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Djamal-Eddine Bou Abdallah : « Un plan est nécessaire pour sauver les entreprises de la faillite »

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Le docteur en économie et directeur général de SDG Group Algérie, Djamal-Eddine Bou Abdallah, considère, que si la crise dure dans le temps, notre économie se détériorera davantage, et le gouvernement est appelé à mettre un plan de sauvegarde pour sauver les entreprises de la faillite.

Algérie-Eco : L’Algérie traverse actuellement une crise économique et sanitaire, quelles seront, selon vous les répercussions de cette crise sur l’économie nationale ?

Djamal-Eddine Bou Abdallah : Les répercussions de la crise sanitaire sur l’économie nationale sont conditionnées par le facteur temps. Plus la crise dure moins notre économie se portera bien et continuera à se détériorer.

Faut-il le rappeler, notre pays a subi des revers sur le plan économique et ce, depuis fin 2014, suite à la chute brutale des prix des hydrocarbures. Certains équilibres ont été maintenus d’une manière irréfléchie et inadaptée grâce aux réserves de changes que détenait le pays à cette période, une cagnotte de presque 200 milliards de dollars. Or,  il est à déplorer que depuis cette date, c’est-à-dire en fait depuis plus de 5 ans, aucune initiative sérieuse n’a été entreprise, aucune perspective de fond n’a été conçue pour orienter notre économie nationale vers le cap de développement et de croissance, autrement dit, parvenir à sortir de cette économie de répartition et opter pour des économies de productions.

La crise actuelle a imposé une récession à l’échelle mondiale et l’Algérie ne peut que subir directement ce choc compte tenu du fait que notre économie dépend toujours de nos ressources pétrolières et gazières. La sentence est tombée de suite, nous essuyons à notre tour une récession de fait, avec un baril à 30 dollars.

L’autre répercussion qui est liée directement à la crise sanitaire : ce sont les effets adverses sur le plan économique dus au confinement, qui mettent presque à l’arrêt des milliers d’entreprises, mis à part certains secteurs, en l’occurrence l’alimentaire, le médical et quelques secteurs connexes. Cette crise a un coût et il est évolutif en fonction de sa durée.

Les prix du baril ne cessent de dégringoler quels sont vos suggestions sur le plan budgétaire ?

Les prix du baril ont atteint en effet des records baissiers que nous n’avons pas connus depuis 2002. Cela se traduit par le fait que la récession est mondiale et que l’usine du monde est à l’arrêt. Cette situation se répercute sur toutes les sphères de l’économie connectée et globalisée. Malgré le rebond du prix du baril auquel nous assistons depuis 2 jours grâce à une probable entente OPEP-Russie, d’une part et au redémarrage de l’appareil économique chinois essentiellement, d’autre part. Le budget sera mis à mal d’abord parce qu’il est conçu sur la base d’un baril à 50 dollars mais aussi pour n’avoir pas prévu certains chapitres en soutien à cette crise sanitaire.

La politique budgétaire doit toujours répondre à trois impératifs : elle doit être temporaire, ciblée et intervenir au bon moment.

Il va sans dire que l’exécutif ne détient pas toute l’information économique pour pouvoir actionner les différents leviers et par voie de conséquence venir apporter des correctifs nécessaires dans l’acte de régulation de l’économie nationale.

En premier lieu, Il va y avoir une dépréciation du dinar, et cette dépréciation va atténuer automatiquement la dette publique. La première mesure devrait être de collecter l’épargne pour éviter la planche à billets. Mais cette mesure passe par un plan sérieux à l’endroit, notamment, de l’économie parallèle et ce, pour pouvoir absorber cette masse monétaire qui échappe aux statistiques et à l’analyse, susceptible d’élaborer de nouvelles inflexions en termes de politiques économiques.

Il est aussi suggéré que les pouvoirs publics, sur la base de ce nouveau système fiscal en préparation, puissent mettre en place un système de collecte provisoire d’impôts qui concernera toutes les entités économiques existantes et activant dans le pays, les activités non déclarées et toute autre forme d’entreprises, visibles et échappant au contrôle, ceci à travers un forfait par catégories d’entreprises. Cette mesure apportera, à mon sens, un bol d’oxygène aux finances publiques pendant 2 ou 3 ans le temps de mettre en application les nouvelles dispositions fiscales applicables à tout le monde, justes et valables pour toutes entités créatrices de richesse.

Le gouvernement a pris plusieurs dispositifs envers les entreprises qui connaissent des difficultés en cette période. Pensez-vous que ces mesures sont suffisantes ?

Le gouvernement a mis en place quelques dispositifs pour assister la trésorerie des entreprises, mais cela s’avère déjà insuffisant.

Ces entreprises connaissent, pour la plupart (je parle de celles qui demeurent en vie), des perturbations difficilement soutenables et surmontables depuis la fin 2014 : offre publique en nette baisse et financement public en rupture (budget d’équipement en baisse). Ces mêmes entreprises ont aussi subi un autre revers, celui de l’année 2019, année du mouvement populaire et de la crise politique, au cours de laquelle les entreprises aussi bien publiques que privées, les banques et toutes les autres entités économiques ont beaucoup hésité, en ce sens que l’investissement s’est raréfié, compromettant ainsi les économies internes des entreprises en général.

Ensuite, au moment où l’entreprise a concrètement commencé à se défaire de son immobilisme et marasme, début 2020, la crise sanitaire s’installe !

Un décret exécutif est venu soutenir les entreprises et donc allégé le poids de la dépense autorisant de fait de mettre jusqu’à 50% de l’effectif en congé sans solde, avec un système de rotation dans le cas où l’activité tournerait partiellement. Une pause au niveau des déclarations fiscales a été octroyée également.

Ce constat signifie, en d’autres termes que la majeure partie des entreprises étaient déjà endettées avant la crise sanitaire et que de plus, leurs finances en fonds propres ne leur permettront pas de contracter des crédits et de survivre à cette impasse d’activité si la crise persiste dans le temps. Il manque en fait d’autres dispositifs pour accompagner l’entreprise et lui permettre un temps de récupération appréciable.

Quelles sont les mesures que vous considériez urgentes à prendre pour faire face à la menace de faillite qui guette les entreprises notamment le PME ? 

L’entité économique en Algérie est constituée de, plus de 90% de PME et TPE, pour dire que ce sont des entreprises très fragiles en termes de trésoreries et en termes d’actifs. Seul un plan de sauvegarde pourrait les repêcher après toutes ces péripéties subies et qui ne cessent de croître.

Je pense qu’il est temps de convoquer une tripartie, le plutôt étant le mieux, en invitant tous les influenceurs et acteurs économiques, tous les syndicats et tous les organismes professionnels, n’excluant aucune partie, pour trouver une issue concrète à cette crise qui va s’inscrire dans la durée .

–          Le gouvernement devrait penser au plutôt comment relancer la demande des ménages, dans l’immédiat ! tout en s’attelant à mettre en place des leviers (ajustement et réformes) pour démarrer, l’offre, l’activité productive dans un court terme. C’est une première dans les annales des faits économiques, tout simplement, parce que les fondements de l’économie nationale se sont sérieusement détériorés et que seule une nouvelle structuration économique pourrait venir à bout de cette instabilité qui dure.

–          Inciter les banques à accorder des crédits, d’exploitation et d’investissement en baissant le taux risque, ceci devant se baser sur des évaluations sérieuses. Mettre à contribution le système bancaire est impératif. Ce secteur qui était resté de tout temps très sceptique ou parfois très complaisant avec certains passes droits. La banque devrait rapidement rejoindre l’effort de la relance économique nationale ;

–          Faciliter l’entrée et l’implication réelle des fonds d’investissement : certains sont présents mais très prudents faute d’autorisations; ceci permettrait un véritable élan en termes d’investissement, en attendant de parfaire un véritable marché financier, s’appuyant entre autres sur la bourse d’Alger et le marché des capitaux ;

–          Mais le plus urgent serait de permettre toutes les facilités possibles aux entreprises vis à vis du fisc et du parafiscal, en négociant avec l’entreprise des engagements en termes d’emplois et de transparences dans les déclarations fiscales;

–          Mettre en place des dispositifs permettant de mettre en évidence la notion de pertinence systémique, qui concernera pour l’occasion le système financier et des secteurs tels que : le médical, l’agro-industriel, pharmaceutique, parapharmaceutique et toutes les branches d’activité mises à contribution pour juguler cette crise ;

–          Appuyer l’activité services pour apporter toute l’innovation et la technologie nécessaire et susceptible de relancer l’activité productive. Ce secteur devrait être considéré comme vecteur de croissance. Le secteur ne contribue qu’à hauteur de 8,5% dans le PIB, ce qui est très insuffisant au regard des standards mondiaux.

Ce gouvernement n’a pas eu le temps de mettre en place des dispositifs visant à soutenir les secteurs d’activité, je pense que cette situation est mieux à même d’accélérer le processus. Car en fait nous avons besoin de revisiter un grand nombre de paradigmes pour ainsi donner de la clarté à notre environnement économique.

Ces dispositifs devraient être bien pensés et élaborés en impliquant les opérateurs économiques en les écoutant, car eux seuls sont connaisseurs de la situation sur le terrain et capable de créer de la richesse.

En tant que président du CCIAE, quelles seront les répercussions de cette crise sur l’évolution des partenariats économiques existantes entre l’Espagne et l’Algérie ?

Le Club du commerce et de l’industrie Algero-Espagnol (CCIAE), en sa qualité d’organisme mixte Algéro-Espagnol, en phase avec ces événements et nouveaux développements, est extrêmement soucieux du devenir économique des deux pays et estime que des actions franches et réelles pourraient redorer le blason.

C’est pendant ces moments de crise que nous pourrions franchir des étapes pour développer davantage l’échange et la collaboration entre les entreprises des deux pays d’une manière significative. La crise nous permettra de conjuguer nos efforts pour nous soutenir, trouver ensemble les options de sortie de crise et développer d’autres activités qui vont s’inscrire inévitablement dans la post-crise.

Je suis certain que l’Espagne, qui est en train de subir de plein fouet la crise sanitaire, s’en sortira et redémarrera son économie au plutôt. A travers nos relais il va sans dire qu’une collaboration s’établira pour affronter ensemble les conséquences économiques de cette crise.

« Au-delà de l’horreur, il y a une lueur d’espoir, car la crise donnera à l’humanité d’importantes leçons qui contribueront à façonner un avenir meilleur ».

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