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Me Bouchachi : « le système en place veut aller vers des élections avec des procédés en violation de la loi »

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L’avocat et militant des droits de l’Homme, Me Mostefa Bouchachi, est revenu, dans un entretien accordé au journal El Watan, sur la vague d’arrestations parmi les manifestants et les militants politiques, estimant que « le pays glisse progressivement vers une situation de non-droit » et que « la situation est inquiétante » et « le système en place veut aller vers des élections avec des procédés en violation de la loi. »

« Je pense que le pays glisse progressivement vers une situation de non-droit. Samir Belarbi aurait pu être convoqué au lieu d’être arrêté de manière brutale dans la rue. Il faut savoir que ses avocats n’ont pas été informés de la date de l’audience de la chambre d’accusation, qui a décidé de son maintien en détention en l’absence de sa défense », a indiqué Me Bouchachi.

Selon lui  » à des exceptions près, tous les manifestants arrêtés et déférés devant le tribunal ont été renvoyés devant le juge d’instruction qui les a placés en détention. Or, ils ont été arrêtés lors des manifestations pour «attroupement non autorisé» ou «port du drapeau Amazigh» », expliquant que, « de ce fait, ils auraient dû faire l’objet d’une procédure de flagrant délit et être jugés sur place et non pas faire l’objet d’une instruction pour les maintenir plus longtemps en détention. »

« Il y a d’autres procédures qui évitent aux mis en cause la prison. Pourquoi a-t-on privilégié la détention, qui est une mesure exceptionnelle ? », s’est-il interrogé, précisant que « les griefs pour lesquels ils sont poursuivis (les manifestants arrêtés et militants politiques, ndlr) ne méritent même pas la prison. »

« Mais on a fait en sorte de les garder en détention et, à ce jour, l’instruction n’a toujours pas commencé. Nous sommes face à une grave dérive. Ces procédés n’honorent nullement le pays et ne peuvent en aucun cas apaiser les esprits ou aider à faire sortir l’Algérie de la crise. Ce n’est pas de cette façon que le pouvoir va convaincre les récalcitrants à aller aux urnes. Bien au contraire. Il ne fera que renforcer leur opposition au scrutin », a estimé Me Bouchachi.

Me Bouchachi a dénoncé une violation de la procédure pénale concernant les arrestations, notamment, en ce qui concerne les militants politiques interpellés devant leur domicile, estimant qu’il aurait suffit de leur envoyer une convocation pour les entendre.

« Il est vrai que le cas de Karim Tabbou n’est pas isolé. Il y a eu Lakhdar Bouregaâ, Salim Belarbi, Fodil Boumala, pour ne citer que ceux-là. Tous ont été arrêtés presque dans les mêmes conditions. Des gens en civil qui arrêtent des personnes sans que leurs familles n’en soient informées. Si on leur reproche des faits, n’est-il pas plus correct de leur envoyer des convocations pour les entendre ? Les membres de la îssaba (la bande) sont venus à bord de leurs véhicules à la Cour suprême après avoir été convoqués, alors que les militants politiques font l’objet d’arrestation en violation de la loi. Fodil Boumala a été arrêté le soir au bas de son domicile… », a relevé l’avocat.

Arrestations de militants : « Nous sommes devant une violation du code de procédure pénale »

« Nous sommes devant une violation du code de procédure pénale. Une simple convocation aurait suffi », a-t-il dit. « Il en est de même pour Karim Tabbou. Il venait d’être mis en liberté conditionnelle et, quelques heures après, des agents en civil se présentent à 8h30 pour l’emmener vers une destination inconnue. Vingt-quatre heures après, nous n’avions pas pu déterminer où il se trouvait. Pendant ce temps, imaginez dans quel état était sa famille. Il y a eu violation de l’article 51 du code de procédure pénale, qui donne droit aux personnes arrêtées d’informer leurs familles ou leurs avocats de l’endroit où elles sont et pourquoi elles sont arrêtés », a expliqué Me Bouchachi.

Pour savoir où se trouvait Karim Tabbou en détention provisoire à la prison d’El Harrach, Me Bouchachi qui a eu connaissance de sa comparution devant le tribunal que dans la matinée de vendredi dernier, a dû « faire la tournée des tribunaux de Koléa, puis de Bir Mourad Raïs, puis celui de Sidi M’hamed, pour que je sois informé qu’il a comparu, jeudi soir, devant cette juridiction », a-t-il dit, ajoutant que Tabbou lui a affirmé qu’il n’était au courant de rien. L’avocat a dit également qu’il « ne connais pas les griefs », ce qui est anormal, a-t-il ajouté.

Selon Me Bouchachi, « légalement, la police judiciaire aurait dû informer le parquet de Koléa », et ce dernier ainsi que la famille de Tabbou « auraient dû être informés de ce qui lui est arrivé et surtout où il était et pour quelle affaire il a été arrêté. Il est impératif que la justice intervienne. »

« Je suis peiné par ce qui arrive à l’Algérie »

Pour Me Bouchachi les arrestations de militants du Hirak et politiques  » ces arrestations ont eu lieu dans les mêmes conditions », en donnant l’exemple des deux jeunes militants du RAJ  arrêtés dans un café à Alger Centre.

« Je considère ces pratiques comme une violation de la loi. Cela n’honore ni le pays ni la justice. On prétend vouloir aller vers des élections pour une démocratie, mais ces procédés n’inspirent pas confiance et ne cadrent pas avec cette volonté affichée d’aller vers un Etat de droit. Je suis peiné par ce qui arrive à l’Algérie », a regretté Me Bouchachi.

Et d’ajouter : « C’est dommage que dans un pays qui a fait une révolution pacifique exemplaire, des procédés que l’on croyait révolus reviennent et soient utilisés contre des personnes qui n’ont ni volé ni tué, pour être arrêtées et emprisonnées. Il faut que la justice réagisse et mette un terme à ces dérives. »

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