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Mourad El Besseghi, expert financier : « Alors qu’il a toujours été le moteur de la croissance, le budget d’équipement diminue dans le PLF 2019 »

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Dans cet entretien, l’expert financier, MEl Besseghi donne son avis, arguments à l’appui, sur l’avant projet de loi de finances 2019. Selon lui, Il était prévisible dans une année ou une échéance électorale importante de ne pas opérer de changements. Une façon, selon lui, d’obtenir la paix sociale puisque aucune augmentation de prix ne semble être prévue y compris sur l’eau, les carburants et l’énergie.

 

Algérie-Eco : Très légère hausse des recettes de l’État, contraction du volume des importations de marchandises et du déficit de la balance commerciale, un léger mieux dans les équilibres budgétaires, une nette baisse des dépenses d’équipement et une hausse sensible du budget de fonctionnement, telles sont les principales prévisions de l’avant-projet de la Loi de finances pour l’année 2019, quel commentaire faites-vous sur ce sujet?

 

M.El Besseghi : Dans cette première mouture du projet de Loi de Finances 2019, qui a été examiné par le gouvernement dernièrement, et dont certains pans ont été révélés par la presse, il semble qu’il n’y ait pas de gros changement en dehors de quelques petites mesures notamment sur le plan fiscal.

Elle ressemble aux autres, c’est-à-dire technique ou les voies menant à l’équilibre budgétaire sont vainement recherchées, sans pour autant l’atteindre. Le déficit budgétaire se maintiendra à hauteur de 10%, soit à peu près le même niveau que celui attendu pour la clôture de l’exercice en cours. Sans toile de fond, ni harmonie avec ce qui a été avancé par le gouvernement actuel dans son plan d’action initial. Comme si les résultats enregistrés jusque là étaient bons et qu’il faille continuer sur la lancée. Aucune rupture, ni mise en place de réforme susceptible de créer une dynamique qui soit à la hauteur du mal qui affecte les comportements budgétivores des principaux agents économiques.

Un PLF élaboré sous la contrainte, un pensum pour les concepteurs, tant les bouleversements économiques et les mesures protectionnistes observés sur les marchés internationaux vont à une allure jamais égalée auparavant. Un véritable casse tête, avec des guerres commerciales enclenchées çà et là dans le monde qui sont autant des opportunités que des menaces pour le pays.

Ce sera un complexe processus pour cette LF pour aboutir à son parachèvement et son adoption par les deux chambres, en souhaitant qu’elle soit enrichie tout au long de son parcours, afin de lui donner  les moyens de mieux coller à la réalité.

Alors qu’il a toujours été le moteur de la croissance, le budget d’équipement diminue.  Comparativement aux prévisions contenues dans la LF 2018, une baisse de 12% est annoncée pour 2019 et 17% en 2020. La politique du « rabot » dans le budget entamé depuis 2014 suite à la chute des prix des hydrocarbures semble se poursuivre avec le lot de gel de projets considérés comme non prioritaires. Il y aura donc des choix à faire et des arbitrages à opérer. Outre les programmes en cours il y a les autorisations de programme des nouveaux projets qui doivent être déterminés avec précision en tenant compte des disponibilités dans les comptes de gestion des programmes antérieurs.

Paradoxalement, le budget de fonctionnement dont plus de la moitié constituent les salaires des   fonctionnaires et agents de l’administration, va connaitre une augmentation de 8%. Certes, ce sont des dépenses incompressibles, mais hors normes et insoutenables dans un pays qui a besoin impérativement d’une dynamisation de la machine économique.

Par secteur, comme à l’accoutumé, le quart des dépenses de fonctionnement sera affecté aux secteurs sécuritaires (défense et intérieur). Dépenses nécessaires compte tenu du contexte géostratégique, mais qui pèsent dans la structure d’un budget lourdement amenuisé par la réduction de la fiscalité pétrolière et que l’augmentation de la fiscalité ordinaire n’arrive pas à compenser.

Autre déception ou satisfaction selon l’angle de vision, les transferts sociaux sont quasiment maintenus au même niveau alors qu’un débat très a été engagé pour sensibiliser la population sur la nécessité de revoir le système des subventions qui devaient s’orienter au profit des catégories sociales nécessiteuses grâce à un meilleur ciblage. La réflexion n’ayant pas été finalisée, le prix du pain, du lait et d’autres produits de première nécessité n’évolueront pas durant toute l’année 2019, quel que soit le niveau de dépréciation de la monnaie nationale. En dehors du soutien des prix à la consommation, les soutiens aux démunis et handicapés, à l’habitat et à la santé sont prévus pour contribuer à la sauvegarde du pouvoir d’achat des ménages. Il était prévisible dans une année ou une échéance électorale importante est prévue de ne pas opérer de changement sur cette rubrique. Une façon d’obtenir la paix sociale puisque aucune augmentation de prix ne semble être prévue y compris sur l’eau, les carburants et l’énergie.

Pourtant, l’Algérie traverse une situation particulière marquée par une baisse de ses ressources. Elle a recouru au financement non conventionnel avec un volume d’endettement interne qui avoisinerait les  30 milliards de dollars à fin 2018. Tous les Algériens s’attendaient à une loi de finances contenant d’importantes réformes qui devait mettre en exergue un changement de cap, initier un changement en profondeur. En termes de lutte contre la fraude fiscale et de bataille contre la corruption, il n’y a pas de signaux forts qui contribueraient à améliorer la confiance quelque peu érodée ces derniers temps.

 Le texte est établi sur la base d’un baril de pétrole brut à 50 dollars US et un taux de change de 118 dinars algériens pour un dollars US. Est-ce raisonnable à votre avis?

Il s’agit d’un prix d’équilibre ou de référence pour établir un budget. Rappelez-vous, pendant des années, le prix de référence était de 19 dollars alors que le prix sur le marché était de quatre fois plus. La différence alimentait le FRR (fonds de Régulation des Recettes) qui a servi à rééquilibrer la balance des paiements, ces dernières années. Ce sont les économistes du FMI qui ont préconisé cette façon de faire pour attirer l’attention des pays producteurs de pétrole afin de ne pas exagérer les dépenses de l’Etat lorsque les prix du brut sont élevées. Le prix de référence qui permettrait d’équilibrer le budget se situerait à 92 dollars.

Depuis quelques semaines le prix pratiqué sur le marché spot tourne autour de 75 dollars et le taux de change actuel est de 118 da pour un dollar américain.

Le prix du pétrole est très volatile, certains experts prévoient un emballement des prix en 2019, compte tenu de la situation qui  prévaut en Iran et au Venezuela. Mais tout est possible et un renversement de tendance est très plausible.

C’est le même principe qui prévaut pour le taux de change de référence du dollar. Sur le marché officiel actuellement le taux de change est en moyenne de 118 da, mais il est évident que la dépréciation de la monnaie nationale est inévitable, ce qui impacterait la parité dinars / dollars.

Je pense que la prudence à observer sur ces deux références dans l’établissement du budget est raisonnable et ne devrait pas inquiéter.

En outre, le texte prévoit un taux de croissance de l’économie nationale de 2.6% pour l’année 2019 (3.4% en 2020 et 3.2% en 2021) et un taux d’inflation de 4.5% (3.9% en 2020 et 3.5% en 2021). Est-ce que vous partagez ces prévisions?

Les agrégats économiques avancées dans le projet sur la trajectoire 2018-2019, sont basés sur un taux de croissance de 2,6% en recul par rapport aux prévisions 2018 qui tablaient sur une croissance de 3,6%; Ceci résulte, entre autres, de la diminution du budget d’équipement.

Rappelons que le taux de croissance a fait l’objet de controverses et de polémique en 2018 avec les deux institutions de Brettons Woods qui avaient prédit des taux beaucoup plus faibles dans un premier temps avant de s’amender et de revenir à des taux plus proches de ceux déterminés par les autorités Algériennes.

Par contre le taux d’inflation pourrait bien au dessus de ces prévisions. Pour le FMI, l’année 2018 sera clôturée avec un taux bien plus élevé de 7,4% suite aux tensions inflationnistes générés par le financement non-conventionnel. Il y a de fortes chances que le taux avancé dans la LF 2019 ne soit pas suffisamment bien apprécié.

Le gouvernement prévoit des importations des marchandises à 44 milliards de dollars (en légère hausse par rapport aux prévisions de la LF 2018). Le repli devrait s’accentuer en 2020 et 2021 (42.9 et 41.8 milliards). Pourquoi à votre avis?

Il faut noter tout d’abord l’effondrement des réserves de change passant de 85 milliards de dollars à fin 2018 à 62 milliards à fin 2019 et à 47,8 milliards de dollars à la fin 2020 pour s’établir à 33,8 milliards de dollars à fin 2021.

Ainsi, il est prévu une légère contraction du volume des importations sur la trajectoire considérée.

On s’attend à ce que les décisions relatives aux récentes augmentations des tarifs douaniers sur les produits de consommation courantes afin d’encourager la production nationale, produisent un tassement des importations.

Ceci constitue une prévision pessimiste qui est dépendante des prix du brut sur la période, mais le rythme de diminution des réserves de change, va s’atténuer progressivement sous le double effet de l’augmentation des recettes et la diminution du volume des importations.

 

 

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