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Élection du 12 décembre: Virulentes batailles sur les réseaux sociaux

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Si l’affrontement entre le peuple algérien, sorti réclamer le droit constitutionnel de prendre en main son propre destin et l’état major militaire qui veut régenter le présent et l’avenir des algériens, est resté heureusement pacifique, sur le plan médiatique il l’est beaucoup moins, les deux protagonistes se menant mutuellement une bataille médiatique sans merci.

Sachant qu’il joue sa survie l’état major militaire a en effet mis tous les moyens de l’Etat pour, à la fois, mener des offensives médiatiques en faveur de sa feuille de route et contrecarrer celles, beaucoup plus nombreuses, des insurgés du hirak qui ont investi massivement les réseaux sociaux.

C’est évidemment le haut commandement militaire qui a,le premier, investi ce terrain de la communication en ordonnant, avant même l’insurrection du 22 février, la mise aux pas des chaînes de télévision publiques et privées opérant en Algérie. L’un des tous premiers gestes du haut commandement militaire fut de domestiquer les médias lourds à forte audience et l’on se souvient en effet qu’Echourouk fut la première chaîne de télévision privée à se mettre au service du nouveau maître, avant même la destitution officielle d’Abdelaziz Bouteflika.

Les autres chaines (Entv, Enahar, El Bilad..) ne tarderont pas à suivre, en attendant que la cap-oralisation atteigne la radio et une part importante de la presse écrite et électronique Il ne reste aujourd’hui que quelques titres, sans réelle influence sur l’opinion publique, qui ont quelque peu réussi à conserver une ligne éditoriale  relativement indépendante.

Pour contourner ce verrouillage médiatique organisé par l’état major militaire, il ne restait alors aux algériens que l’issue du « journalisme citoyen » au moyen des réseaux sociaux, notamment, facebook, YouTube, tweeter et toute une panoplie de sites électroniques. Avec de simples téléphones portables connectés à internet, les algériens parviennent en effet à fournir des mines d’informations, aussi riches qu’adaptées au vécu quotidien d’un peuple insurgé, en quête d’un mieux être. Quoi de plus efficace que des images de situations réellement vécues et instantanément transmises, pour battre en brèches les images souvent tronquées qu’émettent, à longueur de journées, les télévisions domestiquées ? Le journalisme citoyen au service de la révolution du 22 février a ainsi vu le jour pour s’étoffer au gré du verrouillage du champ médiatique et des fermetures de médias lourds indépendants (cas des chaînes de TV El Magharibia et El Amel).

Aujourd’hui se sont pratiquement tous les algériens disposant d’un Smartphone qui pratiquent le journalisme citoyen, offrant au quotidien toute une diversité d’images et de commentaires, aux populations qui ont déserté les médias lourds qui ont perdu toute crédibilité à leurs yeux. Il faut reconnaître que ces organes d’information aux ordres ont versé dans un excès de zèle qui desservira leur popularité au point d’être chassées des gigantesques manifestations du hirak.

Le spectacle de dizaines de caméras et de micros tendus à des candidats sans réelle envergure, alors que des manifestations populaires qui drainent des millions de citoyens sont totalement ignorées, est en effet, de nature à jeter le discrédit sur ces média et leurs journalistes qui travaillent sans aucun état d’âme, à masquer ou travestir la réalité.

Si les citoyens ont effectivement investi en masse les réseaux sociaux pour, en grande partie, compenser les déficiences de ces médias muselés, le pouvoir s’est, lui aussi, lancé dans cette aventure, avec l’avantage de l’argent public qui lui permet d’acquérir des moyens de propagandes sophistiqués et de recruter une armée de virtuoses de la désinformation et du cyber attaque. Les « mouches électroniques » qui ont envahi la toile sont, de ce fait, devenues les bêtes noires des internautes, mais plus encore, des « citoyens journalistes » qui doivent constamment trier les bonnes informations, au milieu des milliers de « fakes » qui circulent sur les réseaux. Mais à ce jeu de dupes, le journalisme citoyen finit toujours par gagner, aidé en cela par la présence « in situ », des personnes qui filment ou rédigent les commentaires. Les manifestations citoyennes et tous les faits divers qui s’y déroulent, sont ainsi rapportés à profusion par les internautes, torpillant du coup, la volonté des médias du pouvoir de les occulter.

Sur facebook, tweeter, YouTube et Messenger, on trouve en en effet une profusion d’images, de reportages filmés et de commentaires transmis « on live » à partir des terrains d’investigation. Le citoyen n’a jamais été informé aussi bien informé que depuis qu’il a tourné le dos aux médias lourds algériens. Il reçoit des informations en plus grande quantité, ce qui lui permet de se forger, après décantation, sa propre opinion, car il y a souvent du parti pris dans la masse des informations qui circulent sur les réseaux.

Face au commandement militaire qui a choisi la manière forte pour exécuter sa feuille de route électorale, la bataille de la communication est d’avance gagnée par le peuple réclame pacifiquement la souveraineté que la constitution lui accorde expressément, mais que le commandement militaire lui refuse.   Malgré la logistique et les moyens financiers qui lui permettent de s’offrir des complicités en Algérie et en dehors, ce dernier ne parviendra  jamais à faire passer cette brutalité toute militaire, qui consiste à contraindre des millions d’algériens franchement hostiles au scrutin du 12 décembre, à voter pour élire un président de la république.

La pilule est d’autant plus difficile à avaler que les arrestations arbitraires brisent la confiance entre gouvernants et gouvernés et que les cinq candidats proposés, ne sont pas du goût des algériens qui ne leur trouvent aucune qualité précise mais, qui découvrent en eux les tares de ceux qui ont, du manière ou d’une autre, servi le clan de la « Issaba ». La magie d’internet est en effet, d’une redoutable efficacité quand il s’agit de rappeler, à coups d’images et commentaires sortis des archives, le passé trouble de chacun des candidats. Les opposants trouvent ainsi matière à rendre leurs campagnes électorale encore plus ardue en les vilipendant publiquement lors de leurs déplacements.

La confrontation médiatique entre le commandement militaire et les partisans du hirak, ira certainement crescendo au fur et à mesure qu’on approche de ce rendez électoral imposé. Hormis le recours à l’argent public pour payer les « mouches électroniques » et faire disparaitre des chaines de télévisons qui dérangent, l’état major n’a à vrai dire que peu de solutions pour contrecarrer l’offensive médiatique menée par des dizaines de milliers de jeunes internautes mobilisés pour la circonstance avec la fierté de participer concrètement à une magnifique révolution populaire. Ils sont, non seulement, nombreux, mais aussi et surtout, très créatifs quant il s’agit de déjouer des « fake news » et des raids électroniques malveillants. Ils sont également présents sur tout le territoire national et à l’étranger, ce qui leur permet de rendre compte du vécu local qui, souvent contredit les informations que les détenteurs du pouvoir veulent imposer.

C’est dire que cette bataille médiatique n’est pas du tout prête d’être gagnée par le commandement militaire en dépit des moyens colossaux qu’il y a investi. Ce sont pour l’instant les jeunes internautes qui opèrent pour le compte du hirak qui ont gagné la partie, en devenant son informateur attiré, et par conséquent, son « influenceur », dominant. Il ne restera bientôt au commandement militaire que l’usage de la répression pour faire passer son élection, mais la communication au moyen des réseaux sociaux, permettant de prendre à témoin l’opinion internationale, si elle venait à être utilisée, la brutalité envisagée n’a évidemment aucune chance de pacifier un peuple décidé à prendre son destin en main.

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