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Préoccupés par les vicissitudes de la vie, les Algériens peu emballés par la révision de la constitution

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L’attention rivée sur les vicissitudes de la vie (Covid, chômage, baisse du pouvoir d’achat, pénuries de liquidités,intempéries, répression etc.), les algériens n’ont pas le cœur à débattre du projet de révision de la constitution qu’on leur a concocté en vase clos et dont seules quelques élites triées sur le volet, ont pu se procurer la mouture complète. Le peu d’informations qu’ils ont retenues, ils les ont obtenues des médias nationaux, qui n’ont, au bout du compte, laissé filtrer que quelques contours superficiels du projet. Ne saisissant pas les véritables enjeux de cette 10é révision de la constitution, cette dernière ne suscite pas leur engouement. Le sujet ne semble pas les préoccuper, d’autant plus qu’ils n’y a eu à leur égard aucune sollicitation du pouvoir qui les inciterait à s’y intéresser de plus prés.  Seules quelques élites proches du pouvoir ont eu accès au projet de révision et aux médias qui ont permis aux plus zélés d’entre eux d’en débattre sur les plateaux de télévisons.

Le processus d’élaboration de cette énième constitution n’a donc pas  dérogé à la règle qui veut que celle-ci soit l’affaire exclusive des chefs d’État en quête de lois taillées sur mesure pour eux. Il n’y a jamais eu de place pour des constitutions directement inspirées par le peuple algérien, ni même, à des remises en causes susceptibles de nuire aux intérêts des régimes en place. Seuls des replâtrages de façade sont parfois permis pour donner l’impression d’une démarche démocratique. Les constitutions ont toutes eu pour but de pérenniser le système, en accordant chaque fois un peu plus de pouvoirs au président de la république, tout en le préservant du risque judiciaire. Le peuple algérien sensé être la source principale d’inspiration des constitutions a toujours été le grand oublié. La révision de la constituons de 2016  a carrément été faite sans lui, puisqu’il n’eut pas le droit à la parole lors de son élaboration et que son adoption fut confiée au Parlement qui l’adopta sans débats et à mains levées au cours d’une seule et unique séance.

Le même scénario est reproduit pour cette 10e constitution dans les hémicycles de l’Assemblée Nationale et du Sénat. Le premier l’a déjà entériné à main levée ce jeudi. Elle sera adoptée très certainement dans les mêmes conditions samedi prochain par le Sénat. D’aucuns se posent la question de savoir pourquoi le gouvernement a tenu à la faire adopter par un parlement complètement discrédité par les tout récents déballages judiciaires et les lourdes peines de prison  infligées aux chefs des partis majoritaires, alors qu’un référendum populaire aurait peu être plébiscitée. La feuille de route, inspirée faut-il le rappeler par Abdelaziz Bouteflika à la veille de son retrait de la course au cinquième mandat, a été tracée en tenant compte des institutions qui existent pour éviter tout risque  de crise politique que pourrait provoquer leur suppression. Si changement il y aura, il viendra probablement après que le référendum ait donné une  légitimité à cette nouvelle constitution. Ce référendum programmé pour le 1er novembre prochain prendra très certainement, comme ce fut le cas pour l’élection présidentielle du 12 décembre 2019, la forme d’un forcing électoral, sur fond de triche et de manipulations de chiffres vite oubliés, après la proclamation des résultats.

Les régimes qui se sont succédé à la tête du pays, ont toujours refusé d’impliquer le peuple dans l’élaboration des constitutions. Mis à part celle de 1963, les assemblées constituantes n’ont jamais eu le droit de cité en Algérie.   Les constitutions ont de tous temps été l’affaire des présidents de la république et des véritables détenteurs du système qui dictent les grandes lignes à y inscrire avec l’arrière pensée de les remettre en cause chaque fois que la situation l’exige.

 

Beaucoup d’algériens se posent également la question de l’opportunité de cette révision constitutionnelle en pleine pandémie de Coronavirus qui trouble leur quotidien et les empêchent de se concentrer sur ce projet dont ils savent peu de choses. Les débats en arabe classique n’intéressent qu’une toute petite frange de la population. Les millions  d’algériens qui ne comprennent que l’arabe dialectale ou le berbère ne se sentent pas du tout concernés et dans tous les cas méfiants à l’égard de cette élite arabophone trop proche du pouvoir.

Les millions d’algériens exclus du débat sur la nouvelle constitution, se consolent en se convainquant que cette dernière, comme toutes celles qui l’avaient précédées, ne sera jamais appliquée et que le fait du prince continuera, comme c’est actuellement le cas, à régner. D’aucuns parmi les algériens qui refusent de soutenir cette nouvelle constitution, évoquent également le côté périlleux de ce référendum qui sera très certainement boycotté par certaines régions d’Algérie (notamment les wilayas de Kabylie) avec la crainte d’ouvrir par ce refus légitime, la boîte de Pandore du séparatisme. Et, il n’est pas du tout normal que le pouvoir algérien se livre dans les conditions sociopolitiques actuelles, à ce jeu particulièrement dangereux !!

Outre ces légitimes reproches d’une large frange de la population à laquelle les médias ne donnent aucune visibilité, les algériens ne comprennent également pas pourquoi le pouvoir ne veut pas impliquer les activistes du hirak, dont il prétend pourtant s’inspirer, dans la conception et les débats relatifs à cette révision constitutionnelle. Il était pourtant dans ses possibilités de le faire en les invitant à une conférence nationale, mais il a préféré la répression et la mise à l’écart de ce vaste mouvement populaire, tout en déclarant officiellement agir au nom du « hirak el moubarek el açil ».

Mais en lisant quelques dispositions introduites dans le projet de révision de la constitution de 2016, on comprend mieux pourquoi le hirak a été ainsi exclu. Effectivement et contrairement à ce que l’on nous avait fait croire, cette révision n’a pas été conçue pour équilibrer les pouvoirs que l’ex président Bouteflika avait excessivement concentrés entre ses mains, mais pour donner encore davantage de pouvoirs au président en exercice. Un constat que résume parfaitement l’avocat Mustapha Bouchachi qui reprochait dans une lettre adressée au président Abelmadjid Tebboune de « jeter les bases d’une gouvernance individuelle faisant du président de la république un empereur qui s’immisce dans le travail de toutes les autorité législatives et judicaires, nonobstant les organes de contrôle qu’il tient sous son autorité au moyen des nominations de leurs responsables».

Tel que rédigée la nouvelle constitution n’offre aucune garantie à la promotion d’une démocratie en Algérie. Tous les pouvoirs sont verrouillés par le président de la république. Le régime de la séparation des pouvoirs est définitivement enterré pour laisser place à un hyper président « encore plus hyper » que ne le fut Abdelaziz Bouteflika, ce qui fit dire à maître Bouchachi, « qu’il n’y a aucun doute que la commission qui a rédigé la constitution n’a en réalité fait que  retranscrire vos souhaits ou ceux du régime, parce qu’elle n’a pas écouté la classe politique et ignoré la volonté du peuple algérien d’aller vers le changement et l’instauration d’une une vraie démocratie ».

Parmi les observateurs de la scène politique algérienne, certains pensent que si le pari d’un référendum sur la révision de la constitution fixé au 1er Novembre 2020, a des chances d’être tenu en appliquant les mêmes procédés que pour l’élection présidentielle du 12 décembre 2019, il n’y a par contre aucune chance que le pays retrouve sa stabilité, eu égard au sentiment de brutal forcing, subi par tout ceux qui espéraient une autre formule de sortie de crise. L’avenir serait même plus inquiétant, du fait que cette constitution habilite le président de la république détenteurs de l’ensemble des pouvoirs, à disposer de tous les moyens légaux qui lui permettront de poursuivre sa politique de répression, voire même, de l’amplifier.

 

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