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Mourad Chabounia, président national du Snapo par Intérim : «Le pharmacien est un professionnel de santé qui exerce dans le respect de la réglementation » 

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Le président du syndicat national des pharmaciens d’officines (Snapo) nous parle dans cet entretien de la campagne qui est menée depuis quelques jours par la sécurité sociale, pour attirer l’attention des assurés sociaux sur leur responsabilité personnelle, quant à l’utilisation de leurs droits dans le cadre du tiers payant et de la carte Chifa et des dérapages enregistrés dans quelques wilayas, où les pharmaciens ont été mis en accusation.

Algérie-Eco : Le SNAPO vient de réagir à la campagne qui est menée depuis quelques jours par la sécurité sociale, pour attirer l’attention des assurés sociaux sur leur responsabilité personnelle, quant à l’utilisation de leurs droits dans le cadre du tiers payant et de la carte Chifa ; notamment lorsque cette carte est utilisée par de tierces personnes, pourquoi?

MChabounia : Il est tout à fait normal que la sécurité sociale adopte les mesures nécessaires pour lutter contre les abus et la fraude. Faut-il rappeler que le système du tiers payant facilite l’accès aux soins et au médicament. Mais au cœur de ce système  se trouve Le pharmacien que nous considérons comme le pivot central de toute l’opération. En plus de toutes les formalités administratives liées au remboursement que le pharmacien accomplit et qui étaient auparavant à la charge de la sécurité sociale ou de l’assuré social, le pharmacien  dispense les médicaments sans avance de frais aux malades chroniques, aux retraités, et à tous les bénéficiaires du système chifa, et qui selon les chiffres officiels de la sécurité sociale sont au nombre 39 millions (assurés et ayants droits). Nous comprenons parfaitement que la couverture sociale assurée à la population algérienne en matière de remboursement de médicaments est l’une des plus généreuses au monde, et nous comprenons aussi qu’il faut absolument préserver ce système de toute menace, car il y va des choix stratégiques arrêtés par notre payas, et de la protection d’une politique sociale qui a un rôle fondamental dans l’accès aux soins garantis par la constitution.

Qu’en est il de la lutte contre la fraude au niveau du système de sécurité ?

Il faudrait signaler que c’est un phénomène universel qui touche tous les systèmes de sécurité sociale, et ce, dans le monde entier. Il y a toujours des assurés sociaux qui font profiter de leurs avantages des personnes qui ne bénéficient pas de couverture sociale, ou qui abusent de leur statut d’assuré social.

Il faut surtout rappeler que les droits garantis par la carte Chifa ne doivent profiter qu’à son titulaire ou ses ayants droits, et ce, dans les conditions définis par les règles instaurées par la sécurité sociale. Certains médicaments ne peuvent être délivrés qu’après accord du médecin conseil de la sécurité sociale, et certaines catégories sociales sont limitées à deux ordonnances par trimestre avec un montant plafonné de l’ordonnance limité à 3000 DA. Sans compter sur les limitations tarifaires en matières des prix publics appliqués, et là intervient justement le Tarif de référence lié au remboursement. Et depuis janvier 2018, date de mise en application d’une nouvelle liste de tarifs, le nombre des médicaments soumis au tarif de référence a connu une augmentation significative, puisque de nombreux médicament de production nationale, y compris des produits SAIDAL ont été touchés. Ceci met les assurés sociaux dans des positions difficiles, et souvent, les pharmaciens se retrouvent face à des citoyens qui ne peuvent pas s’acquitter des sommes que le logiciel chifa calcule sur le compte des malades. La réglementation est claire et dit que « l’assuré social doit payer au pharmacien le tarif de référence ». Sans compter les 20%, qui est le taux non couvert par la sécurité sociale, et que le malade doit aussi payer au pharmacien. La majorité des citoyens ne sont couverts qu’à un taux de 80%.

Lors du lancement du tiers payant , au début des années 2000, l’un des avantages principaux mis en avant , était celui de permettre au citoyen d’avoir l’intégralité  de son traitement et de ses médicaments, ce qui lui permettrait de se soigner convenablement et de ne pas récidiver, ce qui couterait encore plus chère a la sécurité sociale.

Et maintenant avec le payement du tarif de référence ou des 20% a la charge des assurés sociaux, les citoyens se retrouvent en difficultés financière faute de liquidité. Et souvent les malades confient leurs cartes chifa au pharmacien avec le montant de leur dette collé à cette carte, en attendant la fin du mois et le règlement de leur dette.

La campagne menée par la sécurité sociale pour sensibiliser les détenteurs de cartes chifa quant à leur responsabilité concernant l’utilisation de leurs cartes chifa n’a pas ciblé les pharmaciens, mais des dérapages ont été enregistrés dans quelques wilayas, où les pharmaciens ont été mis en accusation.

Nous tenons encore une fois à rappellera que le pharmacien est un professionnel de santé qui exerce dans le respect de la réglementation, qu’il est soumis au même titre que les médecins et les chirurgiens dentistes à un code de déontologie stricte et très sévère. Qu’il existe dans chaque wilaya des commissions mixtes cnas-casnos-snapo pour régler tout problème rencontré dans le cadre du tiers payant. Et que les cas de fraude des professionnels de santé restent exceptionnels et très rares. Il est tout à fait normal qu’avec une convention signée par  plus de 11 mille pharmaciens et qui travaillent avec plus de 800 centres de la sécurité sociale à travers les 48 wilayas, et qui traitent annuellement presque 70 millions d’ordonnances, qu’il y ait des cas isolés d’erreurs ou de dépassement. Pour prouver que la fraude reste extrêmement minime, en 18 ans de tiers payant, nous n’avons compté qu’un nombre très réduit de conventions résiliées, et ça reste très relatif.

D’ailleurs la sécurité sociale dispose d’un système d’alerte informatisé hautement sophistiqué qui peut détecter automatiquement les cas de fraude et d’abus qu’ils proviennent des assurés sociaux ou des professionnels de santé. 

Qu’est ce qui a menée à votre avis les responsables de la sécurité sociale à pointer du doigt les pharmaciens quant à l’utilisation abusive de la carte Chifa?

Les responsables de la sécurité sociale sont parfaitement dans leur rôle, ils font leur travail, et ils doivent veiller à l’utilisation correcte et rationnelle des cotisations qui leur sont confiées par la population algérienne. C’est une caisse de solidarité où tout le monde contribue au bien être de l’autre. Il y a ceux qui cotisent sans jamais avoir à utiliser les services de la sécurité sociale, et il y en a d’autres qui sont dans le besoin, vu leur état de santé extrêmement grave et dégradé, qui ont besoin de ressources importantes, et qui dépassent de loin  le montant de leur cotisations périodiques. C’est aussi un système de cotisation solidaire intergénérationnel. Pour rappel, la sécurité sociale n’a pas seulement vocation de rembourser, mais aussi de veiller au recouvrement et au contrôle des prestations et services assurés.

Nous savons également que notre système de sécurité sociale a connu certaines difficultés liées aux retraites, d’où la nécessité de penser à une reforme qui pourra garantir l’amélioration des recettes et la pérennité de ce système. Ces difficultés ont peut être amené vers l’intensification de l’activité en matière de recouvrement et de lutte contre la fraude, mais ce ne sont pas seulement ces actions qui vont contribuer à mettre à l’abri notre sécurité sociale ou améliorer ses recettes, mais il faut surtout trouver des solutions efficaces et pérennes pour le problème de financement de la sécurité sociale.

Sur un autre sujet, celui de la pénurie des médicaments. Qu’en est-il de ce phénomène?

La situation reste stationnaire, nous n’avons pas moins de 100 DCI (dénominations commune internationales) qui manquent sur le marché, ce qui correspond au bas mot à plus de 230 marques de médicaments sans possibilité de substitutions. Nous dénonçons encore une fois le manque de sérieux et de professionnalisme de certains producteurs et importateurs qui sont connus et identifiés par tous y compris par les services du ministère de la santé. Et nous avons toujours demandé a ce que des mécanismes de suivi et de contrôle soient mis en place pour situer les responsabilités et poser le bon diagnostic au problème récurrent des pénuries. Il est incompréhensible que des produits fabriqués localement soient en rupture, et que certains importateurs fassent la pluie et le beau temps concernant des produits dont ils détiennent le monopole ou qu’ils importent en faible quantité. Nous avons posé beaucoup d’espoir sur le comité de veille installé en janvier 2018, mais ce comité n’a pas travaillé selon le rythme qu’il faut, et ne peut donc pas à ce jour, apporter les solutions espérées.

Par ailleurs, nous avons été étonnés, que des officines soient inspectées dans certaines wilayas à l’exemple de Batna, à la recherche des produits en rupture, comme si les pharmaciens d’officine étaient à l’origine de cette pénurie.

Le problème de disponibilité est profond et dure depuis des années, mais il ne fait que perdurer et se compliquer, de là a prendre pour cible les pharmaciens d’officine par ce genre d’attitude, on se trompe totalement de diagnostic. La pénurie est une question de planification, de stratégie, de programme, de suivi, d’organisation de toute la chaine de distribution, de production et de l’importation. Il s’agit aussi d’engager un dialogue sincère et constructif avec les opérateurs et tous les acteurs de ce secteur hautement stratégique. Il y a certes une profusion en matière de production de certains médicaments, mais il y a aussi un déficit flagrant en matière de disponibilité de nombreux médicaments. Il s’agit d’identifier les véritables motifs, puis de poser les bonnes solutions.

Le comité de veille va se réunir dans quelques jours, il y a eu des changements au niveau de certains postes de responsabilités au ministère de la santé depuis quelques semaines. L’agence du médicament est mise en place, mais manque terriblement de moyens humains et matériels, les professionnels du secteur, y compris notre syndicat, montrent toute leur disponibilité pour aider à ce que la situation s’améliore, nous espérons que nous dépasserons définitivement cette « crise » et que nous avancerons vers de meilleures situations.

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