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Le piège du scrutin présidentiel précipité

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Depuis l’échec de la tentative d’appel aux urnes du 4 juillet 2019, mais plus encore, depuis la fin du mandat de chef d’État par intérim dévolu à Abdelkader Bensalah, le chef d’état major de l’armée, véritable détenteur du pouvoir en Algérie, n’arrête pas de sommer les algériens à élire le plus tôt possible le prochain président de la république. C’est à ce dernier que reviendraient, selon lui, les prérogatives de mise en œuvre des réformes réclamées par le hirak, à commencer par la formation d’un nouveau gouvernement, la refonte de la constitution et la poursuite des actions judiciaires à l’encontre des auteurs de corruption ayant sévis sous le long règne des Bouteflika.

Ces justifications qui mettent en avant l’intérêt suprême de la nation, cachent en réalité un stratagème visant tout simplement à sortir le système politique actuel de l’impasse dans laquelle l’a fourvoyé la révolution du 22 février 2019. Pour ceux qui sont derrière la manœuvre, il s’agit de prendre de vitesse ce mouvement insurrectionnel qui exige depuis prés de sept mois le départ de tous les dirigeants qui avaient soutenus de prés ou loin le président déchu, pour pouvoir enfin instaurer un nouveau mode de gouvernance confié à de nouvelles et jeunes élites.

Il faut en effet savoir que la loi électorale en vigueur n’exige pas un nombre précis de votants pour valider un scrutin et si Ahmed Gaid Salah parvenait par la persuasion ou par la force à organiser, comme il ne cesse de le marteler, l’élection présidentielle dans les six mois à venir, il faudra bien se rendre à l’évidence que ce scrutin sera validé sans état d’âme, même si plus de 90% des algériens l’auraient boycotté.

Les médias, les partis à la solde du pouvoir et certains lobbies d’ici et de l’étranger, entameront à grands renforts médiatiques, des festivités dès l’annonce des résultats. Les capitales étrangères, pressées de voir l’Algérie enfin « stabilisée » se dépêcheront, comme elles l’avaient toujours fait, de féliciter le nouveau chef d’État algérien légalement élu, au regard de la loi électorale en vigueur dans le pays. C’est ainsi que cela s’est toujours passé en Algérie depuis l’arrivée d’Abdelaziz Bouteflika en 1999, réélu à quatre reprises, en dépit de très forts taux d’abstention. Le nombre moyen de votants durant ces quatre scrutins qui ont fait élire et réélire ce chef d’État déchu, n’a en effet jamais dépassé 20% de la masse des électeurs, avaient souvent déplorés de nombreux observateurs algériens et étrangers.

Et c’est précisément ce piège que veut tendre l’état major de l’armée aux algériens. Une ruse consistant précipiter l’organisation de la prochaine présidentielle dans le but de pousser les citoyens à boycotter ce scrutin joué d’avance. Un boycott qui lui permettra de faire élire au moyens des suffrages des corps constitués (ANP, police, fonctionnaires etc.) et de quelques soutiens civils (FLN,RND,UGTA, organisations satellisées, électeurs fictifs tirés  du fichier électoral truqué etc.), le candidat de son choix. Les noms de Benflis et Tebboun, sont les plus souvent cités par la presse en tant que candidats cooptés.

Il y aura, bien entendu, comme à chaque élection présidentielle, des lièvres qu’on lancera dans la course pour donner au scrutin une certaine respectabilité, notamment vos à vis de l’étranger. Les noms pourraient même être cités d’avance du fait qu’ils n’ont jamais raté de se porter candidats à toutes les élections passées. Au lendemain de l’annonce des résultats, on prévoira même quelques légers troubles sociaux que les forces de l’ordre n’éprouveront pas de difficulté à contenir. La vie ne tardera pas à reprendre son cours normal, même si une certaine amertume collective restera à jamais gravée dans la mémoire des algériens, qui n’en sont malheureusement pas à leur première déception.

Nous n’en sommes heureusement pas encore là et les chances que la révolution du 22 février fasse basculer le rapport de force en sa faveur sont encore grandes. Pour ce faire Hirak devra maintenir sa mobilisation intacte à travers tout le territoire national, en veillant toutefois à adapter ses modes de lutte aux objectifs de l’adversaire doté, comme on le sait, de toute une logistique destinée à contrer cette révolution qui menace directement ses intérêts et des privilèges.

Le Hirak dispose d’un atout majeur celui de mobiliser des millions d’algériens tous unis pour réclamer ce que la constitution leur reconnaît comme des droits. Droit de décider souverainement de son destin politique (articles 7 et 8), droit d’organiser à sa guise le prochain scrutin présidentiel, droit de choisir le prochain chef d’État à la faveur d’un scrutin honnête et transparent et, enfin, droit de confectionner une nouvelle constitution qui garantisse un bon équilibre des pouvoirs et l’État de droit.

En cas où l’état major de l’armée le contraindrait à élire dans la précipitation le futur président, les algériens n’auront donc pas intérêt à trouver la parade dans le boycott du scrutin, mais dans d’autres formes de luttes qui pourraient prendre la forme d’obstruction des bureaux de vote, de retrait des maires et des magistrats du processus électoral, comme cela fut le cas, pour le scrutin avorté du 4 juillet 2019 ou, même si cela sera difficile à réaliser, dans la désignation d’un candidat unique du Hirak. Dans ce dernier cas de figures, les algériens iront massivement aux urnes, en se permettant même de surveiller activement le bon déroulement du vote, tant ils seront nombreux et présents dans tous les bureaux de vote du pays.

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