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Gaz naturel : malgré la baisse des réserves exportables, l’Algérie veut conforter sa vocation gazière

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Il est aujourd’hui bien établi et tout ceux qui ont dirigé la Sonatrach l’ont confirmé, que l’Algérie qui consommera à l’échéance 2025 l’écrasante majorité de ses hydrocarbures, trouvera peu de pétrole et de gaz à exporter. L’échéance étant trop courte on ne peut objectivement compter ni sur de nouveaux gisements, ni sur une sur activation des puits actuels ni même sur un appoint massif des énergies renouvelables,  toutes ces éventualités requérant beaucoup de temps et de capitaux. Ce manque à gagner en exportation pèsera évidemment très lourd sur notre balance des paiements qui sera longtemps encore, dépendante du commerce des hydrocarbures, notamment celui du gaz naturel qui constitue la vocation essentielle du groupe Sonatrach. Une vocation gazière que la Compagnie algérienne d’hydrocarbures  devra coûte que coûte conforter en jouant la carte des hydrocarbures non conventionnels et, tout particulièrement,  le gaz de schiste dont le Sahara regorge. Ca serait même, dit-on, quantitativement la troisième réserve au monde. L’enjeu est de taille et à moins d’un empêchement insurmontable, la Sonatrach sera bien obligée de s’y mettre ne serait ce que pour honorer ses engagements commerciaux, qui pourraient lui couter cher, si elle venait à ne pas le faire. Elle a, au dire de nombreux experts, déjà perdu beaucoup de temps car l’exploitation de gaz de schiste est à bien des égards très complexe. Elle requiert une exploration très fine, une quantification précise des réserves exploitables, une parfaite maîtrise de la technologie de la fracturation et de l’extraction, ainsi que des équipements de production adaptés à chacun des puits. Il faudra donc beaucoup d’argent à investir et de compétences à recruter pour être compétitifs sur le marché international des hydrocarbures. L’Algérie peut toujours orienter vers le marché local  la production de gaz de schiste et le mix qui résulterait de diverses énergies renouvelables, mais au prix d’une très grosse perte pour nos recettes en devises. Une estimation du ministère de l’Énergie, évalue le manque à gagner en exportation de gaz naturel à environ 25 milliards de dollars, à l’horizon 2040.

Un chiffre mirobolant qui, à lui seul, justifie que Sonatrach s’engage au plus tôt dans l’aventure socialement risquée des hydrocarbures non conventionnels. Elle doit en effet commencer par faire accepter la pilule aux populations autochtones qui avaient déjà fait montre d’hostilité à l’égard de cette industrie polluante qui, de surcroît, n’aura aucune retombée pécuniaire significative pour la région. Tout se jouera sur la capacité des autorités algériennes, mais plus encore, celle du groupe Sonatrach et de ses partenaires, à convaincre au moyen d’une communication appropriée et de mesures incitatives concrètes, du bien fondé de leurs assurances quant à la préservation de l’environnement saharien. Aucune action concrète n’a malheureusement été engagée à ce jour dans cette voie, pas même la création de l’instance de régulation et de contrôle promise par le ministre de l’Energie en octobre 2014 en réponse aux manifestants d’Ain Sallah. On déplore également la rupture de contacts et de dialogue entre les pouvoirs publics et la société civile locale qui pourrait par conséquent mal réagir dès l’annonce officielle des premiers forages de gaz de schiste. La Sonatrach  perdrait alors encore du temps et de l’énergie dans cet épuisant bras de fer qui l’opposera à des émeutiers déterminés. Il faut en effet savoir que le rejet des hydrocarbures non conventionnels n’est pas propre à l’Algérie. Certains pays comme la France et la Scandinavie l’ont carrément interdit dans les limites de leurs territoires sur la base d’études qui ont mis en évidence les nuisances graves inhérentes à ce mode d’exploitation polluant et dangereux pour les hommes et leur environnement. Hormis les USA et le Canada, la machine médiatique mondiale est nettement en défaveur de ce type d’exploitation. Son impact sur les populations concernées est très fort et ce n’est certainement pas une campagne médiatique basée sur la théorie et des explications approximatives qui y viendront à bout. Les populations concernées ont besoin d’explications concrètes autant que possible sur le terrain ou au moyen d’exemples concrets vécus dans d’autres contrées. Et à cet égard, force est de constater que rien de bien sérieux n’est entrepris par les autorités algériennes et le groupe Sonatrach. Le discours sécurisant développé jusqu’à présent (amélioration des techniques de fracturation, préservation  de la nappe albienne du fait de sa grande profondeur, traitement efficace des boues de forage etc.) est trop élitiste, car uniquement basé sur des chiffres et des données techniques fastidieuses, que les populations concernées ne peuvent pas toujours comprendre et dont ils peuvent contester la véracité en évoquant des spécificités locales.

Interrogé sur cette sensible question de la préparation des premiers gisements à exploiter, un haut responsable du ministère de l’Énergie nous a affirmé sous couvert de l’anonymat que le groupe Sonatrach n’a encore rien entamé de concret en matière de gaz de schiste. La prudence est de mise car la conjoncture marquée par l’approche du scrutin d’avril 2019 et un front social en ébullition est très sensible. L’heure est plutôt à l’évaluation des moyens humains et matériels disponibles ainsi qu’à la sélection des partenaires étrangers avec lesquels s’engager dans l’aventure périlleuse de l’exploration et de l’exploitation du gaz de schiste en milieu saharien, ajoute -t-il, avec une sagesse certaine dans les propos.

On comprend donc que si l’exploitation du gaz de schiste est une fatalité structurelle que l’Algérie doit assumer au plus tôt, ne serait-ce que pour compenser le boum de la consommation locale, son démarrage effectif pose encore problème. Rien n’est effectivement réglé sur le plan de la contestation sociale qui reste effective malgré sa discrétion tant que les forages n’ont pas commencés. Rien n’est également réglé du coté des moyens humains, matériels, technologiques et financiers à mobiliser. Ce sont des moyens colossaux dont l’Algérie à elle seule ne dispose pas. L’intervention de compagnies étrangères est incontournable mais la présente loi sur les hydrocarbures les en dissuadent. Ils attendront, on les comprend, la modification promise pour se manifester. En dépit de leur grande disponibilité l’exploitation des hydrocarbures de schiste n’est donc pas pour demain. En attendant le gouvernement et les entreprises algériennes d’énergie, seraient mieux avisées de développer toute la panoplie d’énergies renouvelables et notamment le solaire, dont regorge le pays. A ce niveau les choses sont sérieusement engagées pour alimenter, à l’horizon 2030, le mix énergétique d’environ 37% de la consommation locale. C’est sur cette base que l’Algérie compte bâtir sa politique énergétique en veillant notamment à demeurer sans devoir pénaliser la demande locale, un grand exportateur de gaz naturel.

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