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Surendettement du secteur public marchand : Le Trésor sacrifié sur l’autel du populisme

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Les chiffres communiqués par le premier ministre Ahmed Ouyahia à l’issue d’une récente réunion du Conseil des Participations de l’Etat (CPE) donnent le tournis ! Qu’on en juge à travers les quelques extraits tirés d’une étude que nous avons récupéré au sein d’un des groupes phare du secteur public. A eux seuls, les groupes SNVI, AGM (mécanique), GRCN (réalisation et construction), IMETAL (sidérurgie), AGROLOG (entrepôts et abattoirs) et GETEX (textiles), accumulent pas moins de 720 milliards de dinars de dettes essentiellement auprès du trésor public. Des dettes qu’elles ne pourront jamais rembourser si on se réfère à leurs bilans comptables qui, en règle générale, ne brillent que par des déficits, comme c’est par exemple le cas pour les entreprises des filières de la Chimie, de l’électronique, des industries manufacturières, du tourisme, du BTPH, des matériaux de construction, du transport et du ferroviaire, pratiquement toutes insolvables et pour très longtemps. Les 1430 entreprises du secteur public marchand qui détiennent près de 60% des moyens de production du pays, donne ainsi l’image pitoyable d’un secteur à la dérive, au profit duquel aucune mesure de sauvegarde sérieuse n’est prise. Comme s’il était trop tard pour lui, l’Etat propriétaire se contente de solution de replâtrage qui coûtent très cher à la collectivité sans pour autant réussir à le remettre durablement sur rails. Ces entreprises qui ne devaient vivre que des résultats financiers qu’elles étaient sensées générer du fait de leurs statuts de sociétés par actions, ne dégagent en réalité aucune marge bénéficiaire et, quand elle existe, elle est rarement à la hauteur des capitaux que l’Etat y a investis. Elles traînent depuis leurs passages à l’autonomie au début des années 90, des dettes faramineuses qui s’alourdissent d’années en années sous l’effet des taux d’intérêt débiteurs et des emprunts à répétitions. On en arrive aujourd’hui à une situation intenable,aussi bien, pour les entreprises concernées qui n’arrivent plus à financer leurs cycles de production, que pour le Trésor public, qui croule sous le poids de créances que ces entreprises en état de cessation de paiement ne pourront sans doute jamais lui restituer. A travers ce lourd déficit que le Trésor est contraint de subir, c’est tout le budget de l’Etat qui en est en réalité  affecté. Les interventions récurrentes de l’Etat-propriétaire pour assainir leurs comptes à coups d’assainissements financiers, de recapitalisation, d’autorisations de découverts bancaires et de cadeaux fiscaux, ont ainsi porté l’endettement du secteur public marchand à plus de 2000 milliards de dinars, banques non comprises, car la situation patrimoniale de nos 12 banques publiques est une affaire encore plus grave tant ces institutions croulaient sous le poids de « créances non performantes » qui n’ont été, momentanément, épongées que grâce aux disponibilités du Fonds de régulations des recettes d’hydrocarbures aujourd’hui à sec. Malgré cette intervention, environ 1500 milliards de dinars seraient encore « dans la nature » selon des informations largement rapportées par la presse. Un véritable péril pour nos finances publiques et, par conséquent pour le pays tout entier, qui devra un jour ou l’autre rembourser ces dettes énormes et, de surcroît, cumulatives.

Si ce problème d’accumulation de déficits et de dettes est parfaitement connu de nos gouvernants qui n’ont jamais hésité à l’étaler sur la place publique, ils n’ont par contre jamais pris de décisions fortes à même de conjurer ce mal qui ronge nos finances publiques. Mis à part l’épisode des ajustements structurels du FMI du milieu des années 90, aucun gouvernement n’a pris des mesures courageuses sensées y mettre fin. Bien au contraire c’est par des mesures populistes qu’ils ont tous, sans exception, tenté d’exorciser ce mal qui n’a fait que progresser. Des centaines de milliards de dinars ont été octroyés à ces « tonneaux des Danaïdes » tout au long de ces 20 dernières années au moyen du Fonds de Régulation des Recettes d’Hydrocarbures et, tout récemment, par le biais de la planche à billets. Le Trésor public a de tous temps été sacrifié sur l’autel du populisme et des calculs politiciens, notamment, à l’approche des échéances électorales. « La paix civile à tous prix » a toujours été l’adage de nos gouvernants et notamment, ceux qui dirigent le pays depuis ces vingt dernières années.

La question est d’une extrême gravité, car elle se pose dans un contexte de rareté des ressources. Qui aura le courage de prendre à bras le corps ce problème qui passe nécessairement par la mise en œuvre de réformes qui requièrent une légitimité politique que les gouvernants actuels n’ont pas. A moins qu’elles ne les appliquent, à leurs risques et périls, par la force. Certainement pas le gouvernement actuel qui sera dissous dans à peine 3 mois, juste après l’élection présidentielle d’avril 2019. Le gouvernement d’Ahmed Ouyahia souffre d’un grave problème de légitimité et d’une profusion de centres de décisions qui l’empêcheront de conduire sereinement les réformes. Tel qu’enclenché le processus électoral ne vise qu’à reconduire l’actuel Président à son poste pour un cinquième quinquennat. Si, comme il est envisagé par les maitres d’œuvre du prochain scrutin, le mandat de Bouteflika est reconduit en dépit de son très mauvais état de santé, il est tout à fait certain que le statu quo actuel se poursuive durant cinq années encore.   La dette du secteur public continuera de ce fait à enfler démesurément sans que personne n’ose proposer des mesures fortes pour y remédier, à moins qu’un danger imminent, ne pousse le gouvernement à agir pour éviter le pire. Le pire étant on l’a compris le tarissement des ressources, la dégringolade inflationniste et le déclassement du pays par les sociétés internationales d’assurance-crédit comme la Coface, Hermès et autres.

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