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La question de la succession commence deja à se poser : les entreprises privées à l’épreuve du vieillissement de leurs fondateurs

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Très peu nombreuses et faiblement capitalisées, avant la promulgation de la constitution de 1989 qui avait garanti la liberté de commerce et d’industrie, les entreprises privées algériennes se sont multipliées tout au long de la décennie 90 à l’initiative de pionniers qui ont réussi à monter les sociétés les plus emblématiques de la nouvelle économie algérienne

Ces hommes d’exception que certaines études sociologiques évaluaient en 1998  à moins d’un millier, ont effectivement créé au moyen de leurs maigres fonds propres des sociétés devenues au fil des années des groupes dont les plus opulents (Cévital,Sim,Biopharm,Condor,Etrhb Haddad, Hasnaoui-Group etc.) encadrent la nouvelle économie algérienne. A quelques rares exceptions près, ces entreprises dont la naissance ne remonte qu’au début des années 90, n’ont guère plus de 25 ans d’existence, ce qui est évidemment très court pour des sociétés devant vivre un siècle, de part leurs statuts de sociétés par actions. Ce n’est malheureusement pas le cas de leurs fondateurs, que les partenaires économiques et sociaux jugent plutôt, à leur age biologique. Et de ce point de vue, le secteur privé algérien serait plutôt mal loti, si on en juge par l’âge relativement avancé de l’écrasante majorité des patrons fondateurs. Un âge moyen qui se situerait entre 7O et 80 ans pour l’écrasante majorité de ceux qui émargent au forum des chefs d’entreprises, selon une source crédible. Des patrons qui, selon la logique biologique, devrait impérativement passer le flambeau à la fin de cette décennie, aux nouvelles générations issues de leurs familles, car ces entreprises sont restées dans le giron familial, en dépit de leur fulgurante croissance. Dans l’état actuel de la mentalité ambiante, ni les charismatiques pères fondateurs, ni même leurs enfants et alliés, ne souhaiteraient céder, ne serait-ce de maigres parts de leurs sociétés à des personnes étrangères à leurs familles.

La méfiance, confortée par la déliquescence du droit algérien des affaires, est en effet toujours présente dans l’esprit de ces pionniers qui déclarent, non sans fierté, avoir monté des entreprises prospères uniquement pour le bien de leurs familles et, qu’en conséquence, elles devront rester pour l’éternité, des affaires exclusivement familiales, à charge pour les héritiers d’y veiller scrupuleusement. Les patrons dont l’âge commence à se faire ressentir ne comptent d’ailleurs que sur leurs descendants directs pour assurer la poursuite des affaires et en font même une obsession. Il est rare que ces derniers permettent à un étranger à la famille (barani), d’entrer dans le capital de leurs sociétés qu’ils se dépêchent par contre d’ouvrir à leurs garçons et filles dés  qu’ils atteingnent de la majorité civile. Ce projet de transmission commence à les tarauder dès les premières années de la création de l’entreprise et, ce n’est pas un hasard, s’ils les initient très vite à la conduite des affaires en les envoyant étudier la gestion moderne dans de grandes écoles étrangères. C’est ainsi que des héritiers de grands groupes que nous connaissons, ont pu reprendre avec efficacité la gestion des affaires laissées par leur défunt père. Un objectif valorisant, voire même un couronnement social, auquel souhaiteraient parvenir tous les vieux patrons algériens à l’aune de leur disparition. Une véritable obsession chez certains vieux patrons que nous connaissons.

C’est la genèse de l’entreprise privée algérienne qui expliquerait, en grande paritie, ce comportement centré sur la proximité familiale. Le capital de départ a en effet pris sa source dans des biens accumulés par le père fondateur, son épouse quand celle ci est suffisamment bien nantie et les frères qui lui font, pour diverses raisons, confiance. Ces contributions familiales prennent, presque exclusivement, la forme de prêts sans intérêt, de mise à disposition de capitaux et, parfois fois même, d’aides multiformes gratuites (octroi gratuit d’outils et moyens de production, travail temporaire non rémunéré etc.). Les membres de la fratrie ne sont généralement pas très regardants sur la légalité de l’entreprise à laquelle ils prêtent concours. Peu importe que l’entreprise soit légalement constituée ou qu’elle s’inscrive dans l’informel, seule compte l’étroitesse des liens de sang qu’ils entretiennent avec le promoteur. Leurs aides multiformes lui sont d’avance acquises et sa réussite, qu’ils mesurent en termes de ressources financières accumulées et de disposition à soutenir les siens en cas de difficultés, est perçue comme étant la réussite de toute la famille. C’est dire à quel point l’histoire particulière de l’entreprise privée algérienne est étroitement liée à l’histoire, toute aussi personnelle, de la famille fondatrice.

Et même si l’ouverture économique des années 90, suivie de la grande période d’ouverture commerciale induite par l’adhésion aux zones de libre échange (Union Européenne et monde arabe), ont considérablement accru l’expansion de certaines société privées algériennes, la logique patrimoniale est restée pratiquement la même. Elles sont toutes restées dans le giron et parfois même l’archaïsme familial. Peu d’entre elles n’ont souhaité être cotées en bourse et leur recours aux crédits bancaires est encore très limité, tant la méfiance à l‘égard de l’extérieur reste encore forte.

La proximité du patron fondateur à l’égard des cercles influents du pouvoir et des administrations est, par contre, très appréciée et la crainte des héritiers est de la voir disparaitre après sa mort. Tout le génie des pères fondateurs consistera à léguer ces réseaux d’influence à leurs descendances en les intégrant à des cercles d’affaires, souvent confortés et pérennisés par des mariages de raisons. Ce phénomène aura certainement tendance à se développer dans les toutes prochaines années dans le milieu des oligarques ayant un âge suffisamment avancé pour commencer déjà à préparer la postérité.

Quelle forme, quel avenir pour ces entreprises privées créées par tous ces pionniers qui atteindront pour la plupart l’âge limite dans la toute prochaine décennie? La relève générationnelle sera t –elle bien assurée ? La formation dont a bénéficié la relève est elle de nature a améliorer le management global, notamment, des grands groupes privés ? Autant de question qu’il  n’est, à notre avis, pas du tout prématuré de se poser à l’aune d’une mondialisation qui ne fait pas de cadeaux à ceux qui ne s’y sont pas préparés.

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