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Mourad El Besseghi, expert financier à Algérie-Eco : « La privatisation du secteur bancaire est sensible »

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Algérie-Eco :  Le Gouvernement Algérien envisage d’autoriser les principales banques publiques du pays de s’introduire en bourse afin de développer leurs activités de marchés et de diversifier leurs sources de financement pour compenser les l’impact de la chute des recettes pétrolières. Qu’en pensez-vous ?

Mourad El Besseghi : Ce n’est pas un nouveau sujet, mais un débat relancé encore une fois par des informations relevées dans la presse sur la base de déclarations de personnalités.

En effet, depuis plus de deux décennies, la question de la privatisation des banques publiques revient sans cesse, avec des reculs et des avancées dans les décisions des gouvernants qui se sont succédé. Tantôt, on affiche une volonté politique afin de permettre l’émergence d’institutions financières gérées selon les normes et pratiques internationales, et par moment on temporise sous la pression de l’opinion publique qui garde en mémoire l’amère expérience de la privatisation du secteur industriel avec ses résultats fortement mitigés sur le plan économique et ses cruciales retombées sociales notamment sur l’emploi.

Il faut rappeler que la question de la privatisation du CPA, sous la houlette de la banque mondiale était à l’ordre du jour et revenait en permanence dans les débats. Après une évaluation patrimoniale, le mode de privatisation était soit l’introduction de cette banque à la bourse, soit le gré à gré avec une recherche de partenaire spécialisé à même d’impulser une dynamique financière et d’ouvrir des perspectives à l’international. La BDL qui gère le secteur des petites et moyennes entreprises et de particuliers et qui dispose d’un réseau important devait être assainie et voir ses fonds propres renforcés en vue d’une éventuelle privatisation.

On a également parlé de la privatisation de la BNA avec au préalable une rupture avec le secteur public défaillant et le transfert progressif de cette clientèle à la BAD (Banque Algérienne de développement) dont les dettes sont garanties par l’Etat. Cette banque devait être le réceptacle de tous les mauvais clients. Un traitement lourd dicté par la nécessité de viabiliser la banque pour attirer d’éventuelles participations extérieures.

Par contre, la CNEP, la BADR et la BEA spécialisées respectivement dans l’immobilier, l’agriculture et le commerce extérieur devaient rester dans le giron de l’Etat, dans une première phase.

C’est pour dire que l’idée de la privatisation du secteur bancaire a toujours existée et que celle-ci est toujours d’actualité. Dans tous ses rapports, le Fonds Monétaire International a recommandé la privatisation des banques, et présenté cette opération comme étant incontournable pour relever le niveau de bancarisation de l’économie et soutenir la croissance.

Il est vrai que la privatisation de ce secteur  est sensible du fait de son implication directe sur l’économie en sa qualité d’instrument privilégié de  concrétisation de la politique de l’Etat et de réalisation du programme du gouvernement. Comme il est une évidence que ce secteur ne s’accommode plus avec les règles de gestion du secteur public ou les managers banquiers qui prennent des risques à longueur de journée, ont en permanence l’épée de Damoclès sur leur tète. Combien de cadres du secteur bancaire ont été malmenés pour avoir pris des initiatives donc des risques, somme toute naturels, dans une activité ou l’exposition au risque est l’essence même du métier.

Il faut reconnaitre que les banques de nos pays voisins ont pris une longueur d’avance avec leur ouverture de leur capital à l’international et leur mise à niveau. L’e-paiement lancé récemment en Algérie avec un nombre de facturiers limité, présenté comme une performance particulière, est chez nos voisins une ancienne histoire  Inéluctablement, la privatisation des banques doit se faire pour améliorer le climat des affaires, réduire les couts d’intermédiation et assurer plus de transparence dans leur comptabilité.

A un moment crucial, comme celui que nous vivons présentement, ou les recettes des hydrocarbures ont notablement chuté et ou les finances publiques sont malmenées et continueront de l’être sur la trajectoire 2017-2019, la question de l’ouverture du capital des banques au secteur privé national et international refait surface.

Est-ce que cela veut dire la privatisation des banques publiques ?

Tout à fait, il s’agit de l’ouverture du capital de ses banques et une privatisation partielle et progressive. Cependant, si une mesure de ce genre  est introduite dans le projet de loi de finances 2017, elle sera certainement assortie d’une limitation ou de règles de prudence à observer. En effet, la transformation juridique des banques publiques sera surveillée par la Banque d’Algérie afin de maintenir le contrôle de ces institutions.

Le mode de privatisation retenu pour la plupart des analystes est l’ouverture du capital au secteur privé, mais connaissant les échecs subis à la Bourse d’Alger (cas de la cimenterie de Ain Kebira dernièrement) ces derniers temps, il semble que cette voie est à écarter si ‘on veut faire aboutir le projet.

Cependant la privatisation des banques publiques ne doit pas être perçu sous l’angle d’un produit ou gain à récupérer par la vente mais comme un moyen de moderniser et de mettre à niveau les pratiques, de rendre plus viable leur capacité à collecter l’épargne et les impliquer davantage dans la croissance économique.

La modification de l’encadrement du capital des banques figure dans le projet de budget 2017. Le texte prévoit que les banques qui voudront s’introduire à la bourse doivent obtenir un « feu vert » de la banque centrale avant toute initiative susceptible de faire passer plus de 49 % de leur capital dans des mains étrangères. Quel commentaire faites-vous dans ce sens ?

Le document final sur l’avant projet de loi de finances 2017 n’étant pas connu, il est difficile de donner un avis objectif, Je pense qu’il faut s’éloigner de toute démarche ambivalente. La question qui se pose est claire « veut-on privatiser les banques ou non ? ». Si on répond oui, alors il faut résolument s’engager dans cette voie, dans la transparence la plus totale.

Je pense qu’une privatisation progressive et raisonnée du secteur bancaire sous la conduite de la Banque d’Algérie serait profitable et plus que jamais une nécessité pour le développement économique.

Entretien réalisé par Imène A. 

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