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L’Algérie en situation de vacuité constitutionnelle: Quelle issue à la crise politique ?

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Prise à un moment ou le chef d’état major de l’armée ne pouvait pas mesurer l’ampleur et la détermination du peuple algérien à changer radicalement de système, la décision de recourir à l’article 102 de la constitution qui ne convient que pour organiser une alternance politique en situation apaisée, s’est avérée inefficace et même dangereuse pour le pays.

S’entêter à maintenir cette feuille de route en dépit de son rejet par l’écrasante majorité des algériens et son échec consommé depuis l’annulation du scrutin du 4 juillet 2019, pourrait en effet engager la nation dans une situation extrêmement périlleuse, comme celle dans laquelle elle rentre aujourd’hui avec la fin du mandat de 90 jours du chef de l’Etat par intérim, prévu par la constitution et auquel, l’artifice de la reconduction, par le conseil constitutionnel, pour une durée indéterminée ne saurait légalement remédier.

Les germes de la discorde se trouvent aujourd’hui plantés, au moment où le peuple insurgé depuis le 22 février dernier a pris conscience de sa puissance numérique et de sa détermination à aller jusqu’au bout de son combat, même s’il a choisi de le faire pacifiquement. Les algériens qui battent le pavé depuis 20 vendredis et autres jours de semaines ont évidemment très mal reçu cette décision du Conseil constitutionnel de bricoler une « fatwa » sans base juridique, ni considération pour des millions d’algériens, qui autorise la reconduction sans limite de temps, de ce personnel politique dont ils ne cessent de réclamer le départ.

La colère est si forte qu’elle rappelle, à bien des égards, celle qu’avaient provoquée les images humiliantes de ce candidat grabataire à qui on s’apprêtait  à arranger, sans pudeur aucune, un 5éme mandat. Les mêmes causes produisant généralement les mêmes effets, il ne serait pas tout à fait exclu, que la rue durcisse ses exigences dans les prochains jours.

Cette situation inédite dans laquelle se retrouve l’Algérie par la faute de ceux qui ont imposé et dirigé cette transition au nom d’un article de la constitution (art 102) qui ne convenait pas à la crise politique et, non pas constitutionnelle, que vivait le pays après la démission de Bouteflika, auraient pu éviter, va très probablement inciter les manifestants, à revendiquer encore plus fort le départ de Bensalah, Bedoui, Ferniche qui représentaient le pouvoir constitutionnel.

Les jours à venir promettent donc d’être très chauds, aussi bien, pour le pouvoir incarné par l’état major, le chef de l’état et son premier ministre, que pour les manifestants qui s’attendent à un durcissement d’une répression déjà bien engagée, dont le bilan s’élèverait déjà, selon certains médias, à environ 80 prisonniers d’opinion. Une répression qui ne fera, en réalité, qu’exacerber les tensions, sans pour autant, pouvoir détourner la volonté d’un peuple déterminé à en finir avec ce système rendu, à juste raison, responsable de tous ses malheurs.

Maintenir le cap d’une élection présidentielle qui devra se tenir à brève échéance, selon les vœux du Chef de l’Etat par intérim et le chef de l’état major de l’armée, sans répondre aux préalables exigés par le peuple depuis bientôt 5 mois, reviendrait par conséquent à conduire délibérément son pays vers un sombre destin. La répression et, notamment, les incarcérations illégales de jeunes manifestants pourrait conduire le mouvement vers une dangereuse radicalisation dont les chefs de l’armée n’auront certainement rien à gagner, vu le regard que porteraient sur eux les États et les institutions transnationales. Cela ne servirait qu’à les discréditer.

L’appui des islamo-conservateurs sur lequel le pouvoir compte pour « vendre » sa démarche vers un dialogue et des élections rapides, ne suffira évidemment pas à sortir le pouvoir de la difficulté dans laquelle il s’est, pour des raisons qu’on ignore, lui-même fourvoyé. Le soutien intéressé des islamo-conservateurs et autres satellites traditionnels du pouvoir, n’a aucune chance de faire contrepoids  à cette véritable lame de fond portée par la jeunesse et toutes les forces vives de la nation, qui n’arrête pas de grossir depuis le 22 février 2019 et, sans aucun doute, se poursuivra longtemps encore, à en croire les slogans brandis ces derniers vendredis à l’occasion des marches pacifiques.

Face à cet horizon bouché dans lequel l’Algérie est depuis aujourd’hui fourvoyée, il n’y a d’autre issue que dans la mise à contribution du peuple insurgé dans le règlement pacifique du conflit. Pour ce faire le chef d’état major de l’armée qui détient la réalité du pouvoir, devra appeler solennellement les algériens à désigner rapidement les représentants appelés à négocier les conditions de prise en charge de la transition, telles qu’inlassablement exigées par des millions de manifestants depuis le 22 février dernier. Les dirigeants du Hirak sont, nous dit-on connus, mais par légitime prudence ont toujours refusés de se mettre en évidence.

Ils auraient été sans doute mis en prison puisque des jeunes y ont été conduits pour de futiles raisons. Pour que ces derniers acceptent de le faire, et on les comprend, le chef d’état major, Ahmed Gaid Salah, devra leur promettre solennellement et publiquement d’assurer leur protection physique, mais aussi, de leur accorder tous les moyens matériels que requièrent leurs missions. L’ouverture du champ médiatique, l’arrêt de la répression, la libération de tous les détenus d’opinion et la présence d’observateurs de l’ONU (ou de l’Union Africaine) pour garantir la bonne exécution de l’accord (comme cela s’est passé au Soudan) seraient, évidemment, nécessaires.

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