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Ce que gagnent réellement les pays africains dans la hausse historique du cours de l’or

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En août dernier, l’or a franchi pour la première fois la barre historique de 2000 dollars l’once, porté par l’incertitude liée à la reprise économique mondiale dans le contexte de la pandémie de Covid-19 et d’autres facteurs géopolitiques. Contrairement aux autres matières premières, le métal précieux poursuit sa folle ascension et confirme plus que jamais son statut de « valeur refuge » en ces temps de crise. S’il ne fait aucun doute que les grands bénéficiaires sont les investisseurs et les compagnies minières, quid des Etats producteurs d’or, particulièrement en Afrique où le secteur aurifère représente un véritable poumon pour plusieurs économies ? Dissection.

L’incroyable course de l’or sur fond de coronavirus : L’or a commencé l’année 2020 autour des 1350 dollars l’once. Dès les premières semaines de l’épidémie de coronavirus en Chine, le cours de l’once est monté à 1600 $ sur les marchés, un niveau jamais atteint depuis 2013. Pour sécuriser leurs actifs, les investisseurs qui affichaient déjà des craintes quant à l’impact de l’épidémie sur la santé de l’économie mondiale ont commencé par se tourner vers l’or, considéré comme valeur refuge en temps de crise.

C’est donc logiquement que le prix de l’or s’est envolé quand l’OMS a déclaré l’épidémie de Covid-19 comme une pandémie mondiale. En juin, le métal s’est négocié à plus de 1750 $ l’once et les analystes prévoyaient déjà qu’il franchira avant la fin de l’année la barre des 2000 $ avant la fin de l’année. « Les marchés ont été optimistes ces derniers temps en examinant des signaux peu crédibles et en pariant sur une forte reprise, mais ils ne peuvent plus ignorer que l’économie mondiale est au point mort et qu’une nouvelle vague de confinement est à craindre », expliquait alors, pour Bloomberg, Sean MacLean, analyste chez Pepperstone.

Il ne faudra pas attendre longtemps pour voir les prévisions des analystes se réaliser. Après être successivement passée à 1800 $ puis 1900 $, l’once d’or atteint en août la barre des 2000 dollars. Outre l’incertitude liée à la reprise économique mondiale, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, d’autres facteurs géopolitiques et économiques se sont ajoutés aux craintes des investisseurs, augmentant leur intérêt pour l’or. Citons entre autres les tensions persistantes entre la Chine et les Etats-Unis, couplées à la terrible explosion survenue dans le port de Beyrouth au Liban. Depuis, le cours du métal précieux semble se stabiliser autour des 1950 $.

Les grands gagnants sont les compagnies aurifères : La compagnie sud-africaine Harmony Gold a publié cette semaine le bilan de son exercice achevé en juin. Si elle rapporte une baisse de sa production d’or, l’excellent prix du métal lui a permis d’accroitre de 9% à 29,25 milliards de rands (1,8 milliard $) ses recettes. Quelques semaines plus tôt, Resolute Mining, active sur plusieurs mines d’or en Afrique de l’Ouest, rapportait une augmentation de ses revenus de vente de 33% à 305 millions de dollars, pour le compte du premier semestre de l’année, alors que son EBITDA a presque doublé, passant de 55 millions $ en 2019 à 107 millions $, cette année. Même son de cloche chez Perseus Mining, présente sur plusieurs projets aurifères en Côte d’Ivoire et au Ghana, qui a généré pour son exercice 2020 des revenus record de 591,2 millions $.

Presque toutes les entreprises exploitant l’or ont vu leurs finances dopées par le cours du métal précieux. Malgré les restrictions strictes (confinement, fermetures temporaires des mines) imposées par certains pays hôtes pour limiter la propagation de la Covid-19, et qui ont affecté les volumes de production, ces sociétés n’ont pas vraiment pâti de la crise. Certaines, à l’image de Kinross Gold en Mauritanie, en ont même profité pour accélérer leurs plans d’agrandissement de capacités de production, pendant que d’autres ont investi pour acquérir de nouveaux projets.

La part des Etats africains : Pour plusieurs pays africains, l’or est un important pilier de l’économie (part du PIB, recettes fiscales, recettes d’exportation). Au moins 20 pays du continent sont engagés dans la production commerciale, 10 d’entre eux produisant chacun au moins 15 tonnes par an. Selon des données de l’Institut d’études géologiques des Etats-Unis (USGS) datant de 2019, l’Afrique compte pour environ 22 % dans la production minière mondiale ; un pourcentage en pleine croissance, au regard des nouveaux projets qui se développent sur le continent chaque année.

Si l’importance de l’or pour les Etats africains n’est donc plus à démontrer, mesurer l’impact de la hausse des cours sur les recettes publiques est beaucoup plus difficile. Depuis la mise en œuvre de la Vision minière africaine (VMA)à l’initiative de l’Union africainela stratégie des nations africaines consiste d’une part à sécuriser un «revenu minier minimum» par le biais des différentes redevances (redevances superficiaires, redevances proportionnelles sur l’exploitation du minerai, etc.). D’autre part, les pays africains bénéficient des résultats de l’entreprise minière, par le biais d’une prise de participation au capital de la société d’exploitation.  « Les Etats Africains ayant une législation minière moderne bénéficient de la hausse historique des prix de l’or, mais dans la limite du montant de leurs participations au capital social des sociétés minières et selon le barème des droits de redevance, prévu dans les codes miniers et conventions minières », explique cette semaine à l’Agence Ecofin, Charles Bourgeois, avocat au Barreau de Paris et spécialiste du droit minier.

Selon lui, la hausse du cours de l’or devrait amener à une hausse des résultats des sociétés minières et potentiellement des dividendes versés aux actionnaires… dont les Etats Africains. Dans le même temps, elle conduit à une hausse du prix de vente de l’or et mécaniquement du montant de la redevance « ad valorem » perçu par les Etats Africains. Par exemple, une redevance de 3% à verser à l’Etat sur la vente de 100 000 onces à un prix de 1500 $/oz est inférieure à 3% à verser sur la vente de 100 000 onces lorsque l’once passe à 2000 onces.

Se contenter d’une « petite » part du gâteau : La part de gains des Etats africains dans les mines d’or se limite pour le moment à des taux de redevances « faibles » (souvent moins de 5%) et souvent fixes (pas indexés sur le prix de l’or) ainsi qu’à des participations gratuites dans le capital des entreprises (le plus souvent 10%).

Selon les experts de la BAD, les nations africaines pourraient mieux bénéficier de la montée des cours de l’or, en augmentant les taux de redevances convenus dans les conventions minières. Ils pourraient également modifier dans le même temps leurs législations afin que le taux de la redevance ne soit plus fixe (exemple 3%), mais proportionnel en fonction des cours de l’or (par exemple 3% si le cours de l’or est entre 1000 et 1500 USD / 5% si le cours de l’or est entre 1500 et 2000 USD, etc.).

Toutefois, confie M. Bourgeois à l’Agence Ecofin, il ne faut pas décourager l’investissement en modifiant constamment la législation minière, surtout en ce moment. Les investisseurs étrangers tiennent beaucoup à la stabilité des régimes fiscaux dans les pays où ils investissent.

Les Etats africains sont loin de gagner autant que les compagnies dans ce contexte historique de hausse des prix de l’or, mais c’est peut-être un mal nécessaire pour les protéger en cas de baisse des cours ou pour continuer à attirer les investisseurs. Une chose est certaine, la question d’un partenariat équitable entre les pays et les compagnies reviendra toujours sur la table.

Ecofin

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