Accueilla deuxRéforme bancaire : pas avant que l’Algérie ait un gouvernement légitime

Réforme bancaire : pas avant que l’Algérie ait un gouvernement légitime

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Le développement et la modernisation du secteur bancaire algérien, fut au centre des discussions du Think Tank Care qui s’est réuni le mercredi 25 septembre 2019 à l’hôtel Sofitel d’Alger, en présence d’un nombreux auditoire, principalement composé d’acteurs économique et financiers, de diplomates et journalistes.

Trois personnalités ont composé le panel d’intervenants, en l’occurrence, messieurs Rachid Sekak, conseiller émérite pour le secteur financier, Mohamed Krim ex Pdg de la BDL et  Mohamed Nazim Bessaih, directeur du centre d’affaires corporate de la SG. Riches en détails et en points de vue d’un expert qui a beaucoup pratiqué le métier de banquier et d’expert en finances, l’exposé de monsieur Rachid Sekak fut le plus remarqué et le plus sujet à débats d’un niveau très élevé.

On retient de son brillant exposé, qu’il y avait une réelle volonté de réformer le secteur bancaire au tout début des année 90 et que l’un des actes majeurs de cette réforme fut la promulgation en 1991 de la loi sur la monnaie et le crédit, qui donna à la Banque d’Algérie l’autonomie et le pouvoir de revoir de fond en comble,le mode d’organisation et de gestion d’un réseau bancaire essentiellement public, sclérosé par plusieurs décennies d’économie dirigée. Le renversement du gouvernement réformateur de Mouloud Hamrouche, au lendemain de la promulgation de cette ordonnance, allait ouvrir la voie à une série de modifications qui videront ce texte fondamental de sa portée, ses objectifs et de sa cohérence. Après toutes les triturations que les différents gouvernements lui avaient subir, cette loi fondamentale ne comporte désormais plus de dispositions susceptibles d’apporter des changements profonds au mode de gestion du secteur bancaire, retombé sous le régime de la tutelle gouvernementale.

Depuis le troisième mandat du président déchu Abdelaziz Bouteflika, le métier de banquier n’a cessé de se dévaloriser pour se mettre au service des autorités politiques et des oligarques. La consistance des recettes d’hydrocarbures qui avaient caché quelques temps les tares structurelles de nos banques, les mettra en évidence dès que cette manne déclinera sous l’effet de la chute brutale du prix du baril de pétrole. Leurs  liquidités s’en ressentiront et l’inadéquation de leur mode de gestion bureaucratique et rentier, engendrera une véritable paralysie pour les uns et une dérive clientélaire pour les autres. Toute la problématique consiste aujourd’hui à savoir s’il sera possible de réformer, dans les conditions actuelles, ce secteur qui a sombré dans la routine et l’inaptitude à gérer selon les règles universelles, des portefeuilles d’entreprises et une multitude de produits bancaires.

Pour Rachid Sekak, beaucoup d’insuffisance caractérisent se secteur qui a stoppé sa réforme au milieu du gué et entrepris, dés le départ des réformateurs en 1991, des reculades allant à contre courant des ajustements et changements systémiques souhaités. Contraintes par des formalités de plus en plus exigeantes, les banques éprouveront à titre d’exemple, d’énormes difficultés à étendre leurs réseaux d’agences, ce qui fait que l’Algérie dispose aujourd’hui du réseau bancaire le plus faible du bassin méditerranéen. L’omniprésence de l’Etat à tous les niveaux de l’activité bancaire (propriétaire exclusif des banques publiques, de la clientèle majoritairement étatique et de la régulation) érigera, par ailleurs, les banques en véritables monopoles qui se suffisent à eux-mêmes et ne voient pas l’utilité de se réformer en vue de meilleures performances. La routine sclérosante s’est ainsi installée pour leur grand malheur et celui de leurs clients.

Face à autant de difficultés la réforme bancaire paraît bien difficile, voire même impossible, à moins que l’Etat et la Banque Centrale, réhabilités dans leurs prérogatives, ne « secouent le cocotier », ce qui n’est pas évident dans le contexte de non décision, que traverse l’Algérie.

Mais, si cela pouvait, on ne sait par quel miracle, advenir monsieur Rachid Sekkak recommande de commencer, d’abord et avant tout, par définir la stratégie à appliquer et communiquer au plus large publique, les éléments fondamentaux de cette stratégie. Une réforme de cette envergure ne saurait se faire en catimini tient-il à souligner. Elle doit absolument être comprise par tous les acteurs concernés et, autant que possible, faire consensus sur sa nécessité, son contenu et les urgences. Des questions aussi fondamentales que la privatisation des banques publiques, l’abrogation ou pas, de la formule du 49/51 devra être tranchée, la question fondamentale de l’indépendance de la Banque d’Algérie ne doit souffrir d’aucune équivoque, les injonctions externes doivent être définitivement bannies, les banques publiques doivent rapidement s’internationaliser et le contrôle des changes supprimé ou à la limite fortement assoupli, recommande Rachid Sekak, qui évoque, également et à juste titre, le recours aux nouvelles technologies et aux applications innovantes que la législation évitera, comme c’est aujourd’hui le cas, de brimer par une réglementation archaïque et liberticide.

En matière de gouvernance des banques publiques, Rachid Sekak soulève une question fondamentale qui devra rapidement être tranchée, si on souhaite que nos banques améliorent leur management global et évite, autant que possible, les malversations. Il s’agit on l’a compris, des Conseils d’Administrations aujourd’hui composés uniquement de fonctionnaires qui, bien souvent, ne connaissent pas grand-chose au métier de banque. Il recommande de laisser place à des administrateurs professionnels hautement qualifiés et indépendants, comme cela se pratique dans pratiquent toutes les banques du monde.

Rachid Sekkak soulève enfin un problème épineux qui mine, aujourd’hui plus que jamais, l’essor du secteur bancaire algérien. Il s’agit de la Justice qui ne dispose pas de la compétence requise pour comprendre et rendre des jugements appropriés sur des questions aussi complexes que la gestion des sociétés par actions régies par le code commerce, qui prévoit des dispositions précises et spécifiques en cas de faillites, de poursuite d’activité, d’attitude à tenir en d’incarcération d’un ou plusieurs actionnaires d’une société, de recouvrement de créances etc.

Autant de clarifications qu’il faudra nécessairement apporter comme préalable à toute tentative de réforme du secteur bancaire algérien. Une réforme majeure qu’il faudra impérativement mettre en œuvre au plutôt mais, précise Rachid Sekak, pas avant que l’Algérie ne se dote d’un gouvernement légitime et reconnu.

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