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De nombreuses corporations en grève : La détresse des classes moyennes

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Pas assez riches pour faire face à la dérive inflationniste, mais pas assez pauvres pour bénéficier des mesures de soutien étatique exclusivement réservées aux faibles revenus, les classes moyennes algériennes souffrent au présent et désespèrent pour leur avenir depuis que l’Algérie est entrée en récession. 

Les fermetures d’entreprises, le report ou l’annulation pure et simple des investissements programmés, les retards de paiements des salaires qui affectent de plus en plus de salariés, les crises politique et sanitaire qui s’éternisent, ne sont pas fait pour rassurer l’ensemble des travailleurs algériens, mais sans doute beaucoup plus, les classes moyennes qui se distinguent de moins en moins des classes pauvres, avec lesquelles elles partagent désormais les mêmes préoccupations.

Qu’ils soient cadres d’entreprises ou fonctionnaires, leurs peurs principales de cette catégorie sociale, sont le chômage, l’avenir de leurs enfants, la retraite, le logement et le maintien du standing de vie laborieusement constitué après de longues années de travail.

La difficulté de maintenir le niveau de vie dans une société où les emblèmes de distinction sociale (voiture, meubles, voyages, épargne etc.) sont de plus en plus difficiles à acquérir, en raison de l’envolée des prix est aussi souvent évoquée, notamment, par les cadres des entreprises et administrations qui entrent, pour une grande part, dans la composition des classes moyennes algériennes.

Le rang social d’un cadre se mesurant souvent à l’acquisition d’équipements électroménagers, électroniques, multimédias, automobile et autres qui se renouvellent à grande vitesse, il n’est à l’évidence pas facile de maintenir le standing acquis avec les salaires pour le moins ridicules et en constante dévalorisation, octroyés aux cadres algériens. Il est, à ce titre, bon de savoir qu’un ingénieur algérien débute sa carrière dans une entreprise publique, quand il a la chance d’y trouver un emploi, avec un salaire net d’à peine 30 à 35.000DA, qu’il ne doublera qu’au terme d’une vingtaine d’années de travail. Le désespoir est tel, que les cris de révolte se font de plus en plus audibles, notamment, ceux émanant des cadres qui affirment en avoir assez de subir, sans pour autant avoir la certitude pouvoir améliorer ainsi leur destin.

Le sentiment d’une nécessaire bataille collective pour attirer l’attention des autorités politiques sur la dégradation de leurs conditions de vie, est aujourd’hui partagé par une large frange des classes moyennes réputée pourtant pour leur pacifisme, voire même, leur docilité.

Face à la dégradation de leurs conditions de vie auxquelles les autorités restent généralement sourdes, les classes moyennes ont effectivement le sentiment que si elles menaient une action collective, elles auront davantage de chances d’imposer les mesures qu’elles attendent, notamment en matière de sécurité d’emploi, de pouvoir d’achat et d’avenir éducatif pour leurs enfants. On le constate à travers les nombreuses grèves qui éclatent dans pratiquement tous les secteurs et branches d’activités économiques et sociales, que les classes moyennes sont inquiètes pour leur sort, mais aussi et surtout, pour l’avenir de leurs enfants.

L’ébullition subite du front social constatée ces dernières semaines et qui tend à s’élargir à plusieurs secteurs d’activités, en est la preuve. Il tend à se manifester en dehors du Hirak qui parvient ainsi à se polariser exclusivement sur les revendications politiques. Si la sourde oreille du pouvoir venait à se poursuivre, il n’est du tout exclu que les syndicats autonomes rejoignent les manifestations du hirak et en décuple ainsi sa force.  

La dégradation du système éducatif algérien a, et il est important de le souligner, érigé l’avenir des enfants aux premiers rangs des préoccupations des classes moyennes, qui souhaitent donner à leurs progénitures une éducation et une formation de qualité qui les feraient accéder à des emplois supérieurs bien rémunérés. Pour ce faire, ils ne lésinent pas sur leurs dépenses en consacrant à l’éducation de leurs enfants, souvent effectuée en dehors du système de formation étatique, une partie importante de leurs revenus. Ne plus être en mesure de payer les frais de scolarisation de leurs enfants dans des écoles privées est vécue comme une véritable angoisse, comme nous l’a affirmé un parent de deux gerçons scolarisés dans un établissement privé. La crainte que ses enfants ne finissent pas leur scolarité et terminent leur vie comme chômeurs, constitue un véritable motif d’inquiétude pour lui et les nombreux parents qui sont dans son cas. Et, même si elles ne disposent pas toutes de représentations syndicales pour traduire leurs doléances, les classes moyennes ont tendance à exprimer leurs révoltes de diverses manières, parmi lesquelles on peut citer, l’abstention aux compétitions électorales, la perte d’estime envers les autorités et les partis politiques et la tendance ouvertement déclarée, de construire chaque fois que possible, leur avenir et celui de leurs enfants, à l’étranger.

Le sentiment de révolte est d’autant plus exacerbé, que les classes moyennes constatent qu’elles sont exclues du bénéfice des aides multiformes de l’Etat (filet social, aide frontale au logement, accès au logement social locatif etc.) qui ne ciblent que les classes les plus défavorisées. Au dessus d’un certain niveau de salaire, les cadres sont effectivement invités à se débrouiller seuls et à prix coûtant, les produits et services qu’ils souhaitent acquérir.  Les populations ayant des revenus jugés faibles, sont en effet éligibles au filet social et autres aides de l’Etat, tandis que celles qui disposent d’un salaire jugé élevé, selon des critères d’appréciation jamais rendus publics, en sont exclues. Ces dernières sont également exclues du bénéfice du logement social locatif qu’elles sont désormais contraintes à acquérir moyennant un montage financier qui ne leur offre aucune faveur particulière.

C’est pourquoi, les classes moyennes se plaignent d’être les grandes perdantes de la politique économique et sociale volontairement populiste qui n’a au bout du compte profité qu’aux plus riches et dans une certaine mesure, aux couches les plus pauvres qui, de par leur extrême précarité salariale, ont pu bénéficier de diverses aides sociales.

Les classes moyennes, constituent pourtant la colonne vertébrale de la société. Ce sont elles qui encadrent l’économie, diffusent le savoir, le progrès technologique et la modernité en général. Ne serait-ce qu’à ce titre, elles méritent, toute l’attention des dirigeants du pays. Ces derniers sont-ils présentement dans cette logique de protection et de bienveillance vis-à-vis des classes moyennes.

Rien n’est moins sûr et à voir la manière hostile et brutale avec laquelle sont traités les syndicats autonomes des fonctionnaires, enseignants, médecins hospitalo-universitaires etc.) qui portent leurs revendications légitimes, la protection et le renforcement des classes moyennes ne constituent, à l’évidence, pas des préoccupations majeures pour les autorités en place.

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