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Les juristes partagés sur les peines encourues par les anciens responsables arrêtés et la récupération de l’argent volé

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Les avis des juristes sont mitigés sur les procédures légales relatives aux poursuites judiciaires en cours au niveau de la cour suprême, lancées à l’encontre d’anciens responsables gouvernementaux et les peines encourues, si les charges retenues contre eux sont établies, ainsi que sur la possibilité de récupérer les deniers publics dilapidés, d’autant que l’Etat « est décidé à poursuivre l’œuvre d’assainissement », a rapporté l’agence officielle qui a interrogé trois avocats.

Dans le cadre de l’instruction ouverte au niveau de la Cour suprême, l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia et d’autres responsables sont poursuivis pour plusieurs chefs d’accusation liés principalement à l’octroi d’indus avantages à autrui, au titre de l’octroi de marchés publics et de contrats, conformément à l’article  26, alinéa 1 de la loi 01-06 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, dilapidation de deniers publics, conformément à l’article 29 de la même loi, abus de fonction, conformément à l’article 33 de ladite loi et conflit d’intérêts, conformément à l’article 34 du même texte de loi.

Cumul ou confusion des peines, Possibilité de récupérer légalement les deniers dilapidés

Pour l’avocat Mohcen Amara, la loi n 01-06 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption « a été élaborée selon les normes internationales, ne laissant, aux criminels, aucun moyen d’échapper à la peine prononcée ».

« Le législateur s’est focalisé dans cette loi sur les modalités à même d’assurer la récupération des fonds dilapidés et leur traçabilité, tout en infligeant de lourdes peines aux individus impliqués dans ses affaires de corruption », a-t-il soutenu.

« Les responsables impliqués seront poursuivis pour chaque délit de façon distincte. Les sanctions seront infligées en fonction du chef d’accusations reproché », a rappelé M. Amara, ajoutant que les peines prévues à l’encontre des responsables poursuivis pour quatre délits, à l’image de Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, peuvent aller jusqu’à plus de 30 ans de prison, conformément aux articles 26, 29, 33 et 34.

Les dispositions prévues dans cette loi sont imprescriptibles, selon l’article 54 qui stipule: « nonobstant les dispositions du code de procédure pénale, l’action publique et les peines relatives aux infractions prévues par la présente loi sont imprescriptibles dans le cas où le produit du crime aurait été transféré en dehors du territoire national… », a-t-il dit.

Concernant les sceptiques quant à la possibilité de récupérer les fonds détournés, Me. Amara a affirmé que « ladite loi permet la récupération des deniers publics dilapidés à travers la coopération internationale dans le domaine de la confiscation ». En vertu de la présente loi, le juge d’instruction est habilité à formuler une demande pour accéder aux comptes bancaires des responsables impliqués dans la corruption, à l’étranger et ce conformément aux conventions et lois internationales ».

Me Bitam : « Les poursuites judiciaires peuvent durer plusieurs années »

« Les poursuites judiciaires peuvent durer plusieurs années », s’il s’agit de délits liés à la dilapidation de deniers publics, a rappelé Me. Nadjib Bitam, soulignant qu’il s’agit là d' »une question d’ordre technique dépassant les prérogatives du juge d’instruction, qui doit désigner un expert pour définir le montant des fonds dilapidés, ce qui nécessite des années d’investigation ».

S’agissant du maintien de ces responsables en détention provisoire, tout au long de l’instruction, pouvant durer plus de sept ans, Me. Bitam a estimé que « cette question revient à l’appréciation du juge ».

« La loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption prévoit des peines allant jusqu’à dix (10) ans de prison pour les chefs d’accusation reprochés, mais vu leur qualité de responsables, les peines peuvent être révisées à la hausse, allant jusqu’à vingt (20) ans pour chaque infraction, conformément à l’article 48 de la présente loi ».

L’article 48 de ladite loi dispose que « si l’auteur d’une ou de plusieurs infractions prévues par la présente loi est magistrat, fonctionnaire exerçant une fonction supérieure de l’Etat (…), il encourt une peine d’emprisonnement de dix (10) à vingt (20) ans assortie de la même amende prévue pour l’infraction commise ».

L’avocat a précisé que la justice algérienne « suit le modèle français dans lequel prévaut la confusion des peines où l’auteur d’infractions multiples n’exécute qu’une seule peine, la plus forte, et non pas le système anglo-saxon dans lequel les peines sont cumulables ».

Concernant le rapatriement des fonds dilapidés, Me Bitam a indiqué que cette question prendra du temps car « la voie judiciaire et juridique est longue », ajoutant que les Etats qui ont signé avec l’Algérie des conventions en la matière « ne peuvent retirer les fonds des responsables algériens déposés chez eux sans une décision de justice ».

Selon lui, la coopération avec ces Etats peut passer par la divulgation des noms des responsables détenteurs de fonds et leurs montants, ce qui permettra de déterminer leur responsabilité, a-t-il dit.

« Il faut trouver d’autres moyens pour récupérer ces fonds à l’image de ce qui a été fait en Arabie saoudite et en Russie », a-t-il poursuivi, évoquant la possible récupération de biens immobiliers et de terrains agricoles par la résiliation des décisions d’attribution ».

Me Tarek Merah propose de négocier avec les accusés pour récupérer l’argent volé

Pour l’avocat Tarek Merah, le justice « peut proposer aux accusés de coopérer pour parvenir à un règlement qui leur permette de bénéficier d’une remise de peine pouvant aller jusqu’à la moitié de la durée initiale ». « On y a recours dans d’autres affaires comme celles liées à la drogue », a-t-il fait savoir.

Il est « difficile » de déterminer la traçabilité des fonds dilapidés, surtout s’ils ont été placés dans des paradis fiscaux, a estimé l’avocat, soulignant toutefois que le fait que tous les accusés soient placés sous mandat de dépôt « facilite la négociation avec eux ».

Des responsables placés en détention provisoire et d’autres sous contrôle judiciaire

Depuis le 12 juin, la Cour suprême connait une effervescence, notamment après les procédures de poursuite judiciaire engagées par le parquet général à l’encontre de 12 anciens responsables gouvernementaux dont le dossier a été soumis au procureur général près la Cour d’Alger, outre le lancement, au début du mois en cours, de poursuites judiciaires à l’encontre de 4 anciens ministres, poursuivis dans l’affaire de l’homme d’affaires Arbaoui Hassane, propriétaire de KIA automobile, pour des faits punis par la loi.

Huit (8) responsables ont comparu depuis lundi dernier devant le conseiller instructeur près la cour suprême, dont certains ont été placés en détention préventive, à savoir: les anciens premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal et l’ancien ministre du Commerce et des Travaux publics Amara Benyounes.

D’autres responsables ont été placés sous contrôle judiciaire, en l’occurrence: les anciens ministres des Transports, Amar Tou, des Transports et des Travaux publics, Abdelghani Zaalane, des Finances, Karim

Djoudi et l’ancien wali d’Alger, Abdelkader Zoukh, alors que le wali d’El Bayadh Mohamed Djamel Khenfar a été acquitté.

Le parquet général près la cour suprême reprendra, début de la semaine prochaine, la poursuite judiciaire contre les quatre responsables restants.

Il s’agit de Bouazghi Abdelkader, Ghoul Amar, Bouchouareb Abdeslam et Talai Boudjemaa et ce conformément aux formes et conditions prévues par le code de procédure pénale.

Cette enquête ouverte au niveau de la cour suprême contre Ahmed Ouyahia et coaccusés, repose sur plusieurs textes de loi qui se différent selon les accusations adressées à ces responsables.

Ouyahia, Sellal, Zaalane et Benyounes sont poursuivis pour plusieurs chefs d’accusation liés principalement à l’octroi d’indus avantages à autrui au titre de l’octroi de marchés publics et contrats, dilapidation de deniers publics et « abus de fonction » et de conflit d’intérêts.

Karim Djoudi est poursuivi pour « abus de fonction » et « dilapidation de deniers publics », alors que Amar Tou et Abdelkader Zoukh sont poursuivis pour octroi d’indus avantages à autrui au titre de l’octroi de marchés publics et contrats, et abus de fonction conformément aux mêmes articles de la loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption.

Selon l’article 26, alinéa 1 de la loi 06-01 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, « sont punis d’un emprisonnement de deux (2) à dix (10) ans et d’une amende de 200.000 DA à 1.000.000 DA : tout agent public qui passe, vise ou révise un contrat, une convention, un marché ou un avenant en violation des dispositions législatives et réglementaires en vigueur en vue de procurer à autrui un avantage injustifié ».

L’article 29 stipule qu’il « est puni d’un emprisonnement de deux (2) à dix (10) ans et d’une amende de 200.000 DA à 1.000.000 DA, tout agent public qui soustrait, détruit, dissipe ou retient sciemment et indûment à son profit ou au profit d’une autre personne ou entité, tout bien, tous fonds ou valeurs, publics ou privés, ou toute chose de valeur qui lui ont été remis soit en vertu soit en raison de ses fonctions ».

L’article 33 de la même loi prévoit: « est puni d’un emprisonnement de deux (2) à dix (10) ans et d’une amende de 200.000 DA à 1.000.000 DA, le fait, pour un agent public, d’abuser intentionnellement de ses fonctions ou de son poste en accomplissant ou en s’abstenant d’accomplir dans l’exercice de ses fonctions, un acte en violation des lois et des règlements afin d’obtenir un avantage indu pour lui-même ou pour une autre personne ou entité ».

Selon l’article 34 de la même loi, « le non-respect par l’agent public des dispositions de l’article 9 de la présente loi est passible d’un emprisonnement de six (06) mois à deux (02) ans et d’une amende de 50.000 DA à 200.000 DA ».

Quant à l’article 9, il stipule que « les procédures applicables en matière de marchés publics doivent être fondées sur la transparence, la concurrence loyale et des critères objectifs ».

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