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Les jeunes exigent la fin d’un système politique qui ne correspond plus à leurs aspirations

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Au-delà du rejet incontestable du pouvoir exercé depuis vingt ans par Bouteflika et son clan, c’est le régime politique algérien qui est rejeté dans sa globalité par les millions d’algériens sortis le clamer haut et fort dans toutes les villes et villages du pays.

S’ils considèrent les actuels hauts dignitaires de l’Etat comme politiquement finis, les manifestants ne s’en contentent plus et estiment que le responsable de leur malheur est le régime politique algérien, autrement dit, le mode de gouvernance bureaucratique et clientéliste qui prévaut en Algérie depuis son indépendance. C’est une manière de gouverner totalement coupée du peuple, le pouvoir politique étant confisqué par des institutions et des organisations de masses acoquinées au pouvoir servant de remparts contre les brouillements populaires périodiques.

Le pouvoir de l’argent qui s’est conforté depuis l’arrivée au pouvoir de Bouteflika, a renforcé encore davantage cette distance entre les gouvernants et les gouvernés. Les doléances multiformes du peuple ne parviennent de ce fait jamais au sommet de l’Etat, qu’au moyen d’émeutes vite oubliées.

En a résulté un profond sentiment d’injustice, couplé à un désespoir collectif, davantage ressentis par les jeunes générations qui voient leurs horizons bouchés et leur mode de vie se dégrader à longueur d’années.

Ce ressenti n’est en réalité pas nouveau. Bien qu’à des degrés divers il a été vécu sous le régime de Boumediene, Chady, Kafi, Zéroual et Bouteflika, exception faite du court épisode de Mohamed Boudiaf, durant lequel le peuple algérien séduit par la volonté de changement concrètement exprimée par ce héros de la lutte de libération nationale, s’était mise à espérer des lendemains meilleurs pour le pays.

Le sentiment de désespoir est chronique chez les algériens qui n’ont jamais fait bon ménage avec les autorités du pays. Bien des organisations politiques ont tenté de surfer sur cette détresse populaire, pour prendre le pouvoir ou peser sur l’échiquier politique, mais c’est surtout le Front Islamique du Salut qui en a le plus usé au début des années 90, au point d’avoir failli prendre les rênes du pays par la voie des urnes avant d’être freiné net par l’armée.

S’ils n’ont pas la même audience populaire que ce parti qui instrumentalisait l’islam et la détresse des jeunes, pour accéder au pouvoir, cette tendance persiste aujourd’hui encore dans certains partis d’opposition qui continuent à exploiter les conséquences, désastreuses de la gouvernance politique et économique par un système incompétent, à bout de souffle et de surcroît, producteur de désespoirs collectifs.

Parmi les motifs de mécontentement populaire susceptibles de constituer leur « fonds de commerce », on peut citer l’alternance bloquée depuis au minium trois années par un vieillard grabataire et son clan, la détresse sociale aggravée par une massification de la pauvreté, la gestion en vase clos des affaires publiques, les démoralisantes affaires de corruptions auxquelles sont mêlés des dirigeants intouchables, la longue éclipse médiatique du président et bien entendu, le partage inégal de la rente pétrolière, qui fait qu’une importante partie de la population algérienne se retrouve sans toit et sans emploi en dépit des encaisses colossales dont se targuaient publiquement le gouvernement.

Cette importante frange de la population essentiellement jeune (70% de la population algérienne a moins de 40 ans) a toute sa vie vécu sous le poids de l’humiliation subie et de la rage contenue, en raison d’un mode de gouvernance rentier et bureaucratique qui a systématisé le mépris, la « hogra », la répression, et le déni de droit, à l’encontre des populations les plus vulnérables, comme mode de gouvernance.

Ce profond sentiment d’avoir été mis a l’écart s’est exacerbé, au cours de cette dernière décennie, par un large et profond scepticisme que l’écrasante majorité des algériens, y compris, ceux faisant partie des classes moyennes, en est arrivée à nourrir à l’égard de toute action entreprise par des dirigeants, issus d’un système politique en phase avancée de déliquescence symbolisée par un président malade et au crépuscule de sa vie, mais qui s’accroche toujours au commandes d’un pays majoritairement peuplé par des jeunes branchés sur les réseaux sociaux avec qui, lui et son clan, ne pourront jamais partager, la vision du monde et, encore moins, les aspirations.

Ce mode de gestion anachronique imposé par un noyau dirigeant d’un âge avancé (74 ans en moyenne) a, à l’évidence, fini par mettre une partie non négligeable de la population algérienne en état de fronde permanente, avant qu’elles ne débouchent sur ces marrées humaines qu’on observe depuis quelques semaines dans les rues de toutes les villes et villages du pays.

Mais quelle que soit la force politique ou sociale qui l’y entraîne, la courte Histoire de la contestation populaire algérienne, montre on ne peut plus clairement, que chaque fois que la population est descendue dans la rue pour exprimer un besoin de changement, elle ne trouve au bout du compte que l’ancien système replâtré pour l’occasion et toujours prêt à se compromettre pour garder son pouvoir et ses privilèges.

Les mouvements citoyen qui s’est massivement exprimé dans la discipline et le calme ces derniers jours, devrait donc s’en méfier et se donner rapidement les leaders crédibles pour palier ce risque réel de récupération.

La réaction du système est une fatalité structurelle à laquelle il faut s’attendre et se protéger, car les dirigeants qui ont géré sans partage le pays durant deux décennies, savent pertinemment qu’ils devront rendre des comptes sur leurs bilans désastreux et les biens publics qu’ils se sont illégalement appropriés.

Les manifestants n’ayant pour l’instant brandi que des doléances politiques basiques (le droit à l’alternance, à la liberté et à la démocratie), les autorités civiles et militaires seraient évidemment bien avisées d’entamer rapidement un dialogue répondant aux exigences expresses d’un peuple algérien dont l’insurrection s’est installée dans la durée.

Plus le dialogue tardera à s’ouvrir, plus le mouvement se radicalisera, avec le risque, bien réel, de conduire les manifestants et les forces de l’ordre à la confrontation.

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