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Le taux de chômage : « il devrait continuer sa tendance haussière jusqu’à fin 2017 »

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Dans cet entretien, M. Mourad El Besseghi, économiste et expert financier, a réagi aux chiffres du chômage annoncés samedi dernier par l’Office National des Statistiques (ONS), ainsi que sur les causes du taux de chômage très élevé dans notre pays, notamment chez les jeunes.

Algerie-eco.com : l’ONS a annoncé un taux de chômage de 12,3% au niveau national, est-ce que ces chiffres sont vrais?

Mourad El Besseghi: Il n’y a aucune raison de penser que ce sont des chiffres déconnectés de la réalité puisqu’ils émanent d’un Office qui dispose des moyens et des outils pour calculer les agrégats macroéconomiques et qui les publient régulièrement.

Mais effectivement, il faut faire une lecture averti de ces chiffres afin de ne pas se fourvoyer dans des conclusions rapides ou alarmistes.

D’abord sur la méthode :

Le taux de chômage au sens du Bureau International du Travail (BIT), calculé par l’ONS est déterminé grâce à une enquête réalisée auprès d’un échantillon de ménages sur une population de personnes de plus de 15 ans d’âge. Le taux de chômage est le pourcentage de chômeurs dans la population active (personnes soit en activité, soit non occupés).

La détermination du taux de chômage à partir du nombre de demandeurs d’emploi (on ne parle pas de chômeurs) inscrits à l’Agence Nationale de l’Emploi et qui ont exprimé une demande d’emploi, est une méthode qui repose sur la fiabilité des demandes et donc des  chiffres obtenus.

Il s’agit de méthodes statistiques basées sur des extrapolations avec les risques d’écarts que cela suppose. Mais logiquement les deux démarches devraient aboutir à des taux sensiblement identiques.

Ensuite sur l’appréhension de ce taux :

Il est certes révélateur mais il n’est que l’aboutissement et la conséquence d’une situation économique d’ensemble du pays. Le chômage est un épiphénomène dont la thérapie à administrer n’est pas isolée du reste.

Le taux de chômage a augmenté de 1,8 point,selon vous quelle est la cause de cette hausse aussi rapide ?

Sur son site WEB, l’Office National des Statistiques a annoncé que le taux de chômage a atteint, en avril dernier, 12,3% contre 10,5% en septembre 2016, soit une hausse de 1,8 point. Pas moins de 1,5million de personnes en âge de travailler n’ont pas trouvé d’emploi et donc un taux de chômage en hausse.

En effet, ceci ne doit pas nous surprendre, compte tenu de la morosité économique que nous  traversons connaissons depuis la chute des prix des hydrocarbures. Il ne faut jamais perdre de vue que le chômage est la conséquence et non l’origine de la récession que nous vivons. Il est normal que ce taux augmente à 12,3%  car le contraire aurait surpris plus d’un. Il devrait continuer sa tendance haussière jusqu’à la fin 2017 au moins.

Le taux de chômage chez les jeunes est de 29,7%et de 10% chez les chômeurs sans qualification. Qu’est-ce qui explique cette situation ?

La catégorie la plus fragiliséedans l’emploi est évidemment les jeunes et en particulier ceux qui sont sans qualification. Mais dans les chiffres fournis par l’ONS, on observe également cette disparité entre femmes et hommes ainsi qu’entre jeunes diplômés de la formation professionnelle et jeunes diplômés de l’université.

Il est vrai que certains spécialistes diront que dans la réalité le chômage est plus élevé que ce qui est officiellement déclarée. Selon eux, à l’œil nu, en observant autour de soi, on se rend compte que les offres d’emploi sont faibles ou inadéquates par rapport à la demande. Ils rejettent cela sur le rythme de création de poste de travail et au niveau des salaires distribués qui est sans rapport avec le niveau de vie.

Les jeunes préfèrent probablement trouver un emploi dans le secteur informel qui a été estimé par le BIT à 42 % de la population active en 2013.

Sans couverture sociale et sans aucune protection, les jeunes favorisent un emploi au noir  plus souple et plus attractif. Une situation paradoxale et pour laquelle il est urgent de trouver les solutions appropriées.

Ces chiffres marquent-ils l’échec de la politique de l’emploi de l’Etat ou tout simplement la fin de l’Etat employeur ?

Prés de 70% des emplois occupés sont sous la forme dominante : le salariat. L’Etat qui est le plus gros employeur a ralenti considérablement son rythme de recrutement suite aux coupes drastiques dans le budget de fonctionnement de l’Etat.

Par ailleurs, les réductions opérées dans le budget d’équipement de l’Etat en 2017, ont certainement conduis les pouvoirs publics à abandonner certains nouveaux projets et opter pour continuer ce qui est déjà entamé seulement. Or il est connu que ce qui absorbe le chômage dans une grande proportion c’est le secteur du BTPH.

Il est vrai que les emplois créés dans la fonction publique ces dernières années n’ont fait qu’enjoliver momentanément le taux mais sans effet en profondeur. L’effet retardateur s’est vite dissipé et le retour à  l’amère réalité était inéluctable. L’emploi durable est celui qui génère de la valeur ajoutée et qui contribue à la richesse du pays. Il y a une relation quasi-inversement proportionnelle entre croissance de la PIB et augmentation du taux de chômage. En clair, l’Etat a toujours été un mauvais patron.

 

Le secteur privé peut être une solution ?

Pour n’importe quel pays, y compris les pays nanti, le secteur privé doit être la locomotive dans la création de l’emploi.L’Algérie a toujours favorisé cette démarche et de grands efforts ont été consentis à travers les subventions accordés pour encourager la création de l’emploi.

Mais, dans un souci d’efficacité, il est serait nécessaire de faire le point de ce qui a été fait dans ce domaine, jusqu’à présent.

Il est indéniable, qu’avec le ciblage des subventions conséquemment à la baisse des recettes des hydrocarbures, l’Etat doit revoir sa copie en ce qui concerne l’emploi.

L’Etat a accordé des prêts à taux d’intérêts bonifiés, des avantages fiscaux et parafiscaux, des réductions sur les droits des douanes, etc… pour soutenir principalement la création d’emploi. Il est grand temps de faire le point et de mesurer l’impact de ces mesures sur le terrain.

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