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En Afrique, le tourisme intérieur pourrait devenir la planche de salut du secteur

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Depuis la survenue de la pandémie de Covid-19 qui a profondément bouleversé le paysage économique mondial, les pays essayent de concevoir de nouvelles stratégies pour bâtir une économie plus résiliente. En Afrique où l’essor économique a été brusquement freiné dans son élan par le virus, le nouveau leitmotiv des gouvernements semble être de remettre les Africains au centre de l’économie. Ainsi, dans le domaine du tourisme, une nouvelle stratégie émerge pour remettre l’économie sur les rails : le tourisme domestique. Si cette nouvelle méthode est fort louable, il faudra franchir quelques obstacles pour la mettre en œuvre.

Une importante manne financière délaissée : En Afrique, le secteur touristique, quoiqu’encore assez peu développé par rapport aux autres continents, représente une importante manne financière pour les Etats. Qu’il s’agisse d’emplois, de recettes financières ou de visibilité à l’international, le tourisme a, depuis plusieurs années, un impact grandissant sur les économies africaines. Ainsi, selon le Hospitality Africa Report 2019, les voyages et le tourisme en Afrique ont contribué à hauteur de 8,5 % (ou 194,2 milliards de dollars) au PIB du continent en 2018, contre 8,1 % et 7,8 % en 2017 et 2016 respectivement ; ce qui en fait l’un des principaux moteurs de la croissance de l’économie sur le continent. Ce record de croissance a fait de l’Afrique la deuxième région touristique la plus dynamique du monde, avec une croissance de 5,6 % en 2018 (après l’Asie Pacifique), contre un taux de croissance moyen mondial de 3,9 %.

On estime que les visiteurs internationaux ont dépensé un total de 58,5 milliards de dollars en 2018. De plus, le secteur des voyages et du tourisme a fourni directement et indirectement de l’emploi à environ 24,3 millions de personnes en 2018, ce qui représente approximativement (6,7 %) de l’emploi total sur le continent. Dans plusieurs pays comme les Seychelles, la Tunisie, Maurice, le Rwanda ou l’Ouganda, une grande partie de la population dépend du tourisme pour obtenir des revenus et les recettes touristiques renforcent les réserves en devises étrangères des Etats. Malheureusement, l’arrivée de la pandémie du coronavirus a fortement bouleversé cette tendance, qui s’observait de plus en plus dans plusieurs pays du continent. Avec la suspension des voyages internationaux et les mesures de restrictions qui ont obligé les Etats à fermer leurs sites touristiques, la Covid-19 a engendré des pertes énormes dans le domaine du tourisme. D’après l’Union africaine, 55 milliards $ de revenus touristiques et de voyages ont déjà été perdus par les pays africains en l’espace de trois mois.

Sur ce point, certains pays semblent d’ailleurs plus touchés que d’autres. Au Kenya, les autorités ont annoncé qu’en l’espace de cinq mois, 2,5 millions d’emplois ont été perdus dans le secteur touristique. En Ouganda, l’Etat s’attend à perdre jusqu’à 2 milliards $ de revenus touristiques cette année. Selon le président Yoweri Museveni, ces pertes touristiques pourraient d’ailleurs se poursuivre sur plusieurs années, à raison de 1 milliard $ de recettes touristiques perdues par an. Au Zimbabwe, où l’économie était déjà dans la tourmente, bien avant la pandémie du coronavirus, on s’attend à perdre 1,1 milliard $ de recettes touristiques en 2020. Face à ces difficultés, de nombreux pays du continent ont réfléchi à des stratégies efficaces pour s’adapter à la situation. Si un tourisme numérique semble timidement se développer dans les pays disposant d’assez de ressources pour opérer ce virage, c’est surtout l’option du développement d’un tourisme domestique qui est de plus en plus prisée par les dirigeants du continent.

Relancer le tourisme grâce aux Africains : Depuis le début de la pandémie, les pays africains semblent vouloir remettre les visiteurs nationaux et régionaux au cœur de leurs politiques touristiques. Les autorités gouvernementales espèrent ainsi profiter d’une manne financière inexploitée depuis des décennies.

Au Kenya par exemple, le ministre du Tourisme, Najib Balala, a annoncé un plan pour développer le tourisme domestique au cours des deux prochaines années. En promouvant les voyages nationaux et régionaux, les autorités kényanes espèrent relever un secteur touristique qui représentait jusque-là la troisième source de devises étrangères du pays, après les envois de fonds et les exportations agricoles.

Au Rwanda, le Rwanda Development Board (RDB) a adopté des mesures visant à stimuler l’envie des populations locales pour les visites touristiques. A cet effet, les autorités ont réduit de 1500 $ à seulement 200 $ les frais de visite des parcs nationaux abritant les gorilles de montagnes, l’une des principales attractions touristiques du pays.

Andrew Gatera un des principaux opérateurs du secteur touristique au Rwanda explique : « De manière positive en fait, nous avons appris que le marché intérieur est aussi important que le marché international. Nous avons dû retourner à la case départ pour commencer à innover, en introduisant quelques forfaits et en développant notre système de réservation en ligne. Nous essayons donc d’utiliser différentes stratégies pour attirer les voyageurs sur le marché local. […] La promotion du tourisme intérieur a été particulièrement importante et son impact s’est fait sentir lorsque les résidents locaux ont fait preuve d’enthousiasme dans leurs tournées. Des groupes de locaux se sont rendus dans des parcs nationaux tels que les parcs nationaux de l’Akagera et de Nyungwe. Et les acteurs du secteur ont été très occupés, c’était vraiment positif ». « Nous avons été heureux de voir tant de familles rwandaises et de résidents du Rwanda profiter de l’occasion pour jouir du tourisme intérieur. J’espère que cela va continuer, même si nos invités étrangers viennent ici pour découvrir les attractions de notre pays », s’est de son côté félicité le président Paul Kagamé.

En Afrique du Sud, en Ouganda, et au Ghana, les autorités travaillent de plus en plus à relancer le tourisme en s’appuyant sur le marché local. Malheureusement, les fruits d’une telle réforme pourraient tarder à se manifester, principalement en raison de la structure assez extravertie du tourisme africain.

Une structure essentiellement extravertie : En réalité, au-delà de la crise sanitaire et économique, la pandémie du coronavirus a souligné l’une des tares du secteur touristique africain : sa forte dépendance aux visiteurs internationaux. Selon une étude de la CNUCED, le tourisme intra-régional dans le monde représente 8 arrivées sur 10. En Afrique, seulement 4 touristes internationaux sur 10 sont Africains. Si les touristes africains tirent de plus en plus la demande du continent en matière de tourisme, ces chiffres montrent que le potentiel du tourisme domestique ou intra-régional en Afrique est loin d’être pleinement exploité. Cette situation peut être attribuée au fait que la plupart des investissements réalisés par les gouvernements dans le secteur touristique, ces dernières années, ont souvent ciblé les visiteurs internationaux au détriment des populations locales. Les infrastructures hôtelières et la tarification des visites de sites touristiques ont souvent ciblé une clientèle haut de gamme, capable d’investir de fortes sommes d’argent non seulement dans le tourisme de loisir, mais également dans le tourisme d’affaires. Si au niveau national, les politiques touristiques n’ont pas assez pris en compte les visiteurs locaux, au niveau régional c’est surtout la lenteur des politiques intégrationnistes qui semblent en cause. L’un des problèmes les plus fréquemment pointés du doigt dans ce domaine est celui de la désorganisation du secteur aérien africain qui rend le voyage à l’intérieur du continent  plus difficile et plus cher que les voyages en provenance d’autres continents.

Pour se rendre d’une destination à une autre sur le continent africain, un voyageur peut, parfois, être obligé de parcourir des milliers de kilomètres en passant par le Moyen-Orient ou l’Europe. Selon un rapport du groupe City Lab, il faut par exemple débourser plus de 600 dollars pour un vol qui durera 10 heures entre Kampala (Ouganda) et Bujumbura (Burundi), deux villes distantes de 725 km. Au même moment, avec une distance qui est à peu près la même entre les villes américaines de Boston et Washington DC, un voyageur achètera son billet en moyenne à 120 dollars pour une durée de vol de 1h 30, en moyenne. Afin de régler cette situation et de permettre aux pays africains de créer un environnement favorable au développement du secteur touristique, de nombreuses initiatives ont été lancées. En plus des mesures prises au niveau interne par chaque pays, la création d’un marché unique du transport aérien africain censé unifier les tarifications à travers le continent pour faciliter les vols intra-régionaux semble l’initiative phare. « Le segment domestique a souvent été ignoré, mais cette crise a mis en avant l’opportunité et la nécessité de se repositionner sur les déplacements domestiques et intra-régionaux », indiquait Elcia Grandcourt, directrice Afrique de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). Et d’ajouter, « la diversification des produits, le développement des infrastructures et des prix compétitifs (tels que les tarifs résidents) doivent également tenir compte de la démographie des consommateurs locaux afin qu’ils puissent découvrir eux aussi ce que leur pays a à offrir. Il est primordial d’adapter son offre à l’échelle locale et de répondre aux besoins nationaux. Ce type de marché a déjà montré dans plusieurs pays sa capacité de soutien à l’économie locale et d’absorption des chocs, après des attaques terroristes, par exemple ». 

Ecofin

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