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Reprise des actifs d’Anadarko: Une opportunité stratégique pour Sonatrach

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Sonatrach a l’occasion de réaliser une opération éminemment stratégique en se positionnant pour la reprise des actifs africains d’Anadarko. Ahmed Kebaili, consultant dans l’industrie pétrolière et ancien expert de la Banque mondiale, livre son point de vue sur les solutions alternatives qui s’offrent à notre compagnie nationale pour la mise en œuvre de cette stratégie.

Diverses contributions parues dans la presse algérienne ont étés faites au sujet de la proposition de Total d’acquérir les actifs d’Anadarko en Afrique. Ces actifs peuvent se résumer à 24,5% de participation dans les Blocks 404a et 208 dans le Bassin de Berkine en Algérie ; 27% de partage de production dans les champs de Jubilee et TEN au Ghana, qui sont déjà producteurs à hauteur de 143.000 barils par jour (b/j) ; 26,5% de participation dans un grand projet de GNL au Mozambique. Deux trains de liquéfaction vont entrer en production en 2024 et, last but not least, des licences d’exploration en Afrique du Sud à proximité d’une découverte récente réalisée par Total.

Les actifs algériens d’Anadarko représentent pour l’Algérie des enjeux majeurs, tant stratégiques qu’économiques. Face à cette situation, la Sonatrach peut adopter une des quatre options : exercer son droit de préemption, opter pour une stratégie à l’échelle africaine, partage équitable des parts d’Anadarko dans le Groupement Berkine ou acquisition par Sonatrach de la totalité des parts d’Anadarko dans le Groupement Berkine plus une partie des parts d’Anadarko situés ailleurs en Afrique.iverses contributions parues dans la presse algérienne ont étés faites au sujet de la proposition de Total d’acquérir les actifs d’Anadarko en Afrique. Ces actifs peuvent se résumer à 24,5% de participation dans les Blocks 404a et 208 dans le Bassin de Berkine en Algérie ; 27% de partage de production dans les champs de Jubilee et TEN au Ghana, qui sont déjà producteurs à hauteur de 143.000 barils par jour (b/j) ; 26,5% de participation dans un grand projet de GNL au Mozambique. Deux trains de liquéfaction vont entrer en production en 2024 et, last but not least, des licences d’exploration en Afrique du Sud à proximité d’une découverte récente réalisée par Total.

Option souveraineté nationale – droit de préemption.

Dans ce cas de figure, Sonatrach peut se positionner pour acquérir toutes les parts d’Anadarko en Algérie. Ce faisant, elle deviendrait majoritaire dans le Groupement Berkine qui, il faut le signaler, a produit en 2018 une moyenne de 320.000 barils équivalent/jour (beq/j). Dans le cas contraire, l’acquisition par Total des parts d’Anadarko de 24,5% viendrait s’ajouter aux 12,25% qu’elle possède déjà ; ce qui positionnerait Total comme première société étrangère opérant en Algérie ; et, par-là, dominer Sonatrach techniquement et financièrement. Ce qui s’apparenterait à un retour à la période d’avant le 24 février 1971, date de la nationalisation des hydrocarbures en Algérie.

Option stratégique à l’échelle africaine.

Dans cette option, Sonatrach ferait une contre-offre à Anadarko et proposerait d’acheter tous ses actifs africains (Algérie, Ghana, Mozambique, Afrique du Sud). Ceci ferait de Sonatrach, à un prix légèrement supérieur à $8,8 milliards, un acteur majeur sur le continent africain ; et par-là, devenir aussi créateur de richesse pour l’Algérie en dehors de ses frontières. Cette option est à mes yeux la plus attractive. Sonatrach rejoindrait le rang des sociétés dites NOCs (National Oil Company) qui sont devenues acteurs majeurs dans l’industrie pétrolière, tels que Petronas (Malaisie), Petrobras (Brésil), Qatar Petroleum (Qatar), et à moindre mesure Pertamina (Indonésie), Petrovietnam (Vietnam), PTTEP (Thaïlande). Mais dans la situation financière actuelle de l’Algérie elle n’est malheureusement pas faisable.

Option partage Total-Sonatrach.

C’est l’option ‟gagnant-gagnant” où le partage des parts d’Anadarko dans le Groupement Berkine est équitablement partagé. Cette option serait la moins attrayante des offres. Une variante de cette option verrait Sonatrach consentir à l’acquisition de la totalité des parts d’Anadarko dans le Groupement Berkine ; mais en contrepartie, obtenir de Total de se défaire au bénéfice de Sonatrach d’une fraction des actifs africain d’Anadarko, à savoir ceux du Ghana, Mozambique et Afrique du Sud. Ici Sonatrach s’inspirerait de l’approche stratégique adoptée par Qatar Petroleum en s’associant à ExxonMobil, association qui lui a permis de pénétrer des marchés tels que ceux de l’Argentine, du Golfe du Mexique, du Mozambique et bien d’autres régions. Cette stratégie garantirait un retour d’investissement dans un délai très court et assurerait des rentrées soit de devises ou des parts de production qui viendraient compenser la baisse de notre production nationale.

La valeur totale des actifs africains d’Anadarko est estimée à $8,8 milliards, actifs du bassin de Berkine inclus.  Si on exclut les actifs d’Anadarko en Algérie, une faction du reste de ses actifs en Afrique serait à la portée de Sonatrach même dans la période présente de vaches maigres. Le prix de l’acquisition d’une fraction de ces actifs serait moindre si Sonatrach se désengage dès le départ des actifs Sud-Africain, et ne se concentre que sur les actifs du Ghana et du Mozambique. Ceci parce que les conditions opératoires offshore en Afrique du Sud sont extrêmement difficiles. En effet, Total a fait une découverte importante dans une concession offshore, située à 175 km des côtes ouest de l’Afrique du Sud, qui s’est révélée être un bonanza estimé à 1 milliard de barils pour l’Afrique du Sud. Total détient dans cette concession 45% d’intérêt, le reste est partagé avec Qatar Petroleum à 25%, CNR (Canadian Natural Ressources) à 20% et 10% à Main Street, un consortium sud-africain. Malgré les difficultés rencontrées par Total et ses partenaires, leur découverte a suscité énormément d’intérêts de la part d’autres acteurs majeurs tels que Shell et ExxonMobil. Sonatrach peut alternativement décider de ne pas se désengager des actifs de l’Afrique du Sud et profiter du fait d’être partenaire dans le bloc d’Anadarko pour acquérir la technologie offshore.

Le scénario aurait été tout autre si Sonatrach n’avait pas vendu les actions qu’elle détenait dans Anadarko. Pour rappel, en 1988 pour régler un conflit gazier avec Sonatrach, Panhandle Eastern avait émis 1,5 million d’actions (la valeur d’une action valait aux environs de $25,50) à Sonatrach ce qui représentait 13% du capital de Panhandle Eastern. Par la suite, par les jeux de fusions-acquisitions entre Panhandle et Anadarko, Sonatrach aurait fini par détenir, fin 2002, 4,9% du capital d’Anadarko. Au mardi 31 décembre 2002 à la clôture du New York Stock Exchange la valeur de l’action Anadarko était de $23,95 alors qu’à une date plus récente telle que 13 juin 2019 sa valeur est à $70,07. La valeur du capital d’Anadarko que Sonatrach détenait aurait ainsi triplé !  Il faut ajouter qu’entre temps, le 26 mai 2006, les actions d’Anadarko ont subi un ‟stock split”, fractionnement d’actions, 2 pour 1, qui avec l’effet concurrent de l’appréciation de l’action et des dividendes reçus aurait eu un effet multiplicateur plus grand sur la croissance de la valeur du capital détenu par Sonatrach.  On ne saura jamais pourquoi Sonatrach avait décidé de vendre cette part du capital d’Anadarko. Il ne faut surtout pas s’aventurer à essayer de trouver une réponse dans le site internet de Sonatrach qui est à l’image de notre gouvernement, aussi opaque que possible.  Et surtout n’essayons pas non plus de trouver le coût moyen d’extraction d’un baril de pétrole en Algérie.

Rappelons en conclusion qu’un fonds souverain aurait géré autrement le capital d’Anadarko détenu par Sonatrach, entre autres actifs détenus par la société. Mais là on aborde un sujet qui semble être un sujet-tabou en Algérie, et qui mériterait une contribution séparée. Je laisse le soin au lecteur de se faire une idée de ce qu’un fonds souverain aurait rapporté à l’Algérie, gérant des placements en actions et des placements non cotés qui peut facilement avoir un rendement annuel de l’ordre de 4%.

Kebaili, A.L. PhD

Spécialiste Industrie Pétrolière 

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