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Importer moins, exporter plus de produits agricoles africains : tour des idées préconçues

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Depuis quelques décennies en Afrique, les gouvernements semblent soumis à une règle sacrosainte dans le secteur agricole : réduire les importations à tout prix. Dans le même temps, ceux-ci « doivent » exporter le maximum de produits sur le marché international afin de disposer de devises étrangères. Alors que ce dilemme pourrait encore se renforcer dans la mesure où la consommation alimentaire est appelée à croître dans les prochaines années, il convient de lever le voile sur les ambiguïtés liées à ces deux notions. 

A quel point le niveau des importations agricoles de l’Afrique est préoccupant ?

Le niveau « alarmant » des importations agroalimentaires africaines a fait l’objet de nombreux débats ces dernières années. Il faut savoir qu’actuellement selon les estimations, l’Afrique importe entre 70 et 80 milliards $ de produits alimentaires, ce qui fait d’elle une importatrice nette à la lumière de ses exportations estimées à 60 milliards $ par an selon la FAO.

Comparativement, la Chine et son 1,4 milliard d’habitants, spit a importé en 2019 environ 133 milliards $ de produits agricoles et exporté 65 milliards $. De manière globale, une hausse des achats sur le marché international entraîne une fragilité plus importante aux fluctuations des prix mondiaux et aux restrictions des principaux fournisseurs. Mais en général, selon les analystes, l’augmentation des importations alimentaires n’est pas forcément mauvaise en soi si elle s’effectue à une cadence plus faible que celui de la consommation. « Une hausse de la valeur des importations alimentaires n’a rien de préoccupant si elle s’effectue à un rythme moins rapide que celui de la consommation ; autrement dit, si la part de marché des produits étrangers dans le panier de la ménagère africaine diminue », explique Jean-Christophe Debar, directeur de la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (FARM).  « Une hausse de la valeur des importations alimentaires n’a rien de préoccupant si elle s’effectue à un rythme moins rapide que celui de la consommation ; autrement dit, si la part de marché des produits étrangers dans le panier de la ménagère africaine diminue »

Pour le continent africain, la réalité est que, justement, la part de marché des produits importés ne baisse pas de manière durable en raison d’une faiblesse de l’offre locale. Pour des denrées comme les céréales, l’huile végétale, les produits laitiers ou la viande de volaille notamment, la tendance a été plutôt à la hausse sur ces dernières années. Le principal défi est donc d’augmenter leur production pour que l’offre locale se substitue progressivement aux importations.

Une forte activité d’exportation agricole traduit-elle une bonne santé du secteur agricole ? 

Pas forcément. En effet, contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’augmentation des exportations agricoles n’est pas forcément le signe d’une agriculture qui prospère. A coup sûr, cela génère d’importantes devises étrangères. Mais l’effet positif sur la dynamique d’ensemble est beaucoup moins évident. Et pour cause, une hausse des exportations agricoles peut concerner un nombre réduit de cultures commerciales qui ont les faveurs des subventions publiques et des plans de soutien à la production. Cela peut marginaliser d’autres denrées dites « vivrières » qui pourtant sont essentielles pour une large partie de la population agricole.

D’un autre côté, il faut prêter attention à la qualité des biens exportés. En d’autres termes, l’enjeu des exportations réside aussi dans leur valeur ajoutée. Un cas frappant est celui du thé au Kenya. Le pays a exporté par exemple en vrac, 476 000 tonnes de la feuille en 2018, mais n’a tiré que 140 milliards de shillings. Dans le même temps, le Sri Lanka a tiré l’équivalent de 150 milliards de shillings avec 288 000 tonnes de feuilles expédiées grâce à l’importance des produits de thé transformé dans ses cargaisons. Par ailleurs, la forte exportation peut traduire non pas une meilleure compétitivité de l’agriculture, mais plutôt une faiblesse de la demande intérieure qui n’est pas capable d’absorber la production et expose également le secteur aux fluctuations du marché mondial.

Dans certains cas, la politique axée sur l’écoulement des denrées sur le marché international peut même être contreproductive. En effet, la volonté d’exportation massive de produits peut entraîner des pénuries sur le marché local et pénaliser les industries de transformation. C’est le cas par exemple de l’arachide au Sénégal où la Société nationale de commercialisation des oléagineux (Sonacos) peine à avoir accès à l’arachide produite localement avec les expéditions massives vers la Chine. Pour cela, certains analystes préfèrent même une hausse modérée des exportations de produits bruts, un développement des activités de transformation locale permettant de créer des emplois ainsi qu’une exportation plus soutenue des produits transformés.

L’Afrique peut-elle se passer des importations ? 

Stricto sensu, cela signifierait une autosuffisance alimentaire, c’est-à-dire la satisfaction de tous les besoins alimentaires par la production continentale. Si par le passé, de nombreux gouvernements africains ont adopté un tel objectif, la réalité est que cette ambition reste utopique. Aucune des régions du monde ne peut se targuer d’être autonome sur le plan agricole. Dans ce secteur où il existe des freins naturels à la production comme les facteurs climatiques ou des barrières comme les moyens financiers et technologiques, il est clair qu’aucun pays ne peut se passer des achats sur le marché mondial. Pour l’essentiel, la stratégie déployée est d’avoir le moins possible recours aux importations tout en construisant une sécurité alimentaire.

Plus globalement, d’après de nombreux observateurs, il serait notamment plus judicieux, de changer l’approche dans la mesure où les valeurs des importations et des exportations ne sont que des indicateurs partiels de la performance agricole.

Dans ce contexte, certains poussent pour une mise en lumière plus importante dans les discours, du solde du commerce agricole. Celui-ci reflète la capacité du secteur agricole à compenser grâce à ses exportations, les achats sur le marché mondial.

Dans ce contexte, certains poussent pour une mise en lumière plus importante dans les discours, du solde du commerce agricole. Celui-ci reflète la capacité du secteur agricole à compenser grâce à ses exportations, les achats sur le marché mondial. Cet indicateur a le mérite de permettre de mieux évaluer la compétitivité de l’agriculture, même si en réalité il faut tenir compte d’autres éléments pour apprécier la performance de l’agriculture. Dans un contexte où les habitudes alimentaires changent rapidement sur le continent africain, on pourrait considérer d’autres facteurs comme la capacité du secteur agricole à répondre aux besoins, aussi bien en volume que sur le plan nutritionnel, ainsi qu’à s’adapter à l’évolution des préférences alimentaires.

Ecofin

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