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Fatiha Benabbou : « Ce n’est pas la transition qui peut donner une bonne Constitution »

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La spécialiste en droit constitutionnel Mme Fatiha Benabbou a estimé qu' »une période de transition peut déboucher sur une Constitution plus autoritaire que celle que nous avons ».

« Ce n’est pas la transition qui peut donner une bonne Constitution. Une Constituante, qui peut être composée de conservateurs, peut donner une Constitution beaucoup plus autoritaire et beaucoup plus conservatrice que celle que nous avons », a-t-elle indiqué dans un entretien au journal El Watan de ce mardi 7 janvier 2020.

Pour la constitutionnaliste « ce n’est pas la transition ou bien la Constituante qui donneront une Constitution démocratique. C’est une erreur fondamentale. Même à travers une révision de la Constitution, et si on charge des conservateurs pour la mettre en œuvre, on aura des régressions. Il s’agit de choisir des hommes qui sont convaincus de la démocratie et de l’Etat de droit ».

Interrogée sur les changements que pourrait apporter le président Tebboune qui a annoncé « un amendement profond de la Constitution », Mme Benabbou a estimé que « pour le moment, on ne doit pas parler de manière précipitée, parce que rien n’est encore visible », ajoutant que « toute Constitution doit être modifiée plutôt avec une main tremblante. C’est-à-dire, que toute modification de la Constitution doit être bien réfléchie, car toute révision peut aboutir à une grave crise politique et sociale. »

« Il ne faut pas croire que la révision de la Loi fondamentale est juste un mécanisme technique. Il y a des soubassements politiques et des effets politiques et sociaux qui doivent intervenir », a-t-elle expliqué, en mettant en garde contre « les apprentis sorciers, qui ont tendance à vouloir importer des mécanismes constitutionnels de pays occidentaux et développés, qui sont très à la mode, dont la séparation des pouvoirs ».

Elle a souligné qu' »aujourd’hui, le terme de séparation des pouvoirs est galvaudé et complètement dépassé. Tous les constitutionnalistes n’utilisent plus ce terme. » « On utilise beaucoup plus le terme d’équilibre des pouvoirs. Le fait de séparer le pouvoir peut être dangereux. Il y a des cas où cela a abouti à des coups d’Etat dans certains pays, dont la France », a précisé Mme Benabbou.

Insistant sur « le fait que toute révision de la Constitution doit tenir compte du milieu social et des pratiques politiques », la constitutionnaliste a expliqué qu' »il faut connaître les soubassements et les tréfonds de la société algérienne pour pouvoir mettre en place un mécanisme constitutionnel ».

« Il ne s’agit pas d’importer mais d’adapter ou de réadapter des mécanismes en fonction de notre société, qui est complètement différente des sociétés occidentales », a-t-elle dit.

A la question « M. Tebboune, qui s’était engagé à satisfaire les aspirations du hirak, a-t-il le droit à l’erreur, alors que la crise politique perdure ? », Benabbou a estimé que « l’erreur est humaine » et que « l’essentiel est qu’elle soit de bonne foi. En droit, on privilégie la question de la bonne foi. Il ne faut pas condamner quelqu’un sans lui avoir donné sa chance. »

« Il faudrait que le hirak formalise à quel type de démocratie il aspire, sachant que l’actuelle démocratie représentative est remise en cause dans le monde occidental », a-t-elle dit, ajoutant que « le hirak ne doit pas rester dans des idées très générales. »Selon elle, le hirak doit « pouvoir formaliser des demandes politiques précises et adaptées au milieu, et non des décisions politiques inadaptées, parce que le peuple ne pourra pas les appliquer, car contraires à sa culture, à sa religion et à ses convictions les plus intimes. Ce n’est pas aussi simple qu’on le croit. La démocratie n’est pas un produit clé en main qu’on ramène et qu’on plaque dans une réalité qui est tout autre », a-t-elle conclu.

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