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Smain Lalmas : « La solution économique ne peut être réalisable sans la solution politique »

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L’économiste Smain Lalmas s’est exprimé samedi dans un entretien accordé au quotidien El Watan sur la double crise sanitaire et économique que subit l’Algérie.

Lalmas estime que « la solution économique ne peut être réalisable sans la solution politique ».

« La tempête économique entraînée par la pandémie du coronavirus et la guerre des prix du pétrole lancée par l’Arabie Saoudite et la Russie, à qui s’ajoute la crise politique inédite que traverse l’Algérie depuis notamment le 22 février 2019, a montré une fois encore la vulnérabilité et la fragilité de notre économie. Tout le monde sait que plus de 95% des exportations de l’Algérie proviennent des hydrocarbures, cette hyper dépendance à la rente pétrolière la met dans une situation très critique. Il faut rappeler que la loi de finances 2020 tablait sur un baril à 50 dollars pour une croissance de 1,8% », relève Smainn Lalmas.

Notant que « le prix du baril de pétrole est loin de notre prix de référence », l’économiste estime que « cela va bien sûr nous conduire vers une aggravation du déficit budgétaire et de la balance commerciale, une érosion rapide de nos réserves de change, un net recul des investissements, perte d’emplois, une forte inflation avec une dévaluation conséquente du dinar ».

« Au bout du compte, ce n’est qu’une suite logique de la récession économique qui avait déjà commencé lors du premier trimestre 2018. Nous constatons, par ailleurs, les mauvaises pratiques qui sont toujours d’actualité avec l’absence d’un plan d’urgence à la hauteur de cette crise multidimensionnelle », a-t-il encore relevé.

« Le problème est surtout et avant tout politique »

Je crois qu’aujourd’hui, le constat est connu, il faut plutôt parler de l’Algérie de demain, de l’Algérie de l’après-corona, qui doit être complètement différente de l’Algérie d’aujourd’hui, qui est synonyme de l’échec sur tous les plans. Les solutions sont connues, très souvent abordées par des responsables et spécialistes à savoir diversifier l’économie, pour sortir de cette dépendance aux hydrocarbures, réduire donc la part du pétrole dans le PIB et développer l’attractivité de l’Algérie », a estimé Lalmas.

Et d’ajouter : « Mais fréquemment, on oublie que pour le cas de l’Algérie, le problème est surtout et avant tout politique, la solution économique ne peut être réalisable sans la solution politique nécessaire pour accompagner le grand virage vers cette nouvelle Algérie dont nous rêvons tous. Il serait suicidaire de continuer de vivre avec nos échecs sans en profiter pour rebondir et nous améliorer ».

Rappelant les décisions prises par le gouvernement, à savoir « la baisse du budget de fonctionnement de l’Etat, les charges d’exploitation et les dépenses d’investissement de Sonatrach. Sur le plan de la régulation des importations, il est question de réduire la facture à 30 milliards de dollars, un montant qui reste », « trop élevé vu la conjoncture », a jugé l’économiste, estimant qu' »il faut élaborer un plan des importations qui ne devrait pas dépasser les 20 milliards de dollars, mais ce, en concertation avec les secteurs productifs et les importateurs ».

Selon lui, « cela ne va pas suffire si on ne fait pas d’efforts à court terme pour encourager l’investissement, donc la production et revoir de plus près les déficits dans les balances commerciales avec nos partenaires étrangers, je pourrai citer le cas de la Chine qui exporte vers l’Algérie pour 8 milliards de dollars par an, et qui n’importe pratiquement rien de chez nous », a-t-il préconisé.

« Il faut aller rapidement vers l’élaboration d’une loi de finances rectificative »

« En commerce international, nous avons la pratique d’auto-limitation par exemple, qui conduirait à des négociations entre pays pour arriver à réduire ce genre d’écart, en proposant à la partie chinoise des produits algériens. A mon avis, nous avons la possibilité de développer une offre exportable diversifiée qui pourrait atteindre les 3 ou 4 milliards de dollars par an, si les conditions et la volonté politique seront au rendez-vous de ce challenge (transformer l’échec en succès) », a-t-il suggéré.

Selon Lalmas « il faut aller rapidement vers l’élaboration d’une loi de finances rectificative pour dégager les moyens nécessaires afin de faire face aux conséquences du Covid-19, à savoir des budgets chiffrés, pour soutenir les entreprises et donc l’emploi, des prêts aux entreprises pour supporter cette période de crise, enfin toutes les mesures nécessaires dans le cadre d’un plan anti-faillite de nos entreprises et permettre un redémarrage sans beaucoup de dégâts ».

« Recensement des dégâts causés par la double crise  et définir les priorités »

L’économiste estime qu’il faudrait commencer par recenser l’ampleur des dégâts causés par cette double crise et définir les priorités. « A mon avis, il faut préserver et soutenir le tissu productif comme première étape, profiter de cette crise pour revoir notre politique de libre-échange et remettre les barrières tarifaires à l’import dans le cadre d’une politique protectionniste provisoire, dont l’objectif serait de protéger la production nationale, encourager l’investissement et dégager des recettes douanières qui seront d’un grand secours. Logiquement, le redémarrage ne sera pas le même pour tous les secteurs », a-t-il expliqué.

« La consommation connaîtra un boom après le confinement »

Après la crise sanitaire, Lalmas prévoit une relance lente pour certains secteurs et une accélération rapide pour d’autres activités, « qui ne sont pas à l’arrêt ou qui le sont partiellement ». La consommation de manière générale connaîtra un boom après le confinement, nous allons vivre aussi en Algérie le phénomène «revenge shopping», ce qui va permettre au secteur du commerce de se rattraper », prévoit l’économiste, ajoutant que « cette crise devrait être une opportunité pour repenser notre politique d’exportation hors hydrocarbures et gagner des parts de marché, en profitant du temps de latence pour le redémarrage de l’économie mondiale ».

Selon Lalmas, le secteur du tourisme devrait aussi jouer un rôle important après la crise du coronavirus. Il préconise que le tourisme « doit immédiatement mettre en place un plan d’urgence pour le développement du tourisme interne », (…) « Une bonne occasion de relance qui s’offre au secteur du tourisme en dormance depuis très longtemps », a-t-il dit.

« Capter l’argent de l’informe, récupérer l’argent détourné vers l’étranger »

Pour l’économiste, parmi les solutions qui peuvent être explorées pour faire face à cette crise et son après, « capter l’argent de l’informel », précisant que « la part de l’informel représente plus de 50% de notre économie, d’après des responsables et spécialistes ».

Comme autre piste, Lalmas évoque « la récupération de l’argent du peuple volé par la mafia politico-financière resté au pays et rapatrier les capitaux transférés à l’étranger, investis en biens palpables ou en capitaux placés dans des paradis fiscaux ».

Concernant le recours à la planche à billets, Lalmas a rappelé que « l’Algérie a déjà utilisé cette piste par le passé, qui est considérée comme un dérapage économique grave avec 6800 milliards de dinars injectés dans la masse monétaire à travers le financement non conventionnel, confirmant ainsi, la situation catastrophique de notre économie qui survit et ce depuis longtemps, à coups de perfusions ».

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