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Pénurie de billets de banque: les vraies causes de la rupture de liquidité

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Pour comprendre ce qui s’est passé la veille de l’Aid El Kebir au niveau des guichets d’Algérie Poste, il faut savoir que cette institution gère à travers ses 3357 postes pas moins de 22 millions de comptes postaux (pratiquement un compte pour 2 algériens). Ces comptes ne renferment pas de fortes sommes, mais avec le temps et la loi du nombre, Algérie Poste est devenue la principale caisse d’épargne du pays. Pas moins de 18.000 milliards de dinars y sont détenus pratiquement à longueur d’année. L’écrasante majorité des comptes ouverts auprès des agences postales sont des comptes courants (CCP) mais il y a également des livrets d’épargne ouverts par des ménages à faibles et moyens revenus. Les épargnants à gros revenus préfèrent généralement les banques et autres moyens de thésaurisation (achat de devises, emprunts obligataires etc.).

A eux seuls ces chiffres donnent la mesure de la pression qui peut s’exercer sur les guichets des postes les jours de forte affluence, notamment à l’occasion des paiements des retraites qui s’effectuent entre les 20 et 22 de chaque mois. Quand ces jours de retraits arrivent à la veille de grandes fêtes qui exigent des dépenses particulières (Aïds, fêtes de fin d’années, rentrées scolaires) ces guichets sont véritablement pris d’assaut.

L’afflux de ces 22 millions détenteurs de comptes le même jour dans les 3357 postes, signifie concrètement une pression d’environ 6600 personnes par poste en l’espace de seulement deux journées même s’il arrive à Algérie-Poste de décider à certaines occasions une journée (rarement deux) supplémentaires. Même si les dépôts disponibles au centre des chèques postaux sont de nature à couvrir largement le montant global des retraits, les guichets des postes en nombre insuffisant, ne sont pas en mesure de satisfaire en formalités et en retraits de liquidités, autant de monde à la fois. Mais en dépit de ces difficultés le réseau postal parvient à distribuer à chacun de ces rendez vous particulièrement stressants, une quantité considérable de liquidités. Les montants des retraits effectués à la veille de ce genre de fêtes ont de tous temps été importants, mais le record aurait été battu l’Aïd dernier, avec un retrait total de 4000 milliards de dinars. Un record de débit de monnaie fiduciaire qui aurait, selon les propos d’une responsable d’Algérie-Poste, occasionné un brutal assèchement des liquidités. La thèse est à priori séduisante mais elle ne saurait expliquer à elle cette subite rupture de liquidités qui a contraint Algérie-Poste à limiter depuis le 8 août dernier le montant des retraits individuels à 100.000 de dinars par jour. La thèse « complotiste » avancée par le gouvernement algérien, convaincu de la présence d’une main malveillante n’est pas, non plus, convaincante quand on examine de près les principaux déterminants de cette crise de liquidité.

La premier déterminant et sans doute le plus important, est assurément l’appauvrissement rapide et massif de dizaines de milliers de détenteurs de comptes courants qui ont subitement perdu leurs emplois ou subi des retards de salaires à cause de la pandémie de Coronavirus. Toutes ces personnes ont été contraintes de se rabattre sur leurs économies en raclant leurs avoirs disponibles dans leurs comptes courants postaux. Les retraités qu’on avait forcé, pour on ne sait quelle raison, à domicilier leurs maigres pensions aux chèques postaux sont les plus assidus aux guichets les jours de versements. Comme ils sont très nombreux (Plus de 4 millions), les déferlantes vers les réseaux postaux deviennent inévitables et impossible à gérer notamment en période de crise sanitaire.  Les versements s’effectuent de ce fait dans les conditions sanitaires déplorables telles que mises en évidence par de nombreux médias. Les autorités algériennes avaient pourtant promis de solutionner le problème, en autorisant les retraités à domicilier leurs pensions dans n’importe quelles banques de leurs choix. La bureaucratie ambiante a malheureusement torpillé cette initiative, contraignant les retraités à s’agglutiner encore davantage devant les guichets des CCP.

La seconde, non moins importante cause, trouve son origine dans l’absence de cartes de crédit qui auraient pu permettre aux détenteurs de comptes courants postaux, d’effectuer des retraits et des paiements électroniques. Cela leur aurait épargné les déplacements fastidieux et pour le moins dangereux, auxquels ils sont aujourd’hui encore astreints en période d’épidémie. Pour effectuer leurs achats les algériens sont aujourd’hui encore contraints de payer en liquide ce qui exige d’eux une présence permanente de billets de banque qu’ils doivent régulièrement retirer de leurs comptes courants ou livrets d’épargne postaux ou bancaires. Le non recours à la monnaie scripturale (chèques) et numérique (cartes de crédit), est en grande partie à l’origine de cette pression permanente qui s’exerce sur la monnaie fiduciaire et qui, parfois se solde par de graves pénuries de billets de banque.

La troisième explication plausible, se trouve effectivement dans la pénurie de billets liquidités en partie provoquée par la forte tendance des algériens à détenir de l’argent en dehors des banques (thésaurisation) dans le but évident de régler obligatoirement leurs achats en liquide. Ce sont en général de petites sommes qui correspondent à leurs maigres revenus, mais la loi du nombre fait que le cumul de ces petits revenus atteint, comme cela semble être le cas aujourd’hui, des sommes faramineuses. Il faut ajouter à cette cause, l’ampleur considérable des billets de banque usagés que la Banque Centrale a été contrainte de retirer de la circulation, sans prendre le soin de procéder à leur remplacement immédiat. Le grand ménage, visant à faire disparaître tous les billets usagés, promis par l’ex Gouverneur de la Banque d’Algérie, n’a pas eu lieu, occasionnant ainsi de graves problèmes de disponibilité en monnaies fiduciaires aptes à circuler. L’injection parcimonieuse de nouveaux billets banques qu’elle et habituée à effectuer périodiquement, n’est évidemment pas de nature à régler définitivement ce problème qui ne fait que s’aggraver.

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