AccueilAfriqueAu Soudan, une jeunesse en grève "pour un pouvoir civil"

Au Soudan, une jeunesse en grève « pour un pouvoir civil »

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Les cris s’amplifient au passage d’un pick-up de l’armée. « Le pouvoir aux civils ! », clament des dizaines de jeunes banquiers, mobilisés devant leur lieu de travail à Khartoum en réponse à l’appel du mouvement de contestation à une grève générale. « Cède le pouvoir oh Burhane », répètent les jeunes femmes et hommes à l’unisson, en référence à Abdel Fattah al-Burhane, le chef du Conseil militaire qui a pris les commandes du pays après le renversement par l’armée de l’ex-président Omar el-Béchir le 11 avril sous la pression de la rue.

« Ils nous font des promesses mais nous n’avons rien obtenu, alors nous avons décidé de faire monter la pression révolutionnaire », explique à l’AFP Sara Ossman, une banquière de 27 ans portant un léger voile bleu et de petites lunettes rondes de la même couleur.

Entourée de deux collègues, elle oscille entre les chants de protestation à s’en épuiser la voix et le visionnage sporadique de son téléphone contenant toutes les applications de réseaux sociaux.

« Le pouvoir militaire réprime la liberté d’opinion, d’expression, toutes les libertés et ça fait 30 ans que le pays vit ainsi », insiste la jeune employée qui n’a jamais vécu sous un autre régime que celui de M. Béchir.

A la tête d’un pouvoir autoritaire soutenu par les islamistes durant trois décennies, l’ex-chef de l’Etat est tombé. Mais les généraux qui l’ont accompagné se maintiennent malgré la pression de milliers de manifestants qui campent depuis le 6 avril devant le siège de l’armée pour réclamer un gouvernement civil.

Les meneurs de ce soulèvement populaire inédit ont décidé d’organiser une « grève générale » mardi et mercredi dans tous les secteurs d’activités, faute de résultats dans les négociations avec les militaires.

« En tant que jeunes en particulier, nous voulons nous épanouir, bâtir un nouveau Soudan, que le pays se développe. Je travaille dans une banque mais il n’y quasiment pas de liquidités », confie Moussa al-Haj, jeune homme gracile de 26 ans en chemise grise cintrée.

Le Soudan est plongé dans une grave crise économique, marquée notamment par un manque de devises étrangères et une pénurie de liquidités. Ce sont les mesures d’austérité du gouvernement qui ont provoqué les premières manifestations en décembre.

D’autres secteurs d’activités se sont joints mardi au mouvement de grève : aviateurs, médecins, avocats, dentistes, procureurs, certains commerçants. Mais tous ne manifestent pas.

Des commerces arborent un rideau de fer à moitié fermé, notamment une entreprise voyagiste. A l’intérieur, deux jeunes employés disent faire grève mais ont reçu l’ordre de ne pas manifester ou parler à la presse. Mais leurs yeux sont rivés sur l’extérieur, où deux rangées de protestataires scandent leur volonté de changement.

Devant les grévistes, Asmaa Mohamed filme la scène avec son téléphone pour la partager sur les réseaux sociaux. « Je suis passée au bureau avant de venir ici, je refuse de travailler aujourd’hui (mardi) et demain (mercredi) », raconte cette employée de 28 ans en longue robe rouge. « Nous ne voulons pas d’un gouvernement de voleurs, qui exploitent le pays », lance-t-elle, en gardant en permanence un oeil sur son petit écran.

Dans les bus et les voitures de passage, des femmes et hommes de tous âges klaxonnent ou font le « V » de la victoire en signe de solidarité. « On a connu une dictature très dure, on ne veut pas revivre cette expérience. La liberté, la justice, tout cela n’arrive qu’avec un gouvernement civil, les militaires n’en veulent pas », assure Abir Abdallah, 29 ans.

Autour de la Banque centrale, d’autres jeunes sont stationnés. Mais ceux-là sont des soldats, venus empêcher la grève, selon le mouvement de contestation.

Plus loin, des employés de la compagnie nationale d’électricité sont venus manifester leur opposition à la grève. « Non à la grève, non à la désobéissance (civile) » crient-ils, avant d’entonner « Allah Akbar » (Dieu est le plus grand, en arabe). « Si nous arrêtons le travail, le pays va être anéanti », estime Ezzedine Ali, un employé de 45 ans qui dit soutenir une transition politique menée par les militaires.

Afp

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