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Abdelghani Chellig, SG de l’UNAA: « L’importation, à l’origine du déclin de la Confection »

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L’UNAA (Union nationale des artisans algériens) est un syndicat affilié à l’UGTA qui a été créé en 2014. Son secrétaire général en poste, Abdelghani Cherrig a bien voulu répondre à nos questions sur le secteur de l’Artisanant. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il décortique les problèmes qui bloquent l’essor du secteur en proposant des solutions pour le relancer.

Algérie-Eco: L’UNAA est un syndicat relativement récent. Pouvez-vous en parler plus en détail?

Abdelghani Cherrid: L’Union nationale des artisans algériens a été crée en 2014 et en 2016, il s’est affilié à l’UGTA. Sa création répond aux besoins des artisans d’avoir leur propre structure pour défendre leurs intérêts. Actuellement, il existe une autre structure qui regroupe et les artisans et les commerçants. Mais l’expérience a montré que les intérêts des deux catégories peuvent diverger. Ce sont les commerçants, ceux versés dans l’importation, qui ont causé le plus de tort aux artisans.

Pouvez-vous être plus précis?  

C’est l’ouverture du marché algérien à l’importation qui a été à l’origine du déclin de bon nombre d’activités relevant du secteur de l’artisanat. Notamment dans la confection. Quand on sait que les Algériens dépensent annuellement quelque six (6) milliards de dollars pour leur habillement, on peut comprendre l’intérêt qu’a le pays à encourager la production nationale dans ce domaine. Et, partant, l’importance de notre revendication à réglementer davantage l’importation. Nous demandons, concernant notre secteur, à ce que ne soient autorisées à l’importation que les matières premières nécessaires à la fabrication des produits nationaux, non disponibles en Algérie. Nous avons les compétences humaines et les moyens matériels pour développer encore plus notre secteur. Fait encore plus grave, sur le plan double plan économique et symbolique, même l’emblème national et le burnous sont aujourd’hui importés de Chine et de certains pays d’Asie. C’est plus que déplorable. Surtout que certains produits de l’artisanat peuvent facilement s’exporter si l’Etat venait à prendre les bonnes mesures.

Quelles seraient ces mesures?

Les robes traditionnelles et le tapis. Pour les premières, en particulier, il existe un marché potentiel en Europe où réside une forte communauté algérienne estimée à plus de quatre millions de personnes. L’Etat doit encourager les artisans à exporter leurs produits en direction de cette communauté. C’est le cas également du tapis algérien est réalisé, généralement, dans les zones peu développées du pays, par des familles de conditions sociales difficiles. Et là, notre syndicat demande expressément aux pouvoirs publics d’annuler la décision prise en 2015 de fermer la caisse de promotion des activités traditionnelles. Une caisse qui était d’un appui certain aux artisans. On ne peut pas, sous prétexte d’austérité, prendre de telles mesures qui ne font qu’aggraver la situation du secteur et des artisans. Un secteur porteur. Et ce, aussi bien en terme de nombre d’artisans qu’en terme économique. Il existe, en effet, aujourd’hui un peu plus de 500 000 artisans officiellement enregistrés auprès des différentes chambres de wilaya de l’artisanat auxquels il y a lieu d’ajouter 1,5 million d’autres qui ne le sont pas. Avec leurs familles respectives, le nombre de personnes liées au secteur de l’artisanat atteint allègrement les neufs millions de personnes. C’est dire toute l’importance de cette frange et toute la nécessité de la prendre sérieusement en charge.

Vous venez de dire qu’une bonne partie des artisans travaillent dans l’illégalité. Quelles en sont les causes?

C’est une situation déplorable. En restant en dehors des chambres de l’artisanat, en clair, en refusant d’avoir leur carte d’artisan et, partant, d’activer dans la légalité, ces artisans perdent un grand nombre d’avantages tels l’accès aux crédits et aux aides de l’Etat, une protection sociale assurée et les droits à la retraite.

Qu’est-ce qui explique une telle attitude, selon vous?

Il y a, à mon avis, trois raisons à cette paradoxale attitude dont les pouvoirs publics portent la responsabilité. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il existe trois types d’artisans: ceux activant dans le secteur des arts traditionnels, les artisans activant dans le secteur de la production et ceux qui exercent dans le secteur des services. La première des raisons a trait à une question liée à l’accès au logement: tout détenteur de la carte d’artisan est automatiquement exclu du bénéfice d’un logement social. Ce qui est une aberration quand on sait que la majorité de nos artisans sont de condition modeste. La deuxième a trait aux impôts auxquels sont soumis les artisans. Mis à part les artisans en arts traditionnels qui sont soumis à un impôt forfaitaire annuel de 10 000 DA, les membres des deux autres catégories d’artisans sont soumis à des impôts en rapport avec les revenus qu’ils tirent de leurs activités. Des impôts qui varient entre 50 000 DA et 100 000 DA par an. Ce qui est difficilement supportable pour la majorité des artisans concernés. Pour résoudre définitivement ce problème, l’UNAA demande l’application d’un impôt unique, celui forfaitaire de 10 000 DA appliqué actuellement aux artisans en arts traditionnels, à tous les artisans. Si cette mesure venait à être décidée, nous sommes convaincus qu’elle permettra à l’Administration des impôts d’améliorer sensiblement ses recouvrements dans le secteur.

Et quelle est la troisième raison?

Le diktat de l’administration, d’une manière générale. Celle-ci gagnerait à être plus souple et plus pragmatique dans ses relations avec les artisans. Dans un avenir proche, l’UNAA souhaite une révision des dispositifs de création d’emplois: ANSEJ, CNAC et ANGEM. Et ce, dans le sens d’une souplesse dans le remboursement des crédits accordés aux bénéficiaires. Il faudrait que ces remboursements soient étalés sur le long terme; de sorte à leur donner le maximum de chances de succès. Toutes ces mesures, si elles venaient à être décidées, pousseraient les artisans qui activent présentement dans l’informel à régulariser leur situation. L’Etat sera gagnant dans la mesure où la situation du secteur sera plus transparente. Il en sera de même pour les artisans qui activent dans la légalité qui, de ce fait, ne seront plus soumis à une concurrence déloyale. Et ce, sans parler de l’essor qu’elles auront sur le secteur dans son ensemble et, partant, sur l’économie nationale. Pour vous donner une idée de ce que pourrait apporter à cette économie un secteur de l’artisanat bien pris en charge, il faut savoir, pour prendre l’exemple de l’Iran, que la seule exportation de tapis ramène à ce pays, annuellement, la rondelette somme de quatre (4) milliards de dollars…

Un dernier mot ?

Ce ne sera pas un dernier mot mais c’est pour combler un oubli. Parmi les autres mesures que l’UNAA préconise pour amener les artisans à quitter l’informel, l’exonération d’impôts pour tous ceux du Sud et des régions déshéritées. Une mesure qui contribuera, en permettant aux bénéficiaires de tirer de leurs activités des revenus décents,  à fixer nombre de familles à leur région d’origine. Cela aidera  à enrayer un tant soit peu le phénomène de l’exode rural dont souffrent les villes et dynamisera le secteur dans ces régions.

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