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Hydrocarbures: Le choc pétrolier se confirme

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De 6O dollars en moyenne durant les trois derniers mois, le baril de pétrole ne valait plus hier 1er mars 2020 à 16h50 à New York, que 44,30 dollars pour le WTI et 49,36 pour le Brent, en 24 heures les prix ont chuté d’environ 5% et la dégringolade semble bien engagée vers d’autres baisses. Le choc pétrolier que nous redoutions dans un précédent article s’est donc bel et bien installé sur le marché mondial et il y a de quoi inquiéter les pays qui, comme le notre, ont fondé leurs économies uniquement sur la rente pétrolière.

Les causes structurelles de cet effondrement des cours sont bien connues, mais à ces déterminants traditionnels est venu s’ajouter un autre beaucoup plus exceptionnel qu’est le coronavirus  dont on redoute qu’il vire en une pandémie capable de bloquer toute l’économie mondiale. Les hydrocarbures produits en surabondance grâce aux puits non conventionnels d’Amérique du Nord éprouvent en effet des difficultés à se vendre du fait du ralentissement industriel enregistré dans des pays comme la Chine, la Corée du Sud et l’Italie où existent d’importants foyers d’infection qui ont contraint les autorités sanitaires à prendre des mesures drastiques de mise en quarantaine. D’importants pôles industriels ont ainsi été paralysés. Ils ont à leur tour produits des effets de ralentissement sur les économies étrangères qui dépendaient des inputs fabriqués dans ces zones infestées. Ce phonème    risque de s’amplifier et de se propager à travers le monde avec toutes les conséquences que pourraient subir l’économie mondiale dans son ensemble. La surabondance de pétrole et gaz dans ce contexte de ralentissement progressif de l’économie mondiale est de nature à faire déraper chaque jour un peu plus les prix du pétrole et du gaz, au point qu’ils pourraient être inférieurs à leurs couts de production. L’Algérie est déjà dans cette situation avec le gaz naturel vendu à certains pays d’Europe à un prix (3 dollars le million de BTU) inférieur à son prix de vient (3,4 dollars).

L’épidémie du coronavirus a effectivement eu un effet foudroyant sur l’économie mondiale du fait qu’elle a apparue en Chine qui représente pas moins de 20% du PIB mondial et constitue l’atelier industriel de la planète. Pratiquement toutes les usines du monde fabriquent en effet leurs produits avec des composants fabriqués en Chine. Elles sont de ce fait condamnées à en subir les conséquences néfastes sur leurs chiffres d’affaires et leurs résultats économiques. Elles achèteront moins de pétrole et de gaz aggravant ainsi l’état du marché énergétique où l’offre dépasse désormais allégrement la demande. Beaucoup moins d’énergie fossile a été consommée depuis l’apparition de cette maladie contagieuse confirme l’Agence Internationale de l’Énergie qui précise que les importations chinoises n’ont jamais été aussi faibles depuis que cette maladie a surgi au début de cette année dans une de ses régions. L’industrie chinoise qui tourne à moindre régime affecte celles des nombreux pays industriels avec qui elle travaille. La demande en énergie va de ce fait baisser si fort qu’elle affectera tout le marché mondial, qui se plaignait déjà d’un important excédent d’offre. Les stocks d’hydrocarbures sont si volumineux que les experts n’hésitent pas à parler d’un baril de pétrole à moins de 40 dollars d’ici la fin du trimestre en cours, soit environ 16 dollars à sa valeur de l’année 1990. Ce serait évidemment une catastrophe financière pour les pays qui ne vivent de cette rente, à commencer par l’Algérie qui ne n’engrangera qu’environ 20 milliards de recettes d’hydrocarbures cette année au lieu des 34 milliards gagnés en 2019.

Une réunion de l’OPEP doit se tenir dans les prochaines semaines mais on ne voit vraiment pas ce qu’elle peut apporter de positif. Elle ne représente qu’environ 40% de la production mondiale et peu de pays membres seront d’accord sur une baisse de la production. Si un pays comme l’Algérie venait à réduire le volume déjà faible de ses exportations de gaz et de pétrole, il sera tout simplement ruiné.  On imagine en effet ce que pourrait être la situation pour notre pays organisé pour vivre avec au minimum un million de baril/jour au prix de 105 dollars le baril, s’il venait à vendre beaucoup moins et au prix faible de 40 dollars le baril. Le recours au FMI serait alors inévitable.

La situation est d’autant plus inquiétante qu’elle promet de durer du fait qu’aucun vaccin susceptible de stopper l’élan pandémique de cette maladie contagieuse n’ait été encore découvert. Tant que durera la panique qu’elle suscite, il y a effectivement peu de chance que l’économie mondiale reprenne son cours normal et le déclin des prix des hydrocarbures risque fort de s’installer lui aussi dans la durée. L’Algérie qui n’est jamais parvenue à diversifier ses exportations va en pâtir gravement. Tous ses indicateurs macroéconomiques (déficit budgétaire, réserves de change, valeur du dinar, inflation etc.) qui ne sont déjà guère brillants, risquent de virer au rouge en à peine quelques mois, dans un contexte sociopolitique qui ne s’y prête pas.

Ce type de crise multidimensionnelle requiert en effet des autorités politiques qu’elles dialoguent avec le peuple pour lui faire accepter des mesures curatives, mais ces dernières ne sont toujours pas disposées à se rapprocher de lui, préférant toujours lui imposer des mesures  brutales qu’elles ne prennent même pas la peine d’expliciter. La crise risque de ce fait de s’installer dans la durée avec le danger bien réel de se transformer en conflit ouvert.

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