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Le déficit de production n’est pas le premier obstacle à l’électrification de l’Afrique

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Dans l’étude « Electricity access in Sub-Saharan Africa ; Uptaken reliability, and complementary factors for Economic Impact » publiée par la Banque mondiale, les experts Moussa Blimpo et Malcolm Cosgrove-Davies identifient les principaux freins à l’électrification de l’Afrique. Eclairant !

43% des Africains ont accès à l’électricité, contre un taux d’électrification moyen de 87% pour les autres régions du monde. Mais contrairement aux idées les plus répandues, la lenteur de l’électrification de l’Afrique est d’abord due à la faible demande, plus qu’à une incapacité à la satisfaire. En effet, l’incapacité des réseaux à répondre à la demande constitue seulement 20% des causes du faible taux d’électrification. Les raisons liées à la demande quant à elles représentent 56% des facteurs de contraintes de l’accès à l’électricité.

Selon les données collectées auprès de 20 pays de la région dans le cadre du Living Standards Measurement Study, seuls 57% des ménages vivant dans les zones desservies par les réseaux nationaux sont connectés. Cette faible demande est liée à l’incapacité des ménages à faire face aux implications d’un raccordement. Les frais de connexion sont souvent trop élevés par rapport aux revenus moyens des populations. En outre, il est difficile pour les ménages ne disposant pas de revenu fixe de s’acquitter régulièrement de leurs factures, et de nombreuses habitations ne satisfont pas aux conditions d’installation des équipements de connexion au réseau électrique.

L’adoption des technologies telles que les compteurs intelligents, les solutions de prépaiement de l’énergie ou les installations prêtes à monter pour contourner le manque de respect des exigences de qualité des logements permettra de passer outre cet obstacle. Une meilleure stratification du tarif électrique peut également aider. Certains ménages à revenu moyen ou élevé continuent de bénéficier de réduction de tarif alors qu’ils peuvent se permettre de payer plus. Dans le même temps, certains ménages à bas revenus qui partagent parfois la même connexion ne bénéficient pas des réductions.

Disponibilité et fiabilité de l’énergie : priorité : le raccordement au réseau électrique n’est, malheureusement, pas toujours synonyme de l’accès à l’électricité, et la fourniture continue de l’électricité demeure un défi.

Au Liberia par exemple, plus de la moitié des foyers connectés au réseau électrique n’ont jamais eu d’électricité. Ce taux descend à 30% pour des pays comme l’Ouganda ou la Sierra Leone. Dans d’autres Etats comme le Burundi, le Ghana, la Guinée, le Liberia, le Nigeria et le Zimbabwe, plus de la moitié des populations électrifiées n’ont pas eu accès à l’électricité la moitié du temps en 2014. Les tarifs électriques en Afrique sont parmi les plus élevés du monde, mais dans le même temps, ils sont souvent en dessous des coûts de production de l’électricité.

Les investissements et les maintenances qui sont le gage d’un service électrique durable sont restreints. Plus des deux tiers des entreprises connectées au réseau électrique sont victimes de délestages qui ont des incidences directes sur leurs opérations. Les analyses ont démontré que pour une augmentation de 1% de la fréquence des délestages, la production industrielle baisse de 3,3% et les revenus des entreprises de 2,7%.

La fiabilité du réseau électrique peut contribuer à l’augmentation de la consommation. Ces deux facteurs sont d’ailleurs liés, la plupart des pays ayant une fourniture électrique stable, expérimentent un niveau de consommation électrique élevé.  Ainsi, les investissements pour un service électrique stable et fiable devraient être priorisés parce qu’ils permettraient de lever les impacts néfastes des délestages sur les économies nationales. Les économies de l’Afrique subsaharienne pourraient augmenter leur taxe sur le revenu de plus de 4% annuels si elles arrivent à résoudre le problème de la stabilisation de la fourniture électrique.

La réglementation et les politiques nationales : un préalable nécessaire : la progression rapide de l’électrification requiert que les gouvernements repensent leurs stratégies pour le secteur, en prenant par exemple en compte les tendances qui pourraient affecter sa mise en place. Certaines grandes tendances telles que l’urbanisation, les changements technologiques, l’intégration régionale ou le changement climatique devront également être prises en compte dans l’élaboration des plans d’électrification.

Il faudra pour cela mettre en place des stratégies nationales d’électrification qui permettent de garder le cap sur les objectifs tout en mettant en place les instruments et l’environnement nécessaires à leur atteinte. Une réglementation adaptée permettra également d’attirer les investissements privés dans le secteur pour soulager les finances publiques. Mais selon des études menées en 2017, seule la moitié des 35 pays de la région ont des plans d’électrification approuvés au niveau national. Une tare à laquelle il urge de remédier.

Approche coordonnée dans les politiques énergétiques et une amélioration des capacités économiques des communautés ; Selon le rapport, les politiques énergétiques devront être établies dans une approche plus coordonnées dépassant le secteur énergétique et incluant d’autres aspects des devoirs régaliens tels que la mise en place des infrastructures et l’accès du public aux services.

L’approvisionnement en électricité devra s’accompagner d’éléments tels que l’accès au marché et au service financier afin de s’assurer que les différents secteurs de l’économie locale fonctionnent de manière à stimuler le développement. Des données provenant du Rwanda ont par exemple démontré que les compétences et l’accès au marché ont un impact positif sur la création d’emplois grâce à l’électricité, dans les secteurs non-agricoles. L’accès au crédit et aux services publics accélèrent la génération de revenus induite par l’électrification via la création de nouveaux emplois.

L’électrification devra également se faire de manière équitable entre les zones rurales et celles urbaines. Nombreuses sont les zones rurales qui disposent de potentiels économiques non exploitées qui pourraient être libérés par la fourniture de l’électricité. Cette égalité est d’autant plus pertinente que plus de la moitié de la population de la région vit en milieu rural et se confine au secteur agricole.

Créer des emplois pour promouvoir électrification : Mais même lorsque les barrières d’accès à l’électricité seront levées, il y aura une frange importante de la population qui n’aura pas les moyens d’acquérir les équipements de base lui permettant de bien jouir de cet accès à l’électricité.

La faiblesse de la consommation de ces nouveaux abonnés n’aide pas la situation des compagnies de distribution électriques pour qui le raccordement de nouveaux consommateurs est rarement rentable. Avec une faible consommation, s’envolent leurs espoirs de réaliser de fortes recettes pour rentrer dans leurs frais.  Il est donc important de promouvoir, au-delà de l’accès à l’électricité, les usages productifs de cette dernière afin d’améliorer les revenus des populations et de rendre capables de consommer cette énergie. L’électrification devra donc jouer un rôle important dans la création des opportunités d’emplois et des activités génératrices de revenu.

Un progrès durable de l’accès à l’électricité devra aller de pair avec la promotion des usages productifs de l’énergie qui permettront aux entreprises et aux ménages de générer du revenu dont une partie sera consacrée au règlement des factures d’électricité. Leur consommation pourra également croître et se répercuter sur les entrées de revenu des compagnies électriques. Ces dernières pourront, à leur tour, améliorer la quantité et la qualité de l’énergie mise à disposition des clients, ce qui créera un cercle vertueux.

Ecofin

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