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Benbitour : «La refondation du système de gouvernance est la clé à la résolution des autres crises»

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L’ex chef du gouvernement Ahmed Benbitour a passé en revue ce dimanche 6 janvier 2019, la situation politique et économique de l’Algérie, lors du forum du journal Liberté organisé à l’hôtel Sofitel à Alger.

Selon lui, la population souffre de cinq maux : la perte de la morale collective, la corruption généralisée, la violence qui est devenue l’instrument de règlement de compte entre les individus et les groupes d’individus, le fatalisme, et enfin, l’individualisme. «Quand vous avez ces cinq maux dans la société ajouter à cela, l’influence négative des réseaux sociaux, la situation devient assez difficile. Et le premier pas vers la sauvegarde, c’est de commencer par une éducation citoyenne», a-t-il indiqué.

«Quand on parle de la gouvernance, notre pays est dirigé par un pouvoir autoritariste, patrimonialiste et paternaliste, qui vit de la rente et de la prédation dans l’utilisation de la rente», a expliqué M. Benbitour. «Vous êtes dans une situation où vous avez un système de pouvoir, qui fait que, mal informé, gap énorme entre gouvernants et gouvernés, et institutions fermées», a-t-il précisé.

Par le fait de cette mauvaise gouvernance, a-t-il poursuivi «résulte un état déliquescent et une situation de pénurie de financement de son budget». Car, a-t-il ajouté «le prix du baril nécessaire pour équilibrer le budget est passé de 34 dollars en 2005 à plus de 115 dollars en 2013, alors que le prix du baril à ne dépassera pas les 60 dollars en moyenne annuelle sur la prochaine décennie».

Pour M. Benbitour, un état déliquescent se caractérise par 5 critères : 1- L’institutionnalisation de l’ignorance et de l’inertie, c’est-à-dire, moins vous avez de savoir scientifique, moins vous avez d’engagements et plus vous avez de chances de monter dans la hiérarchie de l’Etat. 2- Le culte de la personnalité. 3- L’institutionnalisation de la corruption, qui ne devient pas seulement un comportement qui corrigible, mais, une institution. 4- Le nombre restreint d’individus qui prennent les décisions à la place des institutions habilités. 5- L’émiettement des clans au sommet de la hiérarchie de l’Etat.

L’Etat algérien est déliquescent

«Et malheureusement, quand on regarde la situation de l’Etat algérien, elle correspond parfaitement à ces 5 critères d’un état déliquescent», a-t-il indiqué.

Il a signalé que «l’économie algérienne est vulnérable, volatile et fortement dépendante de l’étranger, en particulier, en perte des moyens de financement de ses importations de biens de consommations essentiels».

Et pour se rendre compte, selon M. Benbitour il suffit d’analyser la situation des équilibres financiers extérieurs sur les dernières années. «Les recettes des exportations sont tombées de 63 milliards de dollars en 2013 à 27 milliards de dollars en 2016, soit -57%. Alors qu’en contrepartie, la facture des importations est réduite durant la même période de 55 mds usd à 49 mds usd, moins 11% seulement», a-t-il rappelé.

«C’est une image saisissante de la grande dépendance de l’extérieur et de la vulnérabilité de l’économie algérienne, due essentiellement à l’absence de la planification», a-t-il déploré, en ajoutant que «ce serait par conséquence la ponction sur les réserves de changes de 6 milliards de dollars en 2014, 34 mds usd en 2015 et 30 mds usd en 2016».

«Loin de toute naïveté économique et en toute lucidité, dans l’analyse de notre environnement et des projections à moyen terme, il s’avère que pour la prochaine décennie, les recettes des exportations ne couvriront que la moitié des importations, auquel il faut ajouter le déficit chronique de la balance des services, et les transferts des bénéfices des sociétés étrangères activant en Algérie. De ce fait, le stock des réserves de changes sera épuisé au-delà de 2020», a analysé l’ex chef du gouvernement.

Selon lui «des mesures urgentes sont nécessaires et pacifiques pour la sauvegarde de la patrie algérienne. Mais, la sauvegarde n’est durable que lorsqu’elle s’appuie sur la prospérité».

La crise politique, qui est mère de toutes les crises, ne peut être réglée, selon M. Benbitour que par le changement du pouvoir autocratique et patrimonialiste, par un pouvoir démocratique. «C’est très clair, il n’y pas d’autres solutions que le changement de tout le système de gouvernance, et non pas s’arrêter à un changement de personnes», a-t-il déclaré.

La refondation du système de gouvernance est la clé à la résolution des autres crises

«La refondation du système de gouvernance est la clé à la résolution des autres crises. Autrement dit, la priorité doit aller au changement des systèmes de pouvoir et à la refondation de la gouvernance», a-t-il précisé.

Pour M. Benbitour, «la crise est là, la dérive est inévitable, que peuvent faire les élites pour participer à la solution ? Il y a toujours l’attitude qui consiste à dire, après tout, c’est le pouvoir en place qui a créé la crise, il n’a qu’à se débrouiller avec, et attendre en y allant doucement, par la recherche d’une légitimité hypothétique qui viendrait des élections». Il a ajouté qu’«il faut bien considérer que le changement ne peut pas venir d’élections organisées au profit du régime en place.

Selon lui «il faut s’inspirer de l’expérience de 1954 et innover en matière d’organisation et de travail politiques, innover en matière d’instruments du changement, et parier sur nouvelle force». Qui passerait, notamment, par les nouvelles technologies pour sensibiliser et mobiliser les gens.

La nécessité d’une nouvelle vision économique va accélérer le rythme des réformes qui permettront, selon l’ex chef du gouvernement :

«Une plus grande diversification de l’économie et créer de l’emploi. La diversification nécessiterait des investissements mieux ciblés dans les infrastructures pour dégager plus d’épargne nécessaire pour les secteurs productifs des biens et services, de même, un meilleur climat des affaires».

«La création de l’emploi permettra de renforcer la formation et le perfectionnement professionnel, améliorer la gestion du marché du travail, les services de placement et les incitations à l’emploi dans le secteur privé».

«Faire de l’énergie un levier principal de développement. Réussir la transition énergétique par la décentralisation de la production de l’énergie comme source de bien-être social, de même l’exploitation de nouvelles ressources d’énergies, comme moteur de développement technologique de pointe, notamment, l’exploitation des énergies renouvelables».

Pour M. Benbitour il faut s’engager dans la quatrième révolution industrielle, qui est les nouvelles technologies (intelligence artificielles, robotiques, data center, les nanotechnologies, les biotechnologies…etc.) «Nous avons raté la première, la deuxième et la troisième, il ne faut pas rater la quatrième», a estimé Benbitour, en ajoutant que «ce n’est pas quelque chose d’extraordinaire. Il faudrait juste, démocratiser l’accès au savoir, et d’avoir la capacité de vouloir s’en intéresser», a-t-il expliqué

Il a proposé également de «lancer 15 pôles régionaux d’investissements et de développement. C’est-à-dire, mettre en place des pôles de développement dans 15 régions, en référence aux 15 départements de l’Algérie, existant juste après l’indépendance, et cela, pour commencer, et où seront les instruments nécessaires à l’investissements, des fonds d’investissements, des banques d’affaires et d’études, pour pouvoir avoir une décentralisation totale de la décision d’investir au niveau régional. Et tout commencera par une monographie de chaque région pour définir quels sont les secteurs à encourager pour le développement d’une région déterminée».

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