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Langue française en Algérie : le CERMF condamne une dangereuse dérive anti-francophone et in fine anti-algérienne

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Ilyes Zouari, Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone) a réagi, ce mardi 23 juillet 2019, à la polémique provoquée par le ministre de l’enseignement supérieur Tayeb Bouzid concernant son projet de remplacer le français par l’anglais au sein des universités algériennes.

Dans un communiqué diffusé sur son site web, le CERMF condamne « une dangereuse dérive anti-francophone et in fine anti-algérienne ».

Voici le communiqué

Le CERMF condamne les propos anti-francophones de certains responsables politiques algériens, et notamment ceux récemment tenus à la suite du lancement surprise d’un pseudo-sondage, ne respectant pas les règles élémentaires en la matière, sur la place du français à l’université. Le tout, dans une période cruciale de l’histoire de ce grand pays arabo-berbèro-francophone frère, qui a surtout besoin de réformes courageuses et profondes de son modèle économique, ainsi que d’une redéfinition de ses priorités en matière de politique étrangère.

Si l’apprentissage de différentes langues étrangères est toujours souhaitable, nous rappelons que la remise en cause, ouvertement voulue par certains responsables politiques, du statut de première langue étrangère accordé au français en Algérie, et donc du caractère francophone du pays, est de nature à nuire gravement aux intérêts supérieurs de celui-ci et du peuple algérien. Et ce :

– en coupant l’Algérie de son environnement immédiat, à savoir le reste du Maghreb et plus globalement l’Afrique francophone, vaste ensemble en plein essor économique et démographique, et présentant de nombreuses opportunités.

– en éloignant l’Algérie de ses alliés traditionnels et historiques, par une érosion progressive mais certaine des relations amicales, voire fraternelles, liant historiquement le pays à d’autres ayant aussi le français en partage, au nord comme au sud du Monde francophone. Des relations particulièrement étroites qu’il serait impossible de rebâtir avec d’autres pays et puissances géographiquement plus lointaines, et non liées à l’Algérie par une histoire commune.

– en rapprochant l’Algérie, lentement mais sûrement et au détriment de son appartenance maghrébine, des pays « arabo-anglophones » du Moyen-Orient, de leurs codes culturels, mais aussi, in fine, de leur principal allié occidental et de sa politique étrangère, souvent injuste et source de désordre, et sur laquelle finirait par s’aligner en grande partie l’Algérie, tôt ou tard.

– et enfin, en éloignant l’Algérie de la grande partie de sa diaspora vivant dans des pays francophones.

Par ailleurs, Le CERMF rappelle avec force, études à l’appui et face à une propagande mensongère et assez régulière, que le français n’a jamais été un frein au développement d’un pays l’ayant en partage, du moment que celui-ci décide de mener une politique efficace et de s’engager sur la voie de la bonne gouvernance. En effet, la langue française, aux nombreux atouts, est notamment :

– celle de la partie la plus dynamique du continent africain, à savoir l’Afrique francophone. Un vaste ensemble, plus de trois fois plus étendu que l’Union européenne tout entière (1), rassemblant 25 pays et désormais plus de 420 millions d’habitants (2), et qui devrait dépasser les 800 millions d’habitants en 2050. Un grand espace, dont la partie francophone subsaharienne constitue le moteur de la croissance africaine, ayant enregistré en 2018, pour la cinquième année consécutive et pour la sixième fois en sept ans, les meilleures performances économiques du continent, avec une croissance globale de 3,9 % (4,6 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale), contre 2,2 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Un dynamisme particulièrement perceptible dans les pays de la zone UEMOA, limitrophe de l’Algérie et qui forme la plus vaste zone de forte croissance du continent (6,4 % en 2018, et 6,3 % en moyenne annuelle sur la période septennale 2012-2018). Enfin, l’Afrique francophone subsaharienne est également la partie la moins endettée au sud du Sahara, comme en atteste le fait que seuls deux pays francophones font aujourd’hui partie des dix pays subsahariens les plus endettés (selon les dernières données du FMI, publiées en avril 2019).

– la langue de la vaste et dynamique province du Québec, haut lieu de la créativité et de la haute technologie, et qui affiche notamment un taux de chômage régulièrement inférieur à celui du reste anglophone du canada (4,9 % en juin 2019, contre 5,6 %), et dont la capitale politique, Québec, est la ville ayant le taux de chômage le plus bas du pays (2,4 % en juin 2019 !). Le Québec, troisième pôle mondial pour l’aéronautique et l’industrie du jeu vidéo, quatrième pôle mondial pour le secteur des effets spéciaux cinématographiques, et qui est également la terre du groupe Bombardier (numéro un mondial de la construction ferroviaire et numéro quatre de la construction aéronautique), de la SNC-Lavalin (un des leaders mondiaux de l’ingénierie et de la construction, avec plus de 51 000 employés à travers le monde), ou encore du Cirque du Soleil, entreprise mondialement connue et première dans son domaine avec ses près de 4 000 salariés. Une grande province dont la capitale économique, Montréal, a notamment été élue meilleure ville étudiante au monde en 2017 par le classement international QS Best Student Cities (établi par le cabinet britannique Quacquarelli Symonds), et où les cours universitaires sont toujours essentiellement prodigués en langue française.

– et la langue de la France, deuxième puissance mondiale après les États-Unis, en combinant l’ensemble des critères de puissance : économie, capacités militaires, poids géopolitique, influence culturelle, ou encore la géographie (grâce notamment à son territoire maritime, le deuxième plus vaste du globe, grand comme plus de quatre fois l’Algérie et réparti sur trois océans). Un grand pays ami et proche de l’Algérie, mais aussi un grand marché et débouché potentiel pour celle-ci, mais qui demeure, tout comme l’Afrique francophone, presque totalement inexploré et inexploité par une Algérie toujours presque incapable d’exporter autre chose que ses hydrocarbures, contrairement à ces deux voisins du Maghreb (même s’il convient de saluer les progrès réalisés en vue d’atteindre, au moins, l’autosuffisance dans un certain nombre de domaines).

Le CERMF appelle donc les autorités algériennes à mobiliser les nombreuses énergies et compétences du pays dans le seul et unique but d’en résoudre les véritables problèmes. Et ce, en réorientant des pans entiers de sa politique économique et étrangère, et en œuvrant donc en particulier :

– à la mise en place d’un environnement juridique, réglementaire, administratif et fiscal favorable aux investissements et à la création d’emploi. Pour rappel, l’Algérie a été classée, fin 2018, à la 157e place dans le dernier classement international et annuel de la Banque mondiale en matière de climat des affaires, arrivant ainsi bien loin derrière le Maroc (60e et deuxième pays arabe, après les Émirats arabes unis) et la Tunisie (80e, et cinquième pays arabe), et faisant presque aussi mal que le Soudan (162e place pour ce pays, au passage arabo-anglophone et moins développé que l’Algérie).

– à prendre les mesures nécessaires à l’émergence d’une économie compétitive, capable d’exporter et de tirer profit, notamment, des importants débouchés que représentent les proches marchés européens, dont ceux des pays francophones amis.

– à renforcer les liens avec la vaste Afrique subsaharienne francophone afin de bénéficier pleinement du dynamisme de cet ensemble et des grandes opportunités qui s’y présentent, et ce, en s’inspirant notamment de la politique volontariste menée par le Maroc depuis plusieurs années. Il convient de rappeler, à titre d’exemple, que les agences bancaires marocaines implantées dans cet espace sont désormais plus de deux fois plus nombreuses que les agences françaises, alors que les établissements financiers algériens brillent par leur absence. Un important et regrettable écart entre ces deux pays frères du Maghreb qui peut également être constaté au niveau de la densité du trafic aérien, avec non moins de 24 pays subsahariens desservis début 2019 par Royal Air Maroc, devenu un des acteurs majeurs du transport aérien an Afrique, contre seulement six pour Air Algérie…

– et enfin, à mettre un terme de manière courageuse et définitive au long et très dommageable contentieux qui oppose le pays au Maroc sur la question du Sahara occidental. Une entité montée de toutes pièces, sans aucun fondement historique, culturel, démographique ou encore géographique, et que même les anciennes puissances coloniales n’avaient osé créer, tant l’idée leur paraissait absurde. La relance sérieuse – qui s’en suivrait – du projet de construction de l’Union du Maghreb arabe (UMA) doit ainsi être placée au rang des priorités de la politique étrangère de cette « nouvelle Algérie », voulue et réclamée avec force par la population du pays.

Il est désormais temps de tourner cette longue page de l’histoire algérienne, marquée par des responsables politiques ne plaçant pas toujours l’intérêt supérieur du pays au sommet de leur priorités, et faisant régulièrement diversion afin d’éviter d’avoir à traiter ses véritables difficultés.

Ilyes Zouari

Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone)

https://www.cermf.org/communiques

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