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Le redressement de l’économie algérienne n’est pas une affaire d’argent mais de gouvernance

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La crise de l’économie algérienne n’est pas réductible, comme tendent à l’affirmer la plupart des médias, à une crise de liquidités financières seulement. Si cela avait été le cas, les 1000 milliards de dollars de recettes pétrolières auxquelles s’ajoutent presqu’autant de fiscalité ordinaire, encaissées par le trésor public durant ces 20 dernières années, auraient largement suffits à construire une économie prospère et adaptée aux exigences de la globalisation.

La consistance des réserves de change disponibles vingt années durant, la sécurité financière assurée par l’ex Fonds de Régulation des Recettes dans lequel étaient logés plus de 4O milliards de dollars et les 12 à 14 milliards de dollars d’or disponibles, étaient en effet largement suffisants pour mettre l’économie algérienne sur la voie de l’émergence et à l’abri des ruptures de liquidités, comme celle vers laquelle on s’achemine. L’Algérie a évidemment encore le temps et les moyens de se ressaisir, pour peu que ses plus hauts dirigeants aient la volonté d’adapter les paradigmes de la gouvernance actuelle aux exigences de la globalisation.

C’est pourtant une évidence, l’économie algérienne ne peut pas fonctionner selon des règles qui lui sont propres à moins de ne compter, comme elle l’a toujours fait, que sur ses seules recettes d’hydrocarbures. C’est une situation supposable tant que les encaisses sont suffisantes pour faire vivre la nation, mais qui pose problème dés que les cours déclinent comme c’est le cas aujourd’hui.

Mais, sous réserve d’une estimation précise dés avoirs encore disponibles dans les caisses de l’Etat, on sait que l’Algérie n’est pas encore arrivée à une situation de grande détresse financière et qu’avec ce qui lui reste, elle peut parfaitement remonter la pente pour peu qu’elle fasse les bons choix stratégiques et que la direction du pays ne soit pas perturbée, comme aujourd’hui c’est encore le cas, par des centres de décisions occultes. Le pays dispose en effet d’un matelas financier assez conséquent (environ 40 milliards de dollars de réserves de change, 14 milliards de dollars en lingots d’or, un nombre remarquable d’actifs monnayables et une large capacité d’emprunts). Son véritable problème ne réside donc pas dans les moyens financiers disponibles, même si ces derniers ont effectivement beaucoup diminués au cours de ces trois dernières années, mais plutôt dans les choix de politique économique que le gouvernement retiendra. Aucune indication précise ne montre pour l’instant ce qu’il compte faire en la matière, mais il est évident que s’il persiste dans cette politique d’allocations des ressources disponibles à des entreprises publiques déclassées et des sociétés privées archaïques, au détriment de celles qu’on aurait du faire émerger ( nouvelles technologies, finances modernes, filières exportatrices, tourisme et agriculture etc.), il est clair que l’argent encore disponible disparaîtra vite, sans laisser traces de valeurs ajoutées dans les filières dans lesquelles on l’a investi.

C’est pourquoi bon nombre d’économistes continuent à penser que la crise dans la quelle l’Algérie a commencé à s’engouffrer n’est pas réductible au seul problème de disponibilités financières, mais à une défaillance du système de gouvernance algérien, toujours basé sur la rente pétrolière dont la répartition est toujours confiée à une bureaucratique qui sert en priorité les clientèles des régimes en place.

Le système du marché que l’Algérie tente de construire depuis le début des années 90, aurait pu changer avantageusement ce mode de gestion bureaucratique et clientéliste, mais le retard pris dans son édification, a quelque peu compromis la réalisation des ruptures systémiques envisagées.

Encore à l’état embryonnaire le système de marché algérien pose en effet, aujourd’hui encore, un sérieux problème à pratiquement toutes les branches de l’économie algérienne qui ne parviennent toujours pas à se hisser au niveau des standards internationaux. La législation des affaires est en effet incomplète et souvent contradictoire, les banques sont restées à la traîne des nouvelles technologies financières, les interférences du politique dans l’activité économique sont toujours présentes, la Justice est en total déphasage avec les règles de l’économie de marché et la politique monétaire en nette rupture avec les exigences marchandes.

Ce constat qui n’est déjà guère brillant à bien des égards, peut malheureusement se dégrader encore davantage à plus ou moins brèves échéances. Ceux qui détiennent la réalité du pouvoir en Algérie peuvent en effet décider du jour au lendemain de mesures législatives et réglementaires qui pourraient nuire, aussi bien, au business, qu’aux finances publiques. L’Algérie a beaucoup souffert de cette instabilité juridique et en souffrira sans doute longtemps encore, puisque rien de significatif n’a changé au niveau du mode de gouvernance. On le constate déjà avec la loi de finances complémentaire pour l’année 2020 qui a introduit des mesures (augmentation de salaires, des carburants et des taxes sur les véhicules neufs etc.) qui ne manqueront pas de créer des difficultés supplémentaires aux entreprises déjà en proie à d’autres nombreuses difficultés.

Compte tenu de tous ces aléas, il serait évidemment illusoire de prétendre à un redressement de l’économie algérienne, quand bien même, cette dernière serait favorisée par une plus grande disponibilité de capitaux. Dans l’état actuel de la gouvernance, ces capitaux seraient, comme au temps de Bouteflika, dépensés de manière prodigue et irrationnelle. L’argent continuerait à être dilapidé sous formes de rentes octroyées à des entreprises insolvables et à diverses clientèles du régime.

En l’absence d’un système de marché mature et de contrôle financier vigilant, la création d’entreprises, la promotion des investissements et la gouvernance économique, seront toujours problématiques. On continuera à dépenser sans compter dans des affaires qui, non seulement, ne rapportent rien, mais qui seront de surcroît exposées à toutes sortes de malversations. Incapables de générer de la valeur ajoutée, la plupart des filières de l’économie algérienne seraient alors contraintes, comme par le passé, de prélever une bonne partie de leurs besoins financiers des rentes fiscales ou d’éventuels emprunts que le gouvernement sera contraint de contracter pour maintenir en vie les unités économiques budgétivores. Ce constat saute aux yeux s’agissant du millier d’entreprises publiques déficitaires que l’Etat devra à nouveau renflouer en puisant dans l’argent des contribuables et de la fiscalité pétrolière. A elles seules, les 950 sociétés nationales en situations de faillites constatées (actifs nets négatifs confirmés par les commissaires aux comptes) auraient besoin d’une dizaine de milliards de dollars pour être remises à flot. Les banques publiques qui les financent devront elles aussi bénéficier du même traitement pour pouvoir assurer cette mission d’assistance aux entreprises déstructurées.

La construction du système de marché ayant pris un retard considérable, ce dernier a eu peu d’impacts positifs sur le secteur privé qui se plaint de devoir supporter, aussi bien, les résidus du système socialiste, que les dysfonctionnements de l’économie de marché qui peine à se mettre en place. Les entreprises privées sont, certes plus nombreuses que par le passé, mais elles sont encore trop insuffisantes pour pouvoir générer des ressources fiscales à la hauteur des besoins financiers du pays. Les faibles performances productives de ces entreprises de petites tailles pour la plupart, leurs sous capitalisations et leur excessive dépendance des importations, les disqualifient de fait du rôle de pourvoyeurs de ressources budgétaires hors hydrocarbures, que l’Etat était en droit d’attendre d’elles.

Les pouvoirs publics et, notamment ceux en charge du secteur industriel, reconnaissent de ce fait que la crise qui affecte l’économie algérienne est beaucoup plus d’origine systémique que financière. La plupart des diagnostics établis par les différents ministères en charge de l’économie et de l’industrie, ont effectivement apporté la preuve que la crise financière qui guette l’Algérie résulte en grande partie de la lenteur de la transition d’une économie de commandement héritée du régime socialiste, à une économie d’initiative qui tarde à se mettre en place, faute de réformes, mais aussi et surtout, de volonté politique.

L’éclatement de la gouvernance économique en plusieurs centres de décisions qui bien souvent se télescopent, les tentations bureaucratiques et rentières, la corruption et autres habitudes héritées de l’ancien système, constituent autant de contraintes qui retardent aujourd’hui encore l’avènement d’un authentique système de marché et contraint l’Etat à se ruiner en opérations de soutien à une pléthore d’entreprises qui devraient normalement vivre des richesses qu’elles sont sensées produire. Persister dans cette voie, comme le laisse comprendre les lois de finances pour l’année en cours, est assurément le meilleur moyen d’assécher sans contrepartie productives, les ressources financières encore disponibles.

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