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Comment le changement climatique impacte la productivité des économies africaines

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Incendies, cyclones, sécheresses, températures extrêmes… Telles sont généralement les effets les plus connus du changement climatique sur notre planète. Pourtant, même si ces conséquences « physiques » sont les plus visibles, des études montrent que le réchauffement climatique a des effets négatifs sur la productivité des économies de nombreux pays. Et encore une fois, c’est le continent africain, considéré comme le moins développé du monde, qui semble être le plus exposé à cette nouvelle forme de risque économique…

Avec 1,2 milliard d’habitant pour une superficie de 30,1 millions de km², l’Afrique est le deuxième continent le plus peuplé du monde derrière l’Asie-Pacifique. Elle est également le continent qui subit le plus les effets du changement climatique, qui se ressentent à travers les catastrophes naturelles, mais également à travers une hausse des températures globalement enregistrées sur le continent.

D’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), au cours des 50 à 100 dernières années, les températures près de la surface ont augmenté d’au moins 0,5°C dans la plupart des régions d’Afrique. Cette tendance devrait se poursuivre pour dépasser les 2°C d’ici à 2100, faisant de l’Afrique le continent enregistrant les hausses de température les plus rapides de la planète. 

Des emplois particulièrement vulnérables : Ce réchauffement climatique exerce un « stress thermique » important sur les populations africaines. Celui-ci est désigné comme étant une chaleur, jugée excessive par rapport à celle que le corps peut tolérer sans souffrir d’altération physiologique. D’après l’organisation internationale du travail (OIT), ce stress thermique a des effets négatifs sur les emplois en Afrique.  

Dans un rapport paru cette semaine, l’institution a mesuré les tendances du marché africain de l’emploi par rapport au changement climatique au cours des 24 dernières années, tout en réalisant des projections pour l’année 2030. De l’étude, il ressort que les hausses de températures contribuent à rendre les conditions de travail de plus en plus difficiles, et à augmenter la proportion d’emplois de moindre qualité sur le continent.   Cette situation est d’autant plus alarmante que l’Afrique souffre déjà d’un énorme déficit en emploi de qualité, qui a entrainé une propagation des emplois vulnérables. Une large part de la population active du continent occupe des emplois informels, généralement caractérisés par des niveaux élevés de pauvreté et d’inégalité.  

D’après l’OIT, le continent enregistre la proportion la plus élevée au monde de travailleurs peu susceptibles d’occuper un emploi formel (travailleurs pour compte propre et travailleurs familiaux), avec environ 66% de l’emploi total actuel du continent. Selon les estimations, 290 millions de travailleurs africains étaient employés dans le secteur informel en 2017 et ce nombre a augmenté de près de 9 millions en 2018, la plus forte augmentation ayant eu lieu en Afrique subsaharienne.

« Les travailleurs du secteur informel n’ont généralement pas accès à la protection sociale et à l’assurance accidents et blessures, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux effets négatifs du stress thermique sur leurs moyens de subsistance » a indiqué l’OIT dans son rapport sur l’impact du stress thermique sur les emplois. 

Une perte de productivité croissante : L’exposition des emplois vulnérables au stress thermique induit par le changement climatique, entraîne une perte de productivité des travailleurs africains.  

D’après l’OIT, plus de 129 millions de travailleurs étaient employés dans le secteur agricole en Afrique. D’ici la fin de la prochaine décennie, l’institution envisage que ce chiffre atteigne les 290 millions d’employés, soit 48% de la main d’œuvre totale du continent. La part des travailleurs de la construction, devrait également augmenter sur le continent, passant de 3% la population totale active du continent en 1995 à 5% en 2030. Cependant, les experts indiquent que ces secteurs qui emploient la plupart des Africains (principalement dans le secteur informel) sont les plus particulièrement exposés à une perte de productivité liée au changement climatique.

Ceci, en raison de « la nature physique de leur travail, qui s’effectue principalement à l’extérieur et implique une exposition directe à la chaleur ». 

Dans son rapport, l’OIT indique que ces pertes de productivité se mesurent en fonction du nombre d’heures de travail perdues, en raison du stress thermique. En 1995, par exemple, l’institution estimait à 230 millions d’individus, le nombre total de travailleurs en Afrique. Environ 1,3 % du nombre total d’heures de travail fournis par ces derniers ont été perdues en raison du stress thermique, ce qui correspond à près de 3 millions d’emplois à temps plein. Près de 89% de cette perte de productivité est survenue dans le secteur de l’agriculture. Cette tendance devrait s’accélérer d’ici à 2030, où près de 2,3% des heures de travail seront perdues en Afrique. Alors que le nombre total de travailleurs du continent est projeté à 610 millions d’individus pour la période, cette perte de productivité correspondra à plus de 14 millions d’emplois à temps plein. « L’impact de ces pertes de productivité sur les rendements de l’agriculture de subsistance et, partant, sur les prix des denrées alimentaires, se traduira par une pauvreté accrue et une plus grande insécurité alimentaire » indique le rapport.

L’effet du stress thermique se répercute également sur le produit intérieur brut (PIB) des pays africains. D’après les chiffres de l’OIT, les pays africains ont perdu en moyenne 0,9 % de l’ensemble leur PIB à cause du stress thermique. D’ici à 2030, cette perte augmentera à 1,8%.   

Des disparités profondes : Même si les résultats globaux de l’Afrique dépeignent une situation alarmante, l’analyse des perspectives régionales soulignent des disparités profondes au sein même du continent. Celles-ci sont liées aux différences de climat et de composition de la population active qu’on retrouve dans chaque pays. Ainsi, l’Afrique de l’ouest est la région où les emplois sont les plus touchés par le stress thermique. Pour plusieurs pays de la sous-région tels que le Ghana ou la Côte d’Ivoire, les pertes de productivité du travail dépassaient 4 % de la durée totale du travail en 1995, soit bien au-dessus de la moyenne continentale. D’ici à 2030, le pourcentage d’heures de travail perdues atteindra près de 7 % dans de nombreux pays de la région, ce qui équivaudrait à 8,9 millions d’emplois à plein temps pour l’Afrique de l’ouest, dont 3,6 millions d’emplois pour le Nigéria seulement. Au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Ghana et au Togo, les secteurs de l’agriculture et de la construction devraient enregistrer des pertes de temps de travail supérieures à 10%.  

Alors que ces pays essayent d’agrandir leurs économies pour relever le défi du développement, le stress thermique lié au changement climatique pourrait plomber leurs perspectives de croissance. D’après l’OIT, la part du PIB perdue par le Burkina Faso en raison du stress thermique d’ici à 2030 atteindra les 9,1%, en hausse par rapport aux 4,2% enregistrées en 1995. A contrario, l’Afrique australe est la région du continent enregistrant le plus faible taux de perte de productivité lié au stress thermique. D’après l’OIT, cela peut s’expliquer d’une part par l’éloignement de ces pays de l’équateur, leurs hautes altitudes et leurs climats plus tempérés, et d’autre part par la moindre part de l’emploi agricole dans la sous-région, où il ne représente que 19 % de l’emploi total. Ainsi, alors qu’en Eswatini (pays le plus touché de la région), l’impact thermique entraînera des pertes d’emploi de seulement 0,5% d’ici 2030, l’impact du phénomène sur la productivité du travail au Lesotho est pratiquement nul.  En plus de réduire la productivité des économies, ces disparités peuvent alimenter des déplacements massifs de travailleurs, qui préféreront fuir les zones où les conditions de travail sont plus difficiles, pour des zones moins exposées au stress thermique. 

Une réponse internationale encore lente : Malgré une prise de conscience collective depuis plusieurs années, force est de constater que les efforts déployés pour lutter contre le fléau sont encore insuffisants. Depuis la conférence mondiale sur climat ayant eu lieu en 1979 à Genève, de nombreuses actions ont été annoncées par les pays pour réduire les effets du changement climatique.    En 2015 à Paris, de nombreux pays signaient l’accord sur le climat visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, dont les pays du G20 sont responsables à près de 80%. Quatre ans après l’événement, les actions dans ce sens piétinent toujours, et l’arrivée au pouvoir de dirigeants climato-sceptiques tels que Donald Trump aux Etats-Unis ou Jair Bolsonaro au Brésil, plombent encore plus les espoirs d’arriver rapidement à un consensus mondial sur la question. 

Alors qu’elle est le continent qui pollue le moins notre planète, l’Afrique subit de plein fouet les ravages de cette inaction à l’échelle mondiale. Au sein du continent, les priorités ont été définies ces dernières années: accélérer les investissements dans les secteurs clés (infrastructure, formation, commerce, etc.) pour atteindre les objectifs de développement durable et respecter l’agenda 2063 de l’Union africaine (UA). Pour ce faire, il semble évident que les pays du continent doivent mobiliser toutes les ressources nécessaires pour que la croissance économique puisse suivre le rythme de la croissance démographique, alors que la population africaine est prévue pour doubler d’ici 2050.

Ecofin

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