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L’économie bleue, un potentiel africain gigantesque

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A l’ère d’une diversification de leurs sources de financement, les pays africains cherchent de nouvelles alternatives pour développer des économies plus durables, fortes et résilientes. Pour de nombreux experts, l’une de ces alternatives est « l’économie bleue » pour laquelle l’Afrique dispose d’un potentiel gigantesque.

L’économie bleue désigne l’ensemble les activités économiques basées sur les milieux marins et les eaux douces. D’après la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), elle comprend « les océans et les mers, les rivages et les berges, les lacs, les cours d’eau et les nappes souterraines. Elle embrasse un éventail d’activités, directes ou dérivées, qui vont de la pêche à l’exploitation minière sous-marine en passant par l’aquaculture, le tourisme, les transports, la construction navale, l’énergie ou la bioprospection ».

A l’échelle mondiale, l’économie maritime occupe une place prépondérante. Les océans, les mers et les cours d’eau sont une source de richesses essentielle, qui procure des milliers de milliards de dollars de biens et de services, tout en générant des millions d’emplois. La FAO estime, par exemple, que le poisson apporte à 4,2 milliards d’individus plus de 15 % des protéines animales qu’ils consomment. De plus, 90% des marchandises du commerce mondial sont transportées par voie maritime. Selon un rapport de la CEA, on estimait, en 2010, à 1500 milliards d’euros, le chiffre d’affaires des activités liées au monde de la mer, un chiffre prévu pour atteindre les 2500 milliards, d’ici 2020.

L’Afrique est particulièrement bien placée pour bénéficier des retombées positives de l’économie bleue. 38 des 54 pays africains sont des Etats côtiers. Sur le continent, ce sont principalement les activités de transport et de pêche qui alimentent l’économie bleue. On estime que 90% des importations et exportations africaines transitent par la mer.  Les poissons de mer et d’eau douce sont un apport vital à la sécurité alimentaire et nutritionnelle de plus de 200 millions d’Africains, tandis que la pêche fournit un revenu à plus de dix millions d’entre eux. Mais ces secteurs, sources d’importantes devises pour les Etats africains, font face à des obstacles qui les empêchent d’atteindre leur plein potentiel.

La pêche illégale, premier obstacle pour l’économie bleue africaine : Selon la FAO, le secteur de la pêche a généré en 2011 une valeur ajoutée de plus de 24 milliards $ soit 1,26% du produit intérieur brut (PIB) de l’ensemble des pays africains. Pourtant, de nombreux rapports semblent démontrer que ce chiffre est loin du potentiel du secteur, notamment en raison de la pêche illégale. A l’échelle mondiale, ce phénomène toucherait un cinquième des prises halieutiques globales.

D’après les experts, l’Afrique de l’Ouest, l’une des régions les plus poissonneuses du monde, est également l’une des plus touchées par le phénomène. Un rapport de l’Overseas Development Institute (ODI), estime que les ressources halieutiques côtières de l’Afrique de l’Ouest sont exploitées bien au-delà des limites de l’utilisation durable, en partie à cause de la pêche illégale. Plus de 50% des ressources halieutiques de la zone côtière allant du Sénégal au Nigeria ont déjà été surexploitées et on estime que la pêche illégale représente entre un tiers et la moitié des prises régionales totales.

Selon l’Africa Progress Panel, la pêche illégale fait perdre à l’Afrique de l’Ouest 1,3 milliard de dollars par an. De plus, ce chiffre varie considérablement selon les économies de la région.

En 2012, la pêche illégale faisait perdre 300 millions $ au Sénégal, soit 2% de son PIB. En Guinée on estime que ces pertes s’élèvent à 110 millions $ par an et à 29 millions $ en Sierra Leone. Dans d’autres régions du continent, on observe des pertes économiques similaires. Au Mozambique, par exemple, ce sont 57 millions $ que le pays perd chaque année. Cette pêche illégale est généralement attribuée aux navires étrangers, issus de pays pratiquant la pêche en eaux lointaines, tels que la Chine.

En plus de menacer l’écosystème halieutique du continent et de faire perdre des millions de dollars de recettes publiques à ses Etats, la pêche illégale représente une menace pour des milliers d’emplois sur le continent. L’ODI estime qu’environ 360 000 nouveaux emplois pourraient être créés dans les industries locales de la pêche et de la transformation en Afrique de l’Ouest si les méthodes de pêches utilisées dans la région (généralement illégales) laissaient place à une gestion durable des ressources halieutiques. Une situation qui pourrait contribuer à la réduction de la pauvreté et du chômage.

Le défi de la piraterie maritime : L’Afrique est devenue au fil des ans l’un des principaux centres névralgiques de la piraterie maritime mondiale. Au début des années 2000, ce phénomène s’est essentiellement concentré dans la partie orientale du continent, notamment dans la corne de l’Afrique, où des cargos et des navires de plaisance étaient régulièrement attaqués. 

D’après la Banque mondiale, entre 339 et 413 millions $ de gains ont été obtenus par les pirates de la corne de l’Afrique sous la forme de rançons entre 2005 et 2012. Si aujourd’hui, les attaques dans la région ont considérablement diminué, en raison des nombreux navires de guerre qui sillonnent ses eaux, le problème semble désormais s’être déplacé… plus à l’ouest. D’après le Bureau maritime international (BMI), les eaux du golfe de Guinée sont aujourd’hui les plus dangereuses au monde. D’après Dominic Nitiwul, ministre ghanéen de la Défense, la piraterie en Afrique de l’Ouest est « une menace pour tous les pays ». Au total, 73 % des enlèvements et 92 % des prises d’otages en mer recensés par le BMI ont lieu dans cette zone, notamment au large du Nigeria, de la Guinée, du Togo, du Bénin et du Cameroun. A titre illustratif, début novembre, neuf marins philippins étaient enlevés par des pirates au port de Cotonou, au Bénin. Quelques jours plus tard, quatre marins d’un équipage pétrolier grec étaient enlevés au large du Togo.

Les navires généralement ciblés dans la région ouest-africaine sont des tankers, transportant l’or noir, un produit dont de nombreux pays de la région sont de grands producteurs. Ces détournements de navires génèrent d’énormes flux financiers illicites qui échappent au contrôle des Etats. Pour le Nigeria seul, l’institut de recherche anglais Chatham House estime à 1 milliard de dollars par an les pertes engendrées par les actes de piraterie.

Des efforts de développement et d’intégration menacés : La pêche illégale et la piraterie maritime, même si elles ne sont pas directement liées, causent d’énormes dégâts à l’économie bleue africaine, privant les Etats d’une manne financière importante. La pêche illégale menace directement des milliers d’emplois et l’écosystème maritime africain, tandis que la piraterie maritime crée une insécurité dans les eaux du continent, entravant les échanges et rendant difficile le développement de projets de tourisme maritime et côtier. De plus, ces activités pourraient s’avérer préjudiciables pour la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), qui prend également en compte les échanges maritimes entre les pays africains. Une situation d’autant plus catastrophique, lorsqu’on sait que plus de 90% des échanges de marchandises du continent se font par voie maritime. « Les menaces à la sécurité et à la sûreté maritimes transcendent les frontières et affectent le commerce international. Une menace pour un pays côtier est une menace pour tous les pays, côtiers ou enclavés […] La mer est l’autoroute du commerce mondial et la volonté de l’Afrique [de créer] une zone de libre-échange continentale ne peut aboutir sans un domaine maritime sécurisé », déclarait à cet effet Dominic Nitiwul, cité par le journal Le Monde.

Une prise de conscience générale : Si les politiques laxistes des Etats africains ont souvent été pointées du doigt comme les principales causes de l’expansion de ces deux fléaux, les habitudes ont commencé à changer. On observe de plus en plus d’initiatives de la part des Etats africains, pour lutter contre ces deux maux de l’économie bleue africaine. De nombreuses rencontres internationales ont été organisées, ces dernières années, pour permettre aux Etats de se pencher sur ces deux problèmes afin d’adopter des mesures adéquates. Début 2017, le gouvernement nigérian a ainsi introduit une loi visant à lutter contre les actes de pirateries et autres violations maritimes dans le pays. L’organisation depuis quelques années du sommet G7++ du groupe des « amis du golfe de Guinée » permet notamment aux pays ouest-africains d’améliorer leurs réponses collectives aux menaces qui pèsent sur l’économie bleue de la région.

Ces initiatives concertées, qui font également appel à la coopération avec les pays occidentaux, semblent d’ailleurs porter des fruits. D’après le BMI, malgré leur nombre toujours aussi élevé, les attaques de pirates maritimes en Afrique de l’Ouest semblent en « nette diminution », en raison de la mobilisation d’un plus grand nombre de navires militaires. Le Nigeria, premier producteur de pétrole d’Afrique, a par exemple fait état de quatorze attaques de pirates au premier trimestre de cette année, contre vingt-deux pour la même période en 2018. Des résultats qui offrent de l’espoir pour l’avenir de l’économie bleue du continent, qualifiée par l’Union africaine de « nouvelle frontière de la renaissance de l’Afrique ».

Ecofin

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