AccueilContributionsLa bi-bancarisation, un instrument au service du partenariat euro-africain

La bi-bancarisation, un instrument au service du partenariat euro-africain

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La bi-bancarisation est un sujet sensible qui touche aussi bien à l’émigration, qu’à l’aide au développement, au blanchiment de capitaux qu’au financement du terrorisme.
Une députée française et un Avocat de renommée internationale, tentent d’expliquer à travers cette tribune exclusivement destinée à Algérie-Eco les avantages de cet instrument financier au service du partenariat Europe-Afrique. L’Algérie qui projette de créer prochainement en France une banque destinée à bancariser l’épargne de nos émigrés s’inscrit dans cette logique d « Eurafrique bancaire » que les gouvernements algériens et français ont décidé d’encourager.

 

Par Sira Sylla, Députée de la Seine Maritime et Membre de la Commission des Affaires Étrangère

et Maître Alain Gauvin Avocat Associé chez Asafo et Co Premier cabinet panafricain

 

Depuis le début de son quinquennat, le Président de la République Française insiste sur la place que les diasporas doivent prendre dans la relation renouvelée avec l’Afrique. Les crises sanitaire et économique que nous traversons font apparaître aujourd’hui leur rôle crucial.

A côté de l’aide publique au développement (APD) et des investissements directs étrangers (IDE), les diasporas africaines contribuent fortement au financement de l’économie de nombreux pays du continent par les transferts de fonds.

En 2019, ces transferts s’élevaient à environ 7 milliards USD pour le Maroc, 2 milliards pour la Tunisie, 1,8 milliard pour l’Algérie, 2,5 milliards pour le Sénégal, 2,8 milliards pour le Kenya, 0,6 milliard pour le Soudan. Le montant total des transferts au profit des pays à faible ou moyen revenu dépassait 550 milliards USD, ce qui représentait plus de 30% du PNB de certains pays. Selon la Banque mondiale, ces envois de fonds, qui aident le plus souvent les familles à assurer les dépenses alimentaires, de santé et d’éducation, devraient chuter d’environ 20% en 2020.

Une situation qui doit amener à réagir. Tout récemment, dans la presse, quelque cinquante-neuf parlementaires appelaient le gouvernement à prendre deux mesures : défiscaliser le coût des transferts et accélérer la bi-bancarisation (1).

La question de la bi-bancarisation mérite en effet l’attention des pouvoirs publics, dans l’intérêt des deux parties, de l’Afrique, bien sûr, mais aussi de l’Europe.

Ce dispositif favorise l’accès des populations immigrées aux services bancaires, non seulement, dans leur pays d’accueil, mais aussi, dans leur pays d’origine. Il contribue à réduire le coût des transferts, certains opérateurs profitant du fait que de nombreux migrants ne disposent pas d’un compte en banque pour pratiquer des tarifs exagérément élevés. Il participe à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme en intégrant, dans le circuit bancaire, des transferts d’argent qui, autrement, empruntent des circuits parallèles.

Mais des freins persistent. La bi-bancarisation exige, pour être efficace, que les banques africaines puissent offrir leurs services bancaires sur le territoire des pays où se trouvent les diasporas. La France n’est pas restée inerte. Un dispositif existe depuis 6 ans, codifié aux articles L. 318-1 à L. 318-5 du Code Monétaire et Financier, lequel autorise, sous conditions, les banques des pays bénéficiaires de l’APD à commercialiser leurs services en France.

Cependant, force est de constater que seules deux banques étrangères ont, en 6 ans, été autorisées à offrir leurs services dans l’Hexagone. Des améliorations pourraient être apportées. La commercialisation ne devrait pas être réservée aux seuls établissements de crédit, mais devrait pouvoir être confiée à d’autres structures susceptibles de pouvoir exercer une activité d’intermédiation bancaire, tels les assureurs, y compris ceux de l’économie sociale et solidaire, ou bien encore les intermédiaires en opérations de banque et de services de paiement, ainsi que les établissements de paiement et de monnaie électronique. La gamme de services et produits commercialisables devrait être élargie à la souscription de produits d’investissement de préférence collectifs (de type OPCVM) de façon à orienter l’épargne vers les secteurs prioritaires (celui des TPME en particulier).

L’Europe avait affiché son volontarisme sur la question lors du G8 de l’Aquila en 2009 et le G20 de Cannes en 2011. Mais les intentions sont restées lettres mortes. Aucun texte communautaire ne régit aujourd’hui, de façon unique ou au moins harmonisée, la commercialisation des services bancaires africains en Europe. Certaines autorités bancaires nationales perçoivent même, dans cette commercialisation, une atteinte aux monopoles bancaires nationaux : fâcheuse (et peut-être volontaire) méprise.

La France devrait être capable de sortir l’Europe de sa torpeur sur un sujet concret qui permet d’avancer sur  la voie d’un partenariat Europe-Afrique transformé dont Monsieur le Président de la République est le promoteur.

 

(1)L’Opinion, tribune collective, dont Sira SYLLA est l’un des signataires, Facilitons le soutien des diasporas africaines à l’Afrique, 29 mai 2020.

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