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Confinement: bien en sortir pour éviter d’y retomber

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Le verrou du confinement va s’entrouvrir dans plusieurs pays ces prochaines semaines, mais il faut le faire avec prudence et méthode : le risque d’une sortie ratée, c’est une deuxième vague épidémique et l’obligation de revenir à cette mesure extrêmement lourde économiquement et socialement.

« Au moment où la décision (du confinement) a été prise, c’était notre seule arme pour espérer amorcer le contrôle de l’épidémie » de Covid-19, « en diminuant le nombre d’hospitalisations et de passages en réanimation », dit à l’AFP l’épidémiologiste française Dominique Costagliola. Mais cette mesure prise « dans l’urgence » n’est « pas supportable au long cours, ni pour les personnes ni pour le pays », ajoute-elle. « Le confinement est une invention chinoise », déclare de son côté à l’AFP Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de l’Université de Genève. « La version chinoise appliquée avec rigueur et violence à Wuhan (d’où est partie l’épidémie, ndlr) ayant semblé avoir eu des effets, les pays les moins préparés, c’est-à-dire la plupart des pays occidentaux, n’ont pas eu d’autre choix que d’appliquer une version adaptée lorsqu’ils se sont retrouvés en face de la vague pandémique », poursuit-il. Mais « les effets sociaux, économiques et sanitaires du confinement s’accumulent, et il arrivera un point de bascule où ses coûts dépasseront ses bénéfices », prévoit la Pr Linda Bauld, spécialiste de santé publique à l’Université d’Edimbourg (Ecosse).

La plupart des experts s’accordent à dire que le confinement a sauvé des milliers de vie.

Le revers de la médaille est une récession économique mondiale, d’un niveau historique. Elle a poussé l’économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI) à nommer cette crise « Grand confinement », sur le modèle de la « Grande dépression » de 1929. S’y ajoutent des risques sociaux redoutés par les spécialistes : accroissement des inégalités, violences domestiques, montée de l’anxiété et de la consommation d’alcool, aggravation des problèmes de santé autres que le Covid-19…

Encouragés par des signes de ralentissement de l’épidémie (tassement des hospitalisations et des morts), plusieurs pays envisagent un allègement de leurs mesures de confinement, en rouvrant progressivement les écoles et en renvoyant les confinés au travail.

Un parcours de funambule : En Europe, l’Allemagne, la France, la Belgique, la Suisse, le Danemark, l’Italie ou l’Espagne, parmi d’autres, sauteront le pas d’ici la mi-mai ou y réfléchissent. Donald Trump, lui, a jugé qu’il était temps de « faire redémarrer l’Amérique ».

Quel que soit le pays, la sortie ressemblera davantage au parcours d’un funambule qu’à une autoroute vers la liberté. Le balancier dont dépendra l’équilibre? Le nombre de personnes contaminées en moyenne par chaque malade (ou « taux de reproduction »).

Avant le confinement, « il était à 3,4 ou 3,5 », selon le président du comité scientifique qui conseille les autorités françaises, Jean-François Delfraissy.

La France comme l’Allemagne assure que le confinement a fait descendre ce chiffre sous 1, barre qui correspond au contrôle de l’épidémie. Mais l’allègement le fera mécaniquement remonter, puisque le confinement empêche le virus de circuler. La marge de manœuvre est donc très étroite. « A 1,1, nous pourrions atteindre les limites de notre système de santé en termes de lits en réanimation d’ici octobre », a prévenu cette semaine la chancelière allemande Angela Merkel. « A 1,2, nous atteindrons les limites de notre système de santé en juillet. Avec un taux à 1,3 nous y arriverons déjà en juin ». « Le fond du problème avec la décision du confinement, c’est que la sortie nous ramène automatiquement au point de départ : la situation d’avant le confinement », assure à l’AFP l’épidémiologiste français Laurent Toubiana.

Voix discordante dans la communauté scientifique, il juge que les conséquences négatives du confinement sont « sans commune mesure » avec celles de l’épidémie elle-même. A cause de cette marge de manœuvre étroite, l’allègement sera très progressif. « On ne va pas passer du noir au blanc, mais du noir au gris foncé », a insisté le Pr Delfraissy.

Singapour: « l’avertissement » : Surtout, il doit s’accompagner d’une stratégie qui a porté ses fruits en Corée du Sud, pays fréquemment cité en exemple : tester massivement, mettre en quarantaine les cas positifs, et tracer les personnes avec lesquelles ils ont été en contact, pour les tester à leur tour. Or, cette stratégie est impossible à mettre en œuvre « sans que les moyens nécessaires soient en place », souligne Dominique Costagliola.

Ces moyens, ce sont un nombre de tests suffisant et une logistique permettant d’assurer le traçage des malades potentiels, avec des applications numériques, mais pas seulement.

La Corée du Sud avait « une brigade de 20.000 personnes » pour réaliser ces procédures appelées contact tracing, a rappelé le Pr Delfraissy, qui met en garde contre le « fantasme » du tout-numérique. En outre, même quand elles fonctionnent, les stratégies plus légères que le confinement ne sont pas une garantie sur le long terme.

Après avoir d’abord contrôlé l’épidémie grâce à une politique similaire à celle de la Corée du Sud, Singapour combat aujourd’hui une deuxième vague d’infections, et a dû cette fois se résoudre à des mesures sévères, dont la fermeture de la majorité des lieux de travail. « Singapour devrait être un avertissement pour nous tous », a commenté sur Twitter le Pr Vincent Rajkumar, du réseau hospitalier américain Mayo Clinic. « Il est possible qu’aucune des options seules ne soient suffisantes pour contrer les vagues pandémiques ultérieures (…) et qu’il soit nécessaire de les combiner pour parvenir aux meilleurs résultats sanitaires, tout en préservant au mieux la vie sociale et économique de nos pays », prédit le Pr Flahault.

C’est ce que dit aussi une étude américaine parue cette semaine dans la revue Science : selon elle, il faudra sans doute alterner entre périodes de confinement et d’ouverture jusqu’en 2022, le temps de découvrir des traitements efficaces ou un vaccin.

Afp

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