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Mourad El Besseghi, expert financier: « L’emprunt obligataire a servi, avec 317,62 milliards de DA à résorber le déficit du Trésor »

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Dans cet entretien, l’expert financier Mourad El Besseghi nous livre; ses évaluations sur les résultats de l’emprunt obligataire national depuis son lancement en avril 2016. Selon lui, à un niveau macro-économique, un emprunt obligataire lancé par l’Etat est apprécié sous le triple plan du montant levé, de la qualité des souscripteurs et de l’utilisation qui en est faite.

Algérie-Eco : Le ministère des finances a mobilisé 568 milliards de dinars algériens (5,86 milliards de dollars USD) du 17 avril au 16 octobre 2016 pour ce qui est de l’emprunt obligataire national pour la croissance économique. Comment évaluez-vous ce résultat?

Mourad El Besseghi : Si l’on tient compte des déclarations officielles et notamment celle du Ministre des finances  M. Hadji Baba ammi, en marge de la dernière rencontre Gouvernement-walis, cet emprunt a atteint ses objectifs et il y a une satisfaction pour le résultat obtenu.

Assorti de garanties de premier rang, de taux de rémunération incitatifs, de conditions de remboursement par anticipation à la demande, d’avantages fiscaux, de choix de la souscription sous forme nominative ou anonyme, l’emprunt obligataire pour la croissance économique avait toutes les chances de succès.

A rappeler que les titres matérialisant l’emprunt  ont été émises sous deux formes de maturité de 3 ans et 5 ans, et en coupures de 50 000 DA, 10 000 DA et 1 million de DA chacune.

L’objectif étant de mobiliser dans un élan de solidarité populaire des ressources internes par des  temps de vaches maigres avant d’envisager un quelconque recours à l’endettement externe, dont les algériens gardent à l’esprit de mauvais souvenirs. A un niveau macro-économique, un emprunt obligataire lancé par l’Etat est apprécié sous le triple plan du montant levé, de la qualité des souscripteurs et de l’utilisation qui en est faite.

L’emprunt obligataire, lancé pour une période de 6 mois a permis de collecter 568 milliards de dinars. Lors du lancement de cet emprunt national, il n’a pas été annoncé de plafond de collecte, par contre le minimum fixé était de 400 milliards de DA, seuil qui avait été considéré en juillet dernier par le chef de l’exécutif comme objectif atteint. Evidemment, ce niveau n’était qu’un plancher puisqu’au regard de l’objectif qui était de capter la liquidité en circulation dans l’informel estimée à 40 millions de dollars, il était attendu de lever le 1/3 seulement.

Collecter les liquidités de l’épargne publique et drainer les fonds qui circulent dans le marché informel afin de les bancariser, était un programme complémentaire à la « mise en conformité fiscale volontaire ».

On ne connait pas la configuration des souscripteurs, puisque les obligations pouvaient être anonymes, mais tout porte à croire que ce sont les banques commerciales publiques ainsi que les assurances du secteur marchand de l’Etat qui ont fait l’essentiel. Les banques publiques croulant sous le poids des  surliquidités financières depuis le début des années 2000 connaissent actuellement une inversion de la tendance suite aux incertitudes du marché des hydrocarbures et sa conséquence sur la fiscalité pétrolière.

Ces surliquidités auraient dues servir à soutenir la croissance, or l’assèchement des liquidités bancaires engendrant inévitablement un resserrement du crédit d’investissements aux petites et moyennes entreprises n’est pas de nature à contribuer à la relance.

Mais en dehors de quelques entreprises qui ont annoncé leur niveau de souscription, la majorité écrasante des entreprises s’est limitée à de bonnes intentions. Et combien même il y a des entrepreneurs souscripteurs, pourvu que leurs fonds placés ne proviennent de découverts ou d’emprunts bancaires puisque dans ce cas, l’intérêt est quasi-nul et le gain est simplement déplacé d’un lieu vers un autre.

Qu’en est-il de l’utilisation qui en est faite?

Lors du lancement de l’opération, il était déclaré que les ressources procurées par l’emprunt seraient affectées au financement de projets structurants en mesure d’impacter positivement de nombreux autres de façon simultanée. Cet argument de promotion était avancé pour susciter de l’engouement chez les souscripteurs potentiels et indécis les invitant à contribuer au développement de leur pays. Il était soutenu mordicus que l’emprunt considéré ne serait jamais destiné à financer les dépenses de fonctionnement, lesquelles seraient honorées par des ressources définitives.

En effet, il existe une règle d’or dans la finance reposant sur le postulat que les emplois durables sont toujours financés par des ressources stables. Cette cohérence a pour finalité de se prémunir contre le double risque de la déstructuration des grands équilibres financiers du budget et de la compromission de l’avenir.

Dans les faits, l’emprunt national pour la croissance économique a servi avec 317,62 milliards de DA, donc en grande partie, à résorber le déficit du Trésor et faire face aux dépenses de fonctionnement.

Peut-on parler d’échec ou de réussite de cette opération ?

Certains qualifient cette opération d’emprunt obligataire de la décroissance, ce qui me parait exagéré. Mais force est de reconnaitre, que les objectifs affichés initialement n’ont pas été atteints, tant par le volume collecté que par l’utilisation qui en est faite. Les raisons sont à rechercher dans une communication inappropriée, un manque de confiance et/ou l’insuffisance des incitations proposées.

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