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Majoritairement jeunes, les algériens ne veulent pas confier leur destin à un octogénaire

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« Nous ne voulons pas confier notre destin à un vieillard grabataire » clamaient hier encore tard dans la nuit, de très nombreux manifestants en grande majorité jeunes, qui défilaient dans les avenues centrales d’Alger où nous étions.

C’est une revendication tout à fait légitime qu’on a du mal à expliquer à nos collègues des médias étrangers qui nous pose souvent la question pour comprendre cette insurrection populaire inattendue. Leur expliquer que les manifestants à grande majorité jeunes, réclament seulement le retrait d’un président qui dirige depuis 20 ans leur pays et se trouve aujourd’hui dans un état de santé lamentable, les indisposent tant la revendication leur paraît tout à fait naturelle. Ils n’imaginent aucunement que l’éventualité d’être dirigés un jour  par un vieillard qui ne marche pas, ne parle pas et, de surcroît, physiquement absent de son pays, puisse se produire dans leurs pays où les populations sont pourtant plus âgées qu’en Algérie. C’est effectivement une éventualité que seuls les régimes dictatoriaux assis sur de confortables rentes et épaulés par des clientèles généreusement soudoyées, savent produire et imposer à leurs peuples qu’ils avaient d’abord pris le soin de diviser. Mais il arrive que la pilule soit trop dure à avaler comme il en advint en Tunisie et en Egypte, avec les octogénaires Benali et Moubarak chassés du pouvoir par les déferlantes populaires du printemps arabe.

Même si les manifestations contre la réélection de l’octogénaire Abdelaziz Bouteflika ne sont pas mues par les mêmes griefs et les mêmes aspirations que celles des tunisiens et des égyptiens, on retrouve en filigrane cette volonté de changement, fortement clamée par des jeunes qui voient autrement que les vieillards qui les gouvernent, le monde dans lequel ils souhaiteraient vivre. La jeunesse qui manifeste est en effet une population férue de réseaux sociaux, magnifiquement bien informée et arrimée à un monde désormais globalisé auquel ils adhérent volontiers car c’est précisément leur monde. Contrairement à leurs dirigeants arque boutés sur des principes et des événements dépassés, la jeunesse algérienne qu’ils n’ont même pas vu arriver, la jeunesse algérienne a sa propre façon de vivre, son propre langage et ses propres aspirations, que le pouvoir trop occupé à amasser des fortunes et à réprimer les voix discordantes, ne pourra jamais comprendre. Tant qu’il qu’il se sentait fort et invincible il réagissait par le mépris et la violence, ce qu’il ne peut évidemment pas faire dans la conjoncture insurrectionnelle qui prévaut aujourd’hui, à moins que de vouloir mettre le pays à feu et à sang.

A l’évidence, le mouvement de contestation qui a pris une ampleur gigantesque à la faveur des manifestations récurrentes sur tout le territoire national, ne saurait être contenu au moyen de la répression policière qui serait maladroite et contreproductive pour ceux qui seraient tentés de l’exercer du fait que l’ampleur de prise par l’insurrection, mais aussi et surtout, du fait de la légitimité politique et morale des revendications auxquelles adhèrent les peuples et les médias du monde entier. Plutôt que de réprimer, le pouvoir aurait donc beaucoup plus intérêt à corriger sa copie en revenant notamment sur cette décision inique de présenter un homme malade et invisible à un 5é mandat qu’il gagnerait d’avance au moyen d’une fraude électorale massive.

A défaut la population majoritairement jeune qui porte le mouvement insurrectionnel ne décolérera pas, clamant chaque jour un peu plus fort, ses légitimes slogans. Les processions de manifestants très pacifiques et ordonnées, pourraient alors d’un moment à l’autre dégénérer, sous l’effet de provocations émanant de personnes qui ont peur de perdre des privilèges indus et les fruits de leurs rapines.

C’est donc à un exercice de maîtrise des nerfs que manifestants, forces de l’ordre et autorités politique, seront prochainement conviés pour éviter la confrontation et, autant que possible, pour prendre les décisions idoines qui transformeront cette insurrection citoyenne en opportunité de changement de la manière de gouverner le pays dont pourraient tirer profit les algériens. La décision centrale devrait consister, on l’a compris à empêcher, conformément à la Constitution, ce candidat physiquement inapte à briguer un mandat présidentiel de plus. Les décideurs devraient saisir l’occasion de ce retrait pour organiser des élections pluralistes placées sous surveillance d’une toute autre instance de contrôle que celle qui avait jusqu’à présent joué ce rôle. Des négociations qui devraient démarrer le plus tôt possible pourraient évidemment jaillir des idées susceptibles de transformer le prochain scrutin en un événement historique, duquel naitra cette deuxième république à laquelle toute la jeunesse algérienne aspire.

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