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Sécurité alimentaire : L’enjeu capital de l’agriculture de montagne en cas de crise

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En raison de la crise alimentaire qui se profile dans le sillage de la pandémie de coronavirus, les comités de villages de Tizi Ouzou, Bejaia et Bouira ont anticipé les problèmes d’approvisionnement alimentaire qui ne manqueront pas de surgir dans les tout prochains mois. Ces derniers, ont suggéré aux villageois d’entamer dès à présent la mise en valeur de leurs lopins de terre quelles que soient leurs surfaces. Les montagnards ne se sont pas fait attendre et ont commencé à planter, chacun selon les caractéristiques et l’étendue de son jardin, des cultures vivrières aux premiers rangs des quelles, la pomme de terre, l’oignon, l’ail, la tomate, les poivrons, les pois chiches et haricots pour ne citer que les légumes favoris. Certains ont également planté ou greffé des arbres fruitiers, notamment, le figuier, la vigne et l’abricotier.

Le petit élevage (poulets, lapins, vaches à lait) fait également l’objet d’une attention particulière. C’est une véritable résurrection de l’agriculture vivrière de montagne, longtemps délaissée, à la quelle nous assistons depuis que ces comités ont pris le commandant de ces villages haut perchés dans le cadre de lutte contre le Covid-19. Éternelles oubliées des administrations de l’Etat et des Collectivités locales, ces petites agglomérations ont trouvé en ces comités de villages gérés selon la tradition ancestrale  « tajmaat », des guides proches et éclairés agissant en parfaite connaissance du terrain et de ceux qui y vivent. Leurs suggestions sont prises en considération et leurs ordres sont généralement appliqués sur le champ et à la lettre. D’où les rapides résultats que nous avons pu constater dans certains villages du piedmont faisant face (coté sud)  à la ville de Tizi Ouzou. Le même succès serait enregistré dans de nombreuses autres localités du Djurdjura, nous apprend un collègue natif de la région qui prévoit une production record de légumes et fruits cette année. Nous n’avions malheureusement pas eu le temps de vérifier si les villages de Bejaia et Bouira sont dans cette même dynamique, mais les propos glanés çà et là, y compris des radios locales, il semble bien que la prise en charge de leurs besoins alimentaires par les villageois eux mêmes, soit bel et bien engagée avec des résultats prometteurs.

La crise alimentaire à court terme qui n’épargnera aucune région du pays étant une certitude, on se demande pourquoi le gouvernement algérien et notamment, les ministres de l’Agriculture et de l’Intérieur, ne font pas preuve comme ces admirables comités de villages, d’anticipation en faisant passer ce même message du « compter sur soi » à tous les algériens disposant de terres cultivables aussi exigües soient elles. En tant qu’autorités de l’Etat disposant de divers moyens d’action, ils pourraient même proposer de les aider en dépêchant notamment sur les lieux de plantation des techniciens agricoles. Ils pourraient également leur fournir les semences et les plantes d’arbres fruitiers qui viendraient à manquer.

La crise sanitaire qui sera bientôt prolongée par une crise économique sans précédent, incite à ce genre de décision qui n’est malheureusement pas à l’ordre du jour de ce gouvernement dispersé sur de nombreux fronts et qui ne sait pas faire preuve d’imagination. C’est pourtant là une décision capitale qui pourrait sauver de très nombreux algériens de la famine et nos propos s’appuient sur ces centaines de milliers de travailleurs occasionnels déjà mis au chômage sans aucune indemnité et sur le marasme qui commence à affecter le secteur du BTPH qui ne tardera pas mettre à la rue un nombre encore plus impressionnant de travailleurs.

Pris dans l’engrenage de la gestion de la pandémie de coronavirus, du déclin des recettes pétrolières et de la fiscalité ordinaire, l’Etat algérien éprouvera d’énormes difficultés à solvabiliser les victimes de ces crises qui se compteront bientôt en millions. Il faut donc donner aux algériens les moyens de se prendre en charge, ne serait-ce que sur le plan alimentaire. Cela est possible eu égard de la disponibilité de petites parcelles de terre familiales autrefois délaissées, mais qui pourraient trouver à la faveur de cette crise une bénéfique résurrection.  L’État doit impérativement agir dans la voie tracée par ces comités de villages car dans les tout prochains mois l’Algérie aura, non seulement, du mal à importer les produits alimentaires stratégiques que les pays producteurs n’exporteront plus, mais pour ceux qui le feront, les prix pourraient atteindre des niveaux records, sans commune mesure avec les moyens de paiement disponibles. On sait que la Chine, la Russie et le Vietnam qui figurent parmi les plus gros producteurs mondiaux de céréales et de riz s’apprêtent à limiter l’exportation de ces denrées dont les prix ont du reste commencé à flamber. Le même problème se posera sans aucun doute pour le lait et les légumes secs que l’Algérie importait en masse.

Pas moins de 35 milliards de dollars sont consacrés chaque année uniquement aux besoins alimentaires. Une dépense qu’elle ne pourra pas assurer dans les prochains mois vu le déclin des recettes d’hydrocarbures et la fonte des réserves de change disponibles.

Booster les cultures vivrières, notamment dans les zones montagneuses, est un  des moyens à promouvoir pour desserrer l’étau de cette excessive addiction aux importations qui risque d’étrangler les plus démunis, au fur et à mesure que la crise économique approche. En prenant appui sur cette heureuse initiative des comités de villages de Kabylie, l’Etat se doit donc d’impulser cette agriculture de proximité, en lui accordant les moyens, les incitations et les protections nécessaires.

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