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L’urgence de privatiser les entreprises publiques en perdition

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Le redressement économique, la croissance et la modernisation de l’économie algérienne seront l’affaire des entrepreneurs privés ou, ne le seront pas ! C’est la mondialisation de l’économie qui l’exige et aucun pays ne peut y échapper. C’est notre intime conviction au regard d’un secteur public économique exsangue, de la façon archaïque dont il est géré et, bien entendu, de l’incapacité de l’Etat à le maintenir encore longtemps artificiellement en vie.

A côté de ces entreprises étatiques moribondes il y a, il faut le reconnaître, des entreprises privées beaucoup mieux portantes, mieux gérées et qui ne demandent qu’à se développer, pour peu que les lourdeurs bureaucratiques qu’on leur inflige à longueur de journées laissent place à une véritable liberté d’agir et d’entreprendre.

Pour information, le secteur public qui avait connu ses heures de gloire durant les années 1970, se résume aujourd’hui à, à peine, 1400 entreprises dont environ un millier a été déclaré officiellement en faillite par leurs commissaires aux comptes et l’Etat actionnaire. Elles ont été exceptionnellement autorisées à poursuivre leurs activités en attendant de trouver une solution à leurs irrémédiables déstructurations financières. Une solution qui ne peut, à l’évidence, consister qu’à les dissoudre ou à les céder à certaines conditions, à des repreneurs privés.

Pour l’instant, l’Etat n’a eu le courage de recourir ni à l’une, ni à l’autre, de ces solutions. Quand les ressources financières étaient largement disponibles, il se contentait de les renflouer à perte, à coups de centaines de milliards de dinars, et depuis que le budget de l’Etat ne dispose plus de ressources suffisantes, sa seule marge de manœuvre consiste à ordonner aux banques publiques de payer les salaires des travailleurs et, exceptionnellement, de leur ouvrir des lignes de crédits pour les approvisionnements. Cette dernière solution n’est évidemment pas la bonne, car faute d’activités rentables, ces entreprises se contentent d’assurer uniquement le versement de salaires à des travailleurs oisifs, aggravant ainsi leur état de déstructuration économique et financière.

La privatisation étant encore un sujet tabou en Algérie, ni le gouvernement, ni même, ceux qui sont chargés d’élaborer des stratégies de relance économique, n’ont l’audace d’évoquer clairement cette issue (tout à fait ordinaire dans d’autres pays), qui a le mérite de pouvoir débarrasser l’Etat de ce millier de canards boiteux et budgétivores tout en lui procurant d’importes recettes à travers la vente des actifs de ces entreprise moribondes. Se débarrasser de ces canards boiteux peut également conforter le secteur privé qui pourrait ainsi se développer, sans devoir tenir compte de ces entreprises qui polluent l’économie, en fonctionnant selon une logique contraire aux mécanismes universels du marché.

Ces entreprises étatiques qui ont pourtant été transformées en sociétés par actions (EPE/SPA) ne sont en effet tenues, ni par des règles de performances, ni par l’obligation de résultats. Leur existence dépend du seul bon vouloir des autorités politiques qui peuvent les dissoudre ou les maintenir en vie selon leur bon vouloir. La seule raison d’être de ces sociétés consiste à assurer un minimum d’emplois dans un pays gravement affecté par le chômage, maintenir la paix sociale et appliquer les directives du gouvernement même quand sont prises à leur détriment.

En dépit de son état lamentable, le secteur public économique, sert aussi à maintenir le secteur privé en situation de fragilité permanente. De nombreuses sociétés privées ne peuvent en effet vivre qu’en tant que sous-traitants d’entreprises publiques. Cela est notamment valable dans le secteur du BTP où des centaines de sociétés privées vivent de marchés (électricité, plomberie, étanchéité, peinture etc.) que leur accordent les grandes entreprises publiques comme Cosider, GTP, Batimetal et autres. Obtenir des marchés de la part de ces grandes sociétés, constitue même un signe de reconnaissance de leur solidité patrimoniale et de leur savoir faire, d’où cette tendance à vivre à leur ombre au lieu de créer leurs propres environnement économique et commercial.

Les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays de puis la fin des années 1990 ont tous, sans exception, tenté de trouver une solution à ce secteur public économique budgétivore, qui ne brille ni par son utilité, ni par sa contribution à la richesse nationale. Bien au contraire, ses déficits chroniques ne font qu’appauvrir le pays. Avec près d’un millier d’EPE en faillite à renflouer chaque année, le problème devient en effet plus compliqué, voire même, très dangereux pour nos finances publiques, notamment depuis que le pétrole ne fait plus recette. On estime à plus de 24 milliards de dollars, soit la valeur d’une année d’exportation de pétrole à son prix actuel, le montant alloué de 1992 à 2018, à l’assainissement financier de ces entreprises en situation d’insolvabilité permanente.

Dans les meilleures années de privatisation, à savoir, 1995 avec la vente des actifs de 1400 entreprises publique locale ( ÉPL), 1997 avec la privatisation d’une centaine d’EPE et filiales d’EPE et 2004, avec la cession à des privés nationaux et étrangers d’environ 450 unités économiques relevant du secteur public marchand, l’Algérie n’est parvenue à se débarrasser que d’environ 2000 entreprises sur les 5000 que compte le secteur public marchand.

En dépit de tout ce que les observateurs de diverses sensibilités politiques ont pu dire, ces privatisations ont, non seulement, rapporté plusieurs milliards de dollars au trésor public, mais également permis à ces unités économiques en perdition, de renouer avec la prospérité sous la houlette de leurs acquéreurs. C’est par exemple le cas des usines d’eaux minérales et gazeuses qui enregistrent une croissance fulgurante depuis que des entrepreneurs privés nationaux et étrangers, les ont prises en mains.

Pour des raisons politiques, mais surtout, à cause de l’opulence financière qu’avait générée par la montée des prix du pétrole durant les années 2002-2012, les autorités algériennes n’avaient pas jugés utile de poursuivre le processus de privatisation engagé sous la houlette du FMI avec qui l’Algérie conclut en 1994, un accord d’ajustement structurel.

L’abandon de ce processus, justifié par le retour de l’opulence financière, mais aussi et surtout, par une campagne de dénigrement sans précédent, du processus de  privatisation, accusé d’être à l’origine de tous les maux du pays, rend aujourd’hui bien difficile sa reprise. Les indicateurs économiques et financiers qui se sont entre temps considérablement dégradés plaident pourtant pour une reprise massive des privatisations, ne serait-ce que pour alléger le trésor public du lourd fardeau du millier d’entreprises publiques irrémédiablement déstructurées. Les autorités algériennes savent en effet pertinemment que la situation catastrophique dans laquelle se trouve ces EPE, plaide pour un traitement urgent qui ne peut consister qu’à s’en délester au meilleur prix, autrement dit, à les céder aux plus offrants.

Embourbé dans d’inextricables crises politique, économique et sanitaire, on voit malheureusement pas comment le gouvernement actuel, pourrait ouvrir un nouveau front qui lui vaudra inévitablement une salve de critiques de la part d’une opposition en attente d’une occasion aussi propice aux déchaînements populistes.

C’est pourquoi nous pensons, qu’en matière de réformes économiques et, la privatisation en est un élément important, rien de bien sérieux ne pourra se faire, tant que l’Algérie n’aura pas retrouvée une stabilité politique, à même de lui permettre de confier en toute transparence ces affaires sérieuses, à des compétences avérées détenant, de surcroît, une certaine légitimité.

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