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Loi de finances 2019 : signes avant coureurs dune grave détérioration des indicateurs macroéconomiques

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Le projet de loi de finance pour l’année 2019 que vient d’adopter l’Assemblée Nationale est porteur des premiers symptômes d’une grave détérioration des indicateurs macroéconomiques sur lesquels reposait la crédibilité de l’économie algérienne. Maintenus jusque là à des proportions acceptables la croissance, l’inflation, le niveau des réserves de change, le déficit budgétaires et autres indicateurs macro économiques confortaient l’image d’une économie stable et, de surcroît, promise à un bel avenir. Les chiffres mentionnés dans le projet de budget pour l’année 2019 apportent plutôt la preuve d’une économie qui s’est progressivement dégradée au point de susciter de réelles inquiétudes sur son présent et son devenir.

Parmi les indicateurs macroéconomiques qui ont subi des dégradations majeures on peut citer, le taux de croissance qui passe de 3,2% en 2018 à 2,9% en 2019, l’inflation qui grimpe au dessus de 5% et qui pourrait même dépasser 10% en 2020, une balance des paiements et des réserves de change en chute libre, un taux de change à la dérive et un déficit budgétaire abyssal qui n’est pas fait pour arranger les choses. Pour la période 2019-2021, le projet de budget prévoit en effet une baisse continue de la balance des paiements qui devrait passer de 17.2 milliards de dollars en 2019, à 14.2 milliards en 2020, puis 14 milliards USD en 2021. Cette dérive progressive de la balance des paiements sera à l’origine d’une régression continue des réserves de change : 62 milliards de dollars en 2019, 47,8 milliards en 2020 puis 33.8 milliards en 2021.

A moins d’un retournement spectaculaire de conjoncture qui ferait bondir les cours du pétrole à des niveaux élevés, les déséquilibres macro-économiques ne feront que se poursuivre et s’amplifier durant, au minimum, les trois prochaines années. Le train de vie dépensier de l’Etat, couplé au recours excessif à la planche à billets, exacerberont encore davantage ces difficultés, au point où l’on évoque déjà  l’avènement à court terme d’une inflation à deux chiffres et des taux de change proches de ceux pratiqués actuellement sur le marché parallèle.

La baisse drastique du budget d’équipement (-11%) risque par ailleurs d’exacerber le taux de chômage, aujourd’hui largement contenu par les commandes publiques de travaux et de services. Le budget de fonctionnement est par contre en hausse de 8% pour payer les augmentations de salaires accordées aux fonctionnaires et les frais liés à la campagne électorale d’avril 2019. Des dépenses sans contreparties productives qui ne manqueront évidemment pas de faire déraper encore plus l’inflation et de creuser encore davantage le déficit budgétaire qui franchira allégrement la barre des 10% du PIB en 2019. Sur un total de dépenses estimé à 8.557,2 milliards de dinars, le projet de budget prévoit un budget de fonctionnement de 4.954,5 milliards de dinars, alors que celui destinés aux investissements publics n’est que 36O3 milliards de dinars. Une réduction significative de 11% qui sonne le glas de la politique keynésienne qui avait été menée jusque là, au profit d’une politique économique plus austère qui n’affectera malheureusement que les secteurs productifs, le train de vie dépensier de l’Etat n’étant pas concerné par cette coupe budgétaire.

Telle que mise en évidence par le projet de loi de finance pour  l’année 2019, la dégradation des agrégats financiers de l’Etat sera si forte tout au long des cinq prochaines années, qu’elle pourrait susciter la méfiance de nos partenaires étrangers qui nous observeraient alors d’un œil moins avenant lorsqu’il s’agira, notamment, d’investir ou d’accorder des prêts à l’Algérie. Le fond de régulation des recettes d’hydrocarbures qui avait disparu sous l’effet de la chute des prix du pétrole, ne pourra même pas être réactivé vu le niveau encore trop bas et incertain du prix du baril, pour calmer leurs appréhensions. Une situation dramatique qui, plus que jamais, mettra une nouvelle fois en évidence le coté pervers et dangereux d’une économie rentière trop dépendante des recettes d’hydrocarbures dont les produits fiscaux constituent prés de la moitié du budget de l’Etat. A titre d’exemple en 2019, la fiscalité pétrolière (2715 milliards de dinars) contribuera à hauteur 41% au budget de l’Etat qui en compte 6508 milliards de dinars au total.

Encore trop faibles les recettes de la fiscalité ordinaire ne peuvent malheureusement pas suppléer aux manques à gagner de cette fiscalité pétrolière fortement compromises par le choc pétrolier. L’activité des entreprises privées étant en grande partie plombée par un environnement juridique défavorable et une bureaucratie étouffante, les prélèvements d’impôts de diverses natures (IRG, Impôts sur chiffres d’affaires et bénéfices etc.) situent, en effet, à des niveaux encore trop bas en raison de l’état des lieux peu reluisant de notre économie et de difficulté à collecter les impôts.  La stagnation des quantités de pétrole et de gaz à exporter à des seuils insuffisant par rapport aux besoins financiers de l’Etat, complique encore davantage ce problème de consistance des recettes budgétaires, qui stagnent pratiquement au même niveau depuis plusieurs années, alors que les besoins du pays ont beaucoup augmenté en raison de l’explosion de la demande sociale. En conséquence, l’Etat se contente de tirer l’essentiel de ses recettes fiscales de la TVA et autres nouvelles taxes, qui affectent pratiquement tous les produits vendus et, notamment, ceux, très nombreux, qui sont importés. D’où les subites et fortes augmentations des prix constatées depuis l’entrée en vigueur de la loi de finance pour l’année 2018 qui avait instauré toutes ces nouvelles taxes.

Reste à savoir si le déficit colossal du budget de l’Etat est de nature à gêner l’action gouvernementale, notamment dans ses obligations de paiement des salaires des fonctionnaires et de financement des transferts sociaux que le pouvoir doit absolument assurer durant cette période ultra sensible qui nous sépare du scrutin présidentiel d’avril 2019. Lors de la présentation du projet de loi de finance pour l’année 2019, le ministre des finances s’est montré plutôt serein, sans doute rassuré par le recours désormais possible à la planche à billets.

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