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Dans le Golfe, la double peine des travailleurs immigrés face au virus

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Ils subissent les répercussions du nouveau coronavirus plus que quiconque dans les pays du Golfe. Des millions de travailleurs immigrés, souffrant déjà de précarité, craignent pour leur santé et leur emploi face aux mesures prises pour enrayer la propagation de la pandémie.

Plus de 3.400 cas d’infections et 16 morts dues à l’épidémie ont été déclarés dans les monarchies arabes du Golfe, ralentissant l’activité économique de ces pays dont beaucoup emploient une très importante main d’oeuvre étrangère, surtout asiatique. « Cela fait huit à dix jours que nous sommes enfermés. Nous ne savons pas quand cela va se terminer », raconte à l’AFP un ingénieur pakistanais au Qatar, qui a été mis en quarantaine. « Le problème fondamental maintenant, c’est l’accès à la nourriture », confie cet homme de 27 ans qui dit recevoir de la nourriture du gouvernement, mais « en petite quantité ».  Comme lui, des dizaines de milliers d’étrangers sont confinés dans la zone industrielle de Doha après qu’un certain nombre d’entre eux eurent contracté la maladie de Covid-19.

Les forces de l’ordre ont encerclé la zone, une mesure essentielle pour sauver des vies, assurent les autorités. Des équipes médicales y sont déployées, selon elles. Mais les logements exigus où les travailleurs immigrés sont entassés dans de mauvaises conditions sanitaires les mettent en danger, préviennent les organisations de défense des droits humains.

Pour Amnesty International, ces employés sont particulièrement exposés au risque de contamination dans les « camps » où ils sont « piégés » et où la distanciation sociale paraît illusoire. 

Selon le bureau à Doha de l’Organisation internationale du travail (OIT), certains employeurs ont transféré leur personnel dans des habitations plus spacieuses pour éviter la promiscuité. C’est le cas d’un employé de supermarché sri-lankais qui partage avec d’autres étrangers une maison qui a été désinfectée. « Ils nous forcent à porter des masques et des gants », dit à l’AFP le jeune homme de 23 ans mais son anxiété reste palpable. 

Un vendeur turc raconte lui s’être auto-confiné par précaution. « J’ai peur de me faire contaminer », dit l’homme de 49 ans. Comme de nombreux autres travailleurs immigrés, il ne bénéficie d’aucune assurance maladie. 

Et, alors que les activités non essentielles sont interrompues, beaucoup comme lui ne perçoivent plus leurs salaires et craignent des licenciements, voire des expulsions. Une catastrophe pour les familles qui dépendent de leurs revenus.

Outre les logements « surpeuplés, souvent insalubres », ces personnes pâtissent d’un « droit du travail qui donne aux employeurs des pouvoirs excessifs et favorise abus et exploitation », dénonce Hiba Zayadin, chercheuse sur le Golfe à Human Rights Watch (HRW).

Les monarchies du Golfe devraient prendre « des mesures visant à prévenir la propagation du virus » dans leurs logements, veiller à ce que ces personnes soient « payées à temps et intégralement » et « ne soient pas menacées d’expulsion ou de sanctions », déclare-t-elle à l’AFP. 

En Arabie saoudite, où vivent 10 millions d’expatriés, certains se plaignent que leurs patrons les incitent à travailler ou à accepter un congé sans solde pendant que les citoyens saoudiens bénéficient, eux, d’un congé payé. « Beaucoup d’ouvriers du secteur privé souffrent de la fermeture de la plupart des activités économiques. De nombreux employeurs les forcent à rester chez eux sans être payés », indique à l’AFP un diplomate arabe basé à Ryad. « Les employeurs utilisent les compensations (financières) versées par le royaume au secteur privé pour couvrir leurs pertes dues à la suspension (des activités de leur compagnie) mais ne se préoccupent pas des employés », estime-t-il.

Au Koweït, qui compte 2,8 millions de travailleurs immigrés, Oum Sabrine, une Egyptienne, ne sera pas payée par le salon de beauté, fermé, où elle travaille. Si elle envisage de poursuivre son employeur en justice, beaucoup hésitent à s’exprimer par crainte de représailles. 

Le Qatar, qui accueille en 2022 la Coupe du monde de football et se livre à d’énormes travaux publics, est particulièrement scruté par les organisations internationales et les ONG. 

De nombreux travailleurs immigrés –qui représentent plus de trois quarts de la population– travaillent sur des projets liés à la compétition, comme la construction de stades qui se poursuit alors que la plupart des activités non essentielles sont à l’arrêt.

L’OIT craint le non-versement des salaires et des licenciements, alors que les économies du Golfe sont frappées de plein fouet par la chute des prix du pétrole.

Pour Houtan Homayounpour, directeur de l’OIT au Qatar, des licenciements massifs, évités jusqu’à présent, auraient un « impact désastreux ».

Afp

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