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Hasni Abidi, politologue algérien et directeur de recherche à Genève, « la rue a eu raison de Bouteflika »

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Dans un entretien accordé au quotidien français Libération, Hasni Abidi, politologue algérien et directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen de Genève, a décrypté les scénarios de l’après-Bouteflika.

M. Abidi estime que « la rue algérienne avant tout. Son départ était la première revendication du mouvement, qui remporte là une victoire importante. Qui aurait pu imaginer cela il y a seulement deux mois? L’armée s’est appuyée sur la contestation pour reprendre une place prépondérante », précisant que « la démission de Bouteflika est un compromis âprement négocié. L’armée lui évite la sortie déshonorante de l’empêchement par l’article 102 de la Constitution, mais le pousse définitivement dehors ».

Interrogé sur le remaniement gouvernemental, M. Abidi estime qu’ « il est très loin de répondre aux revendications de la rue. C’est un gouvernement d’accalmie, sans doute négocié entre l’armée et le clan présidentiel, deux pôles en conflit ouvert. Il est surtout le signe d’un rééquilibrage du pouvoir ».

Il a précisé que « la décision politique s’est déplacée vers l’institution militaire. Et pour la première fois depuis l’indépendance, l’armée n’a plus besoin de paravent. Elle affiche son intention, c’est une nouveauté. Ce gouvernement répond aussi à un impératif technique: la transition ne peut pas se dérouler dans un vide politique total. D’où ce remaniement plutôt conservateur ».

Évoquant l’armée qui serait en train de reprendre la main, M. Abidi a souligné que « jusque-là, le pôle présidentiel ne voulait pas que l’armée se mêle de politique. Bouteflika a tout fait pour l’éviter. Il a initié un programme de professionnalisation de l’armée, a nommé des fidèles, comme Gaïd Salah, qui lui doit toute sa carrière à la tête de l’état-major ».

Il a expliqué que « cela n’a pas suffi. En demandant publiquement l’application de l’article 102 de la Constitution la semaine dernière, le général a brisé le pacte qui le liait au président Bouteflika. Le mouvement populaire, lui, se méfie: il ne remet pas en cause l’armée en tant que telle, mais refuse qu’elle joue un rôle actif et dominant dans la transition ».

Interrogé sur les scénarios possibles pour une future transition, M. Abidi a indiqué que « la transition a déjà commencé! La question cruciale est : qui va la piloter? Pour l’instant, c’est la rue qui est le premier «décideur» de l’Algérie. Mais la vie politique de la rue est limitée ».

Il a souligné que « les manifestations doivent continuer, c’est le seul moyen de peser sur la transition, un processus de négociation permanent : la pression populaire est une donnée fondamentale de l’équation. Quand Bouteflika démissionnera, de nouvelles élections devront se dérouler sous trois mois, selon la Constitution. C’est court. Il faut un délai supplémentaire pour mettre sur pied des instances électorales indépendantes, réviser les listes d’électeurs et le code électoral, organiser un scrutin transparent, etc. »

Pour M. Abidi « l’Algérie ne peut pas s’en remettre seulement à son armée pour garantir l’indépendance du processus. Le scénario égyptien hante la rue algérienne. Il faudra à mon avis nommer une instance transitoire. Un trio de personnalités indépendantes, par exemple. Or l’institution militaire rejette pour l’instant cette solution. L’article 102 est une réponse juridique à une crise politique profonde ».

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