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Tebboune au journal Le Figaro : « le Hirak a obtenu pratiquement tout ce qu’il voulait »

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Pour son premier entretien à un média étranger, le président de la République a choisi le journal français Le Figaro. Dans cette interview publié jeudi 20 février 2020, le Chef de l’Etat s’est exprimé sur un bon nombre de sujets d’actualité : le Hirak, la révision de la Constitution, la lutte contre la corruption, la situation économique ou encore les relations algéro-françaises.

« Les choses commencent à s’apaiser »

La première question du Figaro a été sur le mouvement populaire « Hirak » qui célébrera ce weekend son premier anniversaire. Le président Tebboune a estimé que Bien qu’il y ait encore, tous les vendredis, une présence citoyenne dans la rue, les choses commencent à s’apaiser ».

« De nombreux Algériens ont compris qu’on ne peut pas réformer, réparer, restaurer ce qui a été détruit pendant une décennie en deux mois. J’ai prêté serment le 19 décembre! Mais, j’accepte qu’on me demande d’aller plus vite, cela prouve que les gens ont l’espoir de changement », a-t-il expliqué, ajoutant que « le Hirak a obtenu pratiquement tout ce qu’il voulait : il n’y a pas eu de cinquième mandat, ni de prolongation du quatrième mandat, puis le président a démissionné ».

« Les têtes les plus visibles de l’ancien système sont également parties, et la lutte a été engagée contre ceux qui ont mis l’économie à genoux. Reste les réformes politiques, j’en ai fait ma priorité, et je suis décidé à aller loin dans le changement radical pour rompre avec les mauvaises pratiques, moraliser la vie politique, et changer de mode de gouvernance », a-t-il dit.

« Nous aurons notre Constitution au plus tard d’ici le début de l’été »

Concernant la révision de la Constitution, le chef de l’Etat a affirmé que « c’est la priorité des priorités ». « J’ai donné à des spécialistes des orientations et formulé des limites, celles qui touchent notamment à l’identité nationale et à l’unité nationale. Tout le reste est négociable », a-t-il souligné.

« Un premier document va être remis à près de 600 partis, associations, syndicats, corporations, etc. Ils auront un mois pour en débattre librement, et il reviendra ensuite vers le comité de rédaction. La mouture finale sera soumise aux deux chambres du Parlement, puis à un référendum populaire. Ce dernier est déterminant pour obtenir une Constitution de consensus, car je ne veux pas imprimer ma propre vision au changement constitutionnel. Nous aurons notre Constitution au plus tard d’ici le début de l’été, et nous ferons en sorte que le référendum se tienne le plus tôt possible », a détaillé le président Tebboune.

Selon lui, le deuxième chantier sera celui de la loi électorale, qui est censée parfaire nos institutions élues. « Le nouveau Parlement sera amené à jouer un plus grand rôle, mais pour cela, il a besoin d’être assez crédible et ne souffrir d’aucun déficit de légitimité pour sa représentativité. Une des conditions sine qua none pour cela, c’est la séparation de l’argent de la politique », a expliqué le président de la République.

« Moi, je ne me sens redevable qu’envers le peuple qui m’a élu en toute liberté et transparence »

A la question : « Le Hirak veut aussi «un État civil, non militaire». Quel est, selon vous, le véritable rôle de l’armée algérienne, et vous sentez-vous redevable envers elle? ». Le président Tebboune répond : « Ce slogan date du 19 juin 1965! (arrivée au pouvoir du président Boumédiène). L’armée accomplit ses missions constitutionnelles, elle ne s’occupe ni de politique, ni d’investissement, ni d’économie. Elle est là pour sauvegarder l’unité nationale, protéger la Constitution et les Algériens contre toute infiltration terroriste et toute tentative de déstabilisation du pays. Vous ne trouverez aucune trace de son immixtion dans la vie du citoyen si ce n’est lors du service national ».

« Moi, je ne me sens redevable qu’envers le peuple qui m’a élu en toute liberté et transparence. L’armée a soutenu et accompagné le processus électoral, mais n’a jamais déterminé qui allait être le président. Si je me suis engagé dans la présidentielle, c’est parce que j’avais un arrière-goût de travail inachevé. Vous savez dans quelles circonstances j’ai quitté la primature (il a été démis de ses fonctions moins de trois mois après sa nomination comme premier ministre pour être parti en guerre contre les forces de l’argent, NDLR). Mon pays étant en difficulté, j’ai pensé pouvoir apporter un plus même si je savais que c’était un sacrifice pour ma famille et moi-même. C’est un devoir », a-t-il expliqué.

« De l’argent sale circule encore »

Pour le Chef de l’Etat, la lutte contre la corruption n’est pas encore terminée. « La corruption et l’accumulation d’argent sale ne s’effacent pas avec du correcteur. La tête de la mafia a été coupée mais pas le corps. De l’argent sale circule encore. Chaque jour de nouveaux responsables, des pseudos hommes d’affaires se retrouvent devant la justice », a-t-il relevé.

Pour le président Tebboune : « Les fondements de l’État algérien doivent être sains. Ce qui nous attend est bien plus grand que les travaux de Sisyphe. Nous sommes en train de reconstruire, mais ça va prendre du temps. Aucun État moderne ne s’est bâti en une génération. La Vème République en France a commencé en 1958! Commençons par tracer les contours de notre nouvel État sur le plan constitutionnel, puis institutionnel, puis économique ».

Le président Tebboune veut miser sur la jeunesse pour relancer l’économie et sortir de la dépendance aux hydrocarbures

Pour ce qui est du volet économique, le président de la République a expliqué : « Les hydrocarbures sont une richesse divine épuisable, mais ils doivent générer des richesses plus durables. L’Algérie regorge d’autres ressources dont la principale est sa jeunesse instruite. Ma génération est restée dans son carcan mais les jeunes sont en contact avec le monde entier », a-t-il reconnu.

Il a noté : « Des jeunes formés sur les bancs de l’école algérienne sont sollicités pour leur dynamisme et leur savoir-faire, partout dans le monde, aux États-Unis, en Europe… C’est dans cet esprit universaliste et par une compétition saine et moderne que nous allons construire un nouvel édifice économique basé sur la valorisation de la production nationale, l’économie de la connaissance et la transition énergétique ».

« (…) L’Algérie est vue par ses partenaires comme un grand marché de consommation. Nos maux viennent de l’importation débridée, génératrice de surfacturation, une des sources de la corruption favorisée par de nombreux pays européens où se faisait la bancarisation, la surfacturation, les investissements de l’argent transféré illicitement. Cela a tué la production nationale. Nous allons par exemple arrêter l’importation de kits automobiles », a-t-il dit, ajoutant : « L’usine Renault qui est ici n’a rien à voir avec celle qui est installée au Maroc. Comment créer des emplois alors qu’il n’y a aucune intégration, aucune sous-traitance? »

Binationaux : l’article 51 va être changé

S’agissant des binationaux, le président Tebboune a annoncé que l’article 51 va être changé. « L’immigration d’origine algérienne à l’étranger a toute sa place ici, et nous œuvrons pour qu’il n’y ait plus de séparation entre les citoyens émigrés et ceux qui sont restés au pays. Ils ont les mêmes droits et possibilités. (…) Certains postes, ultrasensibles, qui touchent à la sécurité nationale, ne peuvent pas être ouverts à n’importe qui. C’est une pratique mondiale, (…) », a-t-il expliqué.

Relations algéro-françaises

« J’ai eu quelques contacts avec le président Macron, et je sais qu’il est honnête intellectuellement, qu’il n’a aucun lien avec la colonisation. Il essaye de régler ce problème qui empoisonne les relations entre nos deux pays ; parfois il est incompris, et parfois il fait l’objet d’attaques virulentes de la part de lobbies très puissants. (…) », a-t-il dit au sujet de la question mémorielle.

Au sujet des relations algéro-françaises, le président Tebboune a indiqué : « Nous sommes pour des relations sereines avec la France, fondées sur un respect mutuel ». « À un certain moment, il faut regarder la vérité en face. Un premier pas est de reconnaître ce qui a été fait, le deuxième pas est de le condamner. Il faut du courage en politique. Mais il y a un autre lobby (le Maroc NDLR), dont toute la politique repose sur l’endiguement de l’Algérie, et qui est présent en France. C’est un lobby, aux accointances économiques et sociales, qui a peur de l’Algérie. Même quand l’Algérie intervient pour proposer des règlements pacifiques à des crises, ce lobby tente de s’immiscer sous prétexte qu’il est également concerné », a-t-il expliqué.

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