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Souhil Meddah, expert financier, « la Chine n’a pas de modèle d’investissement plus poussé que les autres pays »

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La Chine s’installe de plus en plus en Afrique et devient un acteur majeur et incontournable. L’Empire du Milieu avance également ses pions sur d’autres marchés, à travers son projet nouvel « Route de la Soie ». Rien ne semble arrêter le géant asiatique dans sa marche pour surpasser les Etats-Unis. Dans cet entretien, M. Souhil Meddah, expert financier et directeur général du cabinet RMG Consulting,est revenu sur la stratégie de la Chine en Algérie.

Algérie-Eco : La Chine est devenue en un temps record, depuis 2014, le premier fournisseur de l’Algérie et s’installe en Afrique comme un partenaire incontournable. Quelle lecture faites-vous de la stratégie du géant asiatique ?$

M. SouhilMeddah: la Chine a commencé à prendre de l’ampleur juste après la crise asiatique des années 1990. Elle a émergé dans les années 2000 où elle avait externalisé ses forces créatrices, elle s’est installée un peu partout, notamment en Algérie où elle a amené ses forces ouvrières pour prendre en charge les mégas projets et les projets structurants. La Chine a commencé d’abord par faire de la création dans les autres pays avant d’émerger. La stratégie de la Chine consistait à s’implanter, de créer de l’investissement et de prendre en charge des projets.  Le problème qui se pose avec la Chine c’est que son modèle s’arrête à ce niveau-là, elle n’a pas de modèle d’investissement plus poussé que les autres pays.

Les Européens sont plus amenés à faire de l’investissement dans les zones africaines, sauf que les Chinois ont opté pour des zones situées en Afrique centrale et en Afrique de l’Est, où ils ont investi dans l’agriculture. Toutefois, cela ne relève pas de leur stratégie d’expansion industrielle ou de coopération, mais beaucoup plus d’un besoin d’avoir des ressources naturelles. La Chine cherche à devenir une puissance, elle aura son modèle à construire qui se base plus sur l’externalisation pour capter la richesse à l’extérieur, ce qui aura des répercussions à l’intérieur de la Chine, où  un niveau de vie commence à émerger, à travers des gammes de produits en évolution.

Ce géant asiatique produit mieux qu’avant et sa main d’œuvre devient plus chère. La stratégie chinoise a été tracée dans les années 1950 et elle a bien fonctionné notamment dans les années 2000, à travers l’exportation des services et de l’effort humain. On parle aujourd’hui du retour d’un modèle intraverti, orienté vers l’intérieur de la Chine où il y a une demande.

Vous pensez que ce modèle a atteint ses limites ?

Je dirais que peut-être c’est au Africains de défendre leur modèle et leurs positions pour aboutir à un modèle gagnant-gagnant, notamment dans le financement de projets structurants et en s’intégrant dans un nouveau modèle africain d’échanges intérieurs. Il faut que les Africains mettent en place un modèle intégré qui est basé sur les capacités de chaque pays. Les Chinois espèrent produire en Chine et vendre en Afrique et de capter des ressources, ils voient le marché africain avant comme un marché d’opportunités et de consommation.

La Chine s’est hissée progressivement pour devenir premier fournisseur de l’Algérie. Cela s’est fait au détriment des partenaires historiques du pays comme la France. Qu’en pensez-vous ?

On ne peut pas rester dans la position, où on ne fait que constater les choses. La Chine est devenue le premier fournisseur, en surpassant la France, notre partenaire historique  et de proximité. N’oublions pas que la France est également un client de l’Algérie. Cependant, la France a perdu du terrain dans d’autres zones subsahariennes, notamment en Afrique de l’Ouest.

Nos clients sont beaucoup plus des Européens, avec qui nous avons des avantages tarifaires, chose que nous n’avons pas avec les Chinois qui sont taxés au même titre que les autres. A cela s’ajoute la demande sur le marché européen. Pour des raisons géographiques, la Chine est très loin pour qu’elle devienne notre principal client, sauf si on passe par des marchés spots. Il n’est pas intéressant pour nous de nous tourner vers un seul fournisseur qui est très loin.

Ce qui nous a intéressés dans la relation bilatérale entre la Chine et l’Algérie c’était la rapidité de création des projets structurants. Nous devons intégrer et suivre le processus de ces projets de base qui sont destinés à d’autres investissements à la charge des opérateurs privés. Maintenant la Chine doit devenir un partenaire d’investissement en misant sur l’apport qui passera par la Banque d’Algérie, mais si elle reste en Algérie pour simplement répondre à la demande globale, comme le logement, avec toute cette masse de subventions qui l’entoure, le modèle actuel arrange plus les Chinois que nous.

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