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Le Nobel de la paix au Programme alimentaire mondial, en guerre contre la faim

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Le Nobel de la paix a couronné vendredi le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies qui nourrit des dizaines de millions de bouches du Yémen à la Corée du Nord en passant par l’Afrique, un éloge au multilatéralisme face aux égoïsmes nationaux.

Opérant aussi bien par hélicoptère qu’à dos d’éléphant ou de chameau, le PAM se présente comme « la plus grande organisation humanitaire » de lutte contre la faim. Une nécessité puisque, selon ses estimations, 690 millions de personnes – une sur 11 – souffraient de sous-alimentation chronique en 2019. Et sans doute davantage cette année à cause du Covid-19. « Le besoin de solidarité internationale et de coopération multilatérale est plus évident que jamais », a dit la présidente du comité Nobel, Berit Reiss-Andersen, devant une assistance réduite à une petite dizaine de journalistes, règles sanitaires obligent. « Paix et éradication de la faim sont indissociables », a réagi le PAM. Dans une vidéo, son directeur exécutif, l’Américain David Beasley, a confié être « sans voix pour la première fois de (sa) vie ».

Le secrétaire général de l’ONU s’est aussi dit « enchanté ». « Les femmes et les hommes du PAM bravent les dangers et la distance pour livrer des vivres essentiels à ceux qui souffrent des conflits, aux personnes victimes de désastres, aux enfants et aux familles qui ne savent pas ce que leur prochain repas sera », a fait valoir Antonio Guterres.

Le directeur général de la FAO, le Chinois Qu Dongyu, a également salué cette récompense, parlant d' »une injection d’énergie positive ». Qu Dongyu a aussi rappelé que le PAM avait commencé en 1961 en tant que une « filiale » de la FAO, l’agence de l’ONU chargée de l’agriculture et de l’alimentation. 

Comme la FAO, le PAM est a son siège à Rome et est intégralement financé par des contributions volontaires. Le programme onusien, qui dit avoir assisté 97 millions de personnes dans 88 pays l’an dernier, assure avoir distribué 15 milliards de rations.

Un chiffre vertigineux mais qui ne représente qu’une fraction du besoin total. Malgré les progrès enregistrés ces trois dernières décennies, l’objectif établi par l’ONU d’éradiquer la faim d’ici à 2030 semble hors d’atteinte si les tendances actuelles se poursuivent, selon les experts. 

La guerre pouvant être à la fois la cause et la conséquence de la faim, les populations vivant dans des pays touchés par des conflits sont nettement plus susceptibles d’être sous-alimentées, selon le PAM.

La chancelière allemande Angela Merkel a rendu hommage au « travail incroyable » de ses employés.

L’an dernier, le programme a cependant été ébranlé par un rapport, à partir de témoignages internes, faisant état de nombreux cas d’abus d’autorité, de harcèlement, y compris sexuel, et de discriminations. 

L’horizon pour la planète s’est encore assombri cette année avec le choc sanitaire et économique causé par la pandémie de Covid-19, qui cause des pertes de revenus en cascade, accroît le prix les aliments et perturbe les chaînes d’approvisionnement. « En attendant le jour où on aura un vaccin médical, la nourriture est le meilleur vaccin contre le chaos », disait David Beasley en juin.

La récession mondiale due au virus risque de pousser vers la faim entre 83 et 132 millions de personnes supplémentaires, estimait l’ONU cet été. « Dans des pays comme le Yémen, la République démocratique du Congo, le Nigeria, le Soudan du Sud et le Burkina Faso, la violence des conflits combinée à la pandémie a entraîné une hausse dramatique du nombre des personnes au bord de la famine », a souligné Mme Reiss-Andersen.

L’annonce du comité Nobel n’a toutefois pas fait l’unanimité au Yémen, où une guerre oppose gouvernement et rebelles Houthis. Un choix « ridicule », ont jugé ces derniers : un porte-parole, Talaat Al-Sharjabi, a notamment mis en cause « un échec » du PAM dans ses tentatives d' »être neutre dans la distribution d’aide humanitaire ». 

Face aux tentations de repli nationaliste, la présidente du comité Nobel a fait valoir l’importance de trouver des « solutions multilatérales pour combattre les défis mondiaux ». « Les agences de l’ONU et autres institutions internationales semblent recevoir moins de soutien ces jours-ci », a-t-elle dit à l’AFP, citant le Brexit et certaines critiques américaines. « D’une manière générale, dans de petites nations et des nations plus importantes, il semble y avoir une tendance populiste », a-t-elle expliqué.

C’est la 12eme fois que le prix de la paix consacre l’ONU, une de ses agences ou une personnalité qui y est étroitement liée.

Le virus va chambouler les conditions dans lesquelles le PAM empochera son Nobel. Si la situation sanitaire le permet, le prix – un diplôme, une médaille d’or et un chèque de 10 millions de couronnes (près de 950.000 euros) – sera remis au cours d’une cérémonie au format nettement réduit le 10 décembre à Oslo ou, dans le cas contraire, à distance via des moyens numériques.

afp

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