Dans cet entretien, l’expert financier, MKarroubi s’exprime sur des sujets d’actualité économique et financière du pays. L’expert partage l’idée sur un risque de blocage du développement de l’Algérie et un retour au FMI horizon 2022. Concernant le transfert illicite d’argents, MKarroubi estime que la situation actuelle est une grande avancée en ce sens qu’il y a à peine six mois, elle était tout simplement inimaginable, selon lui.
Algérie-Eco : Devant la crise financière actuelle que traverse le pays, certains experts parlent d’un risque de blocage du développement de l’Algérie et un retour au FMI horizon 2022. Êtes-vous de cet avis?
MKarroubi : Absolument, c’est tout simplement factuel: la courbe de notre consommation croissante d’énergie finira par croiser celle descendante de nos exportations hydrocarbures conduisant à une aggravation du déficit commercial qui lui même n’est qu’un reflet comptable du décalage entre ce que nous produisons et notre demande interne. Cela fait une bonne dizaine d’années que cela était prévisible, mais il n’y a pire sourd que celui qui ne veut point entendre. Il se peut même que cela soit un bon scénario car au moins, il y aura des réformes à entreprendre sous la contrainte, notre réactivité ressemble hélas plus à celle d’une moelle épinière qu’à celle d’un cerveau.
La position financière du pays ne permet pas de répondre à ses engagements de fonctionnement et d’équipement. Comment le pays peut faire face à une telle situation?
techniquement, c’est tellement facile à trouver : réforme fiscale, filet social ciblé après peut être un revenu universel en attendant d’avoir les moyens de bien cibler, amélioration du recouvrement fiscal, libéralisation de l’acte d’investissement, suppression immédiate de la loi des 51% – 49% et du droit de préemption, focalisation sur le tourisme et l’agriculture, glissement vers la convertibilité avec instauration d’un vrai mécanisme de change à terme, démocratisation de l’accès à la devise, mise en place d’un fonds souverain, union douanière avec les pays maghrébins puis arabes , vraie réforme bancaire avec privatisation d’une ou deux banques publiques et suppression de spécialisation pour les autres avec mise en place d’un management redevable… tout ça c’est tellement connu, mais c’est le courage de mettre en œuvre ces décisions pour beaucoup impopulaires par rapport aux acquis sociaux d’une politique dont nous payerons demain les frais qui continue à faire défaut.
Le sujet qui fait l’actualité actuellement est celui de l’argent transféré illicitement à l’étranger. L’Algérie pourra-t-elle récupérer cet argent à votre avis?
Vous savez, la situation actuelle est une grande avancée en ce sens qu’il y a à peine six mois, elle était tout simplement inimaginable; néanmoins, elle a le travers tout comme la question du rapatriement des fonds transférés illicitement à l’étranger de détourner du seul vrai débat : quand allons nous faire (économiquement) ce que nous devions faire depuis deux décennies?
En d’autres termes, il est plus important pour l’Algérie aujourd’hui de mettre en œuvre des décisions de réformes économiques lourdes de conséquences mais vitales que tout autre chose même si c’est aussi séduisant que la bonne gouvernance politique.
Je ne dis pas que ce sont des options mutuellement exclusives, mais attendre d’avoir la seconde pour entamer la première affamerait le peuple et cela aurait des conséquences bien pires que tout ce que nous pouvons imaginer aujourd’hui.