisser le niveau d’éducation et de qualification des ressources humaines aux standards internationaux. La décentralisation, l’implication de tous les acteurs économiques et un plan de diversification économique qui vise à doubler le nombre de PME/PMI et hisser leur niveau de compétitivité est une piste prioritaire. Car une ambition a besoin de réunir ses facteurs clés de succès pour se réaliser sur terrain.

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