Le cadre juridique régissant les relations de travail doit être renforcé par des mesures permettant de faire face aux situations d’urgence durant les périodes de crises à l’instar de la pandémie de Covid-19, ont recommandé jeudi deux experts juridiques.
« Les employeurs ont besoin d’un ancrage juridique pour gérer les relations de travail pendant cette période. Il nous faut une législation d’urgence afin de clarifier certaines notions comme le travail à temps partiel ou le télétravail », a indiqué le consultant en droit du travail, Habib Si Ali, lors d’une téléconférence organisée par le Forum des chefs d’entreprise (FCE), sur la gestion du personnel suite aux mesures de prévention prises par le gouvernement
Le gouvernement avait décidé, afin de lutter contre la propagation du coronavirus, de prendre plusieurs mesures dont la suspension de certaines activités commerciales et l’obligation de libérer 50% du personnel des entreprises des secteurs public et privé.
Pour se conformer à ses dispositions et devant l’impact négatif de la conjoncture sur les revenus de leurs entreprises, les employeurs ont dû imposer à leurs collaborateurs de prendre leurs reliquats de jours de congé ou d’anticiper le congé annuel, une procédure « permise par la loi en vigueur », selon M. Si Ali.
Par contre, il n’est pas possible, sur le plan réglementaire, d’imposer aux employés un congé sans solde sans un accord préalable entre les deux parties, souligne-t-il.Concernant la rémunération, M. Si Ali estime qu’il était « légal » de modifier la rémunération des employés en fonction du temps de travail effectif.
« Les employeurs ne sont pas tenus de respecter le salaire fixé initialement dans le contrat de travail », si le travailleur est converti au régime de temps partiel en raison des mesures du confinement, a-t-il avancé.
Evoquant le chômage partiel, le consultant a affirmé que l’Algérie disposait déjà d’un mécanisme de sauvegarde d’emploi à travers la CNAC depuis 1994, mais qui n’était adapté à ce type de situation. Sur ce point, l’avocat-associé au cabinet L&P (DLA Piper Africa), Mounir Ait Belkacem, a relevé que les modalités de chômage technique doivent s’appuyer actuellement sur les négociations collectives avec les représentants des travailleurs, ce qui permettra de couvrir une partie des salaires pendant la période d’arrêt d’activité.
Toutefois, il est important de revoir le cadre juridique algérien afin de permettre notamment de couvrir la partie restante du salaire par l’Etat,a-t-il poursuivi.
S’agissant du télétravail, M. Ait Belkacem a mis en exergue, là aussi, la nécessité de mettre à jour la législation actuelle pour mieux définir les droits et devoirs de chaque partie pour ce mode de travail.
L’expert souligne, dans ce sens, qu’au-delà des reliquats et des congés annuels, l’employeur doit déclencher une négociation avec les représentants des travailleurs pour prendre des décisions qui concernent la gestion du personnel (salaires, congés, horaires de travail, chômage partiel, etc.).
Sur les leçons à tirer de cette crise sanitaire, M. Ait Belkacem a jugé impératif d’accélérer le processus de réformes économiques et juridiques afin d’assurer une pérennité pour l’emploi, même dans ce type de situation.
Selon lui, « la crise pétrolière depuis 2014, l’instabilité politique de 2019 puis la crise sanitaire de 2020 sont en réalité des révélateurs de dysfonctionnement interne plutôt que des causes de notre mal économique ».
De son côté, M. Si Ali estime que la crise de Covid-19 doit être une occasion pour les entreprises de revoir la fiabilité de leurs modes de gestion des ressources humaines, de sécuriser les contrats et mettre fin à certaines irrégularités.
Intervenant lors de cette téléconférence, le président du FCE, Sami Agli, a appelé à une « solidarité employeur-employés » afin de trouver des solutions concertées pour faire face à la conjoncture.
« Comparativement à beaucoup de pays, nous avons peu de marges de manœuvre en matière de sauvegarde de l’emploi, nous devons s’adapter à travers des mesures concrètes », a-t-il noté.
APS