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Amnesty International : Rapport 2019 sur la situation des droits humains en Algérie

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L’Organisation non gouvernementale Amnesty International a publié ce mardi 18 février 2020 son rapport pour l’année 2019 sur les droits humains dans la Zone Moyen-Orient et Afrique Du Nord (MENA).
Algérie : 
Face au mouvement massif de protestation Hirak, les forces de sécurité ont fait usage d’une force injustifiée ou excessive pour disperser certaines manifestations et ont arrêté arbitrairement des centaines de contestataires. Plusieurs dizaines de personnes ont été traduites en justice et condamnées à des peines d’emprisonnement sur la base de dispositions du Code pénal réprimant l’« atteinte à l’intégrité du territoire national » ou l’« incitation à un attroupement non armé », entre autres.
Les autorités ont interdit les activités de plusieurs associations, bien souvent pour des motifs liés aux manifestations du Hirak. Les forces de sécurité ont infligé des actes de torture et d’autres mauvais traitements à des militants, notamment en leur assénant des coups. Les autorités ont ordonné la fermeture de neuf églises chrétiennes.
Les forces de sécurité ont arrêté et détenu des milliers de migrant·e·s venus d’Afrique subsaharienne ; certaines de ces personnes ont été transférées de force dans l’extrême sud de l’Algérie, d’autres ont été expulsées vers d’autres pays.
Des organisations de défense des droits des femmes se sont mobilisées dans le cadre du Hirak et ont réclamé la fin de toutes les formes de violence liée au genre et l’abrogation du Code de la famille, qui est discriminatoire à l’égard des femmes dans les domaines de l’héritage, du mariage, du divorce, de la garde des enfants et de la tutelle. Les relations sexuelles entre personnes de même sexe étaient toujours passibles de sanctions pénales. Le droit de constituer des organisations syndicales était soumis à des restrictions injustifiées. Des condamnations à mort ont été prononcées; aucune exécution n’a eu lieu.
 
Contexte
En février a débuté le mouvement de contestation connu sous le nom de « Hirak » (qui signifie « mouvement » en arabe) : dans des villes de tout le pays, des millions d’Algériens et d’Algériennes ont participé à des manifestations, pacifiques dans l’immense majorité des cas, pour réclamer le départ de toutes les personnes liées au pouvoir en place. Après 20 ans au sommet de l’État, le président Abdelaziz Bouteflika a démissionné de ses fonctions le 2 avril. En mai, la police a arrêté des dizaines de hauts responsables politiques et de personnalités des milieux d’affaires sur la base de charges de corruption ; des condamnations à des peines d’emprisonnement ont été prononcées à partir de septembre.
 
En dépit d’une forte opposition de la part du mouvement de contestation, le président par intérim Abdelkader Bensalah a mis en place en juillet un groupe de six membres chargé de superviser un dialogue national ; en septembre, il a annoncé la tenue d’une élection présidentielle. Celle-ci a eu lieu le 12 décembre.
 
Dans une résolution sur la situation des libertés en Algérie adoptée en novembre, le Parlement européen a invité le Service européen pour l’Action extérieure, la Commission européenne et les États membres à soutenir les groupes de la société civile, les défenseur·e·s des droits humains, les journalistes et les manifestant·e·s, notamment par l’organisation de visites en prison et le suivi des procès.
 
Liberté d’expression, d’association et de réunion
Rompant avec l’interdiction de facto des manifestations dans la capitale, qui avait cours depuis 2001, les autorités ont autorisé pour l’essentiel la tenue des manifestations du Hirak tous les vendredis à Alger. À partir de la fin février, toutefois, les forces de sécurité ont fait usage à plusieurs reprises d’une force excessive ou injustifiée pour disperser des manifestants rassemblés pacifiquement dans la capitale ou dans d’autres villes ; elles ont ainsi utilisé des balles en caoutchouc, du gaz lacrymogène, des canons à eau et des matraques. Ramzi Yettou est mort à l’hôpital le 19 avril ; il avait été frappé par des policiers à coups de matraque une semaine plus tôt, alors qu’il rentrait chez lui après une manifestation. Les responsables de la sécurité ont régulièrement restreint l’accès à la capitale le vendredi, principalement en installant spécialement des points de contrôle de la gendarmerie et de la police et en menaçant d’immobiliser les véhicules, notamment les bus, pénétrant dans la ville et d’imposer des amendes aux conducteurs.
 
Des policiers et des gendarmes, bien souvent en civil, ont arrêté arbitrairement des centaines de personnes qui manifestaient pacifiquement, et dans de nombreux cas ont confisqué leur téléphone afin d’empêcher la diffusion d’informations sur les événements. À partir du mois de juin, plus de 100 manifestants et manifestantes ont été renvoyés devant les tribunaux pour répondre de charges liées à l’expression, pourtant pacifique, de points de vue sur le Hirak ou d’opinions exprimées pendant des manifestations. Des dizaines d’entre eux ont été condamnés à des peines de prison.
 
En juin et juillet, le ministère public a inculpé au moins 34 manifestants et manifestantes pacifiques d’« atteinte à l’intégrité du territoire national » pour la seule raison qu’ils détenaient ou avaient brandi un drapeau amazigh lors d’une manifestation. En octobre et novembre, les tribunaux ont condamné au moins 28 de ces personnes à des peines allant jusqu’à 18 mois de prison.
 
En septembre, 24 militants et militantes au moins ont été inculpés d’« incitation à un attroupement non armé » et d’«atteinte à l’intégrité du territoire national » simplement pour avoir pris part à des manifestations ou tenu des pancartes ou mis en ligne des photos de pancartes.
 
Le lancement de la campagne pour l’élection présidentielle, en novembre, a été marqué par la multiplication des arrestations par les forces de sécurité. Selon des organisations locales de défense des droits humains, 300 personnes au moins auraient été arrêtées pour la seule période allant du 17 au 24 novembre. En décembre, les autorités ont libéré au moins 13 militants pacifiques.
 
Les autorités ont interdit les activités de plusieurs associations, bien souvent pour des motifs liés aux manifestations organisées dans le cadre du Hirak. En août, les autorités locales de Tichy, dans le nord de l’Algérie, ont interdit la tenue d’une université d’été organisée par le Rassemblement actions jeunesse (RAJ), une association active depuis 1993 et qui coordonnait des activités liées aux manifestations du Hirak. Toujours en août, les autorités ont interdit une rencontre que des groupes politiques formant le Pacte de l’alternative démocratique avaient prévu de tenir à Alger afin de discuter de la situation politique du pays.
 
Au cours de l’année, au moins 10 journalistes algérien·ne·s qui couvraient les manifestations du Hirak ont été arrêtés, interrogés sur leur travail et détenus pendant quelques heures ; quatre journalistes étrangers ont également été interpellés, puis expulsés. Ahmed Benchemsi, directeur de la communication et du plaidoyer pour le Moyen-Orient à Human Rights Watch, a été arrêté le 9 août alors qu’il observait une manifestation à Alger. Il a été retenu pendant 10 heures, puis expulsé du pays 10 jours plus tard.
 
À partir du mois de juin, les autorités ont régulièrement coupé l’accès aux sites d’information indépendants Tout sur l’Algérie (TSA) et Algérie Part. Il s’agissait selon toute apparence de censurer les informations qu’ils communiquaient sur les manifestations.
 
Des défenseur·e·s des droits humains et des responsables politiques ont également été pris pour cible dans d’autres contextes.
 
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