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Sortir du cercle vicieux de l’endettement de l’Afrique : plus facile à dire qu’à faire !

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Le continent africain, on l’a vu, est entré dans un nouveau cycle d’endettement qui progressivement (re)devient très lourd. Et encore, cela ne concerne que la partie visible, car une part importante de la dette africaine est détenue par les Chinois dans le cadre d’accords parfois secrets.

La question est aujourd’hui de savoir comment maitriser cet endettement. Une question d’autant plus complexe, qu’on demande à l’Afrique de se développer, mais en respectant les critères de développement durable, ce qui implique des contraintes et des coûts que les autres continents n’ont que très peu assumés par le passé. Examen des différentes options qui se présentent à nos gouvernants.

Développer un marché local des capitaux tout en permettant aux banques de soutenir le secteur privé : Dans la majorité des pays, les gouvernements ont chosi l’option de développer un marché local des capitaux. Pour cela, ils ont pris une série de mesures, comme la défiscalisation des taux d’intérêt sur les obligations publiques ou encore la proposition de taux attractifs. Cette technique possède l’avantage de ne pas exposer les pays concernés à une dette fluctuante, au gré de l’évolution des devises internationales, comme le dollar américain. Mais à la vérité ce procédé qui permet de régler des défis de très court terme à l’échelle étatique, n’est pas suffisant. La pression sur la courbe des taux en zone CEMAC ou dans l’UEMOA est là pour le rappeler. A cause de la faible liquidité des marchés financiers en Afrique, le système bancaire arrive très rapidement à saturation, surtout du fait de règlementations bancaires plus strictes et contraignantes, il doit limiter son exposition aux administrations publiques.

Le deuxième défi c’est que l’argent mobilisé, sert généralement à régler des dépenses de consommation de court terme, avec peu d’incidence sur l’amélioration de la productivité des économies. Selon de récentes études de la Banque mondiale au Cameroun, par exemple, la productivité du tissu économique de ce pays est assez faible, en raison d’infrastructures insuffisantes, et de climat des affaires à améliorer. Or dans le même temps, les dépenses de consommation et revenus des personnels de la fonction publique, ont continué d’augmenter, soutenues par des émissions de titres publics.

Enfin, le troisième risque, avec l’accroissement des recours des Etats aux banques locales, c’est l’effet d’éviction que cela entraine, pour les autres acteurs économiques, notamment ceux du secteur privé. Certains responsables de banque confient qu’une forte sollicitation de l’Etat, est souvent le signal de ce que les choses vont mal en matière de collecte de ressources fiscales, et que le secteur privé se trouve à la peine. « D’une manière ou une autre, cela impacte notre stratégie de distribution des crédits à l’économie », a confié un patron de banque, à l’Agence Ecofin.

Les transformations en termes de règlementations qui s’opèrent dans presque tous les pays de l’Afrique subsaharienne, ne sont pas de nature à encourager une augmentation rapide des crédits à l’économie. On a pu noter qu’au Kenya par exemple la croissance des crédits bancaires au secteur privé s’est affaiblie, avec la mise en place de niveaux plafonds des taux d’intérêts à percevoir.

Au Nigéria ou dans les zones monétaires où s’utilisent le Franc CFA, c’est la recherche dans l’absolu de l’atteinte de l’objectif de stabilité monétaire qui constitue un gros problème pour l’intervention des banques. La baisse des réserves de change a rendu la situation encore plus complexe et l’accès au crédit de long terme est un vrai parcours du combattant. 

Arbitrer entre la réduction des dépenses publiques ou l’augmentation de la pression fiscale : La problématique semble être revenue à l’ordre du jour. Cette position est assez difficile pour les dirigeants africains qui, hélas, n’ont pas souvent démontré leur grande capacité à effectuer des arbitrages efficients. Dans le cas présent, il ressort d’une étude de l’OCDE sur certains pays majeurs de la région, qu’au cours des 20 dernières années, les pays africains ne sont pas parvenus à réaliser de niveaux importants de mobilisation de ressources fiscales.

Plusieurs raisons sont avancées, mais au final, le poids de la mobilisation des ressources fiscales repose sur trop peu d’entreprises formelles et sur les populations à travers une taxe élevée sur la consommation (TVA, droits d’accises, même sur des produits comme l’eau potable et l’énergie). Une augmentation de la pression fiscale, serait presque fatale pour le segment des Petites et Moyennes Entreprises (PME), qui doivent déjà gérer à la fois des coûts d’entrée à l’investissement assez importants et la farouche concurrence des multinationales.

L’autre aspect qui consiste à réduire les dépenses publiques a, par le passé, montré qu’un tel choix peut être tout aussi suicidaire. L’Afrique a besoin de presque tout, pour répondre aux attentes de sa population jeune, présentée comme un atout, mais qui est aussi un défi logistique et infrastructurel. Une réduction des dépenses dans les infrastructures sociales ou l’arrêt de projets d’infrastructures en cours, ne risquerait pas d’arranger les choses. Dans le même temps, compte tenu du poids des dépenses publiques sur la constitution du Produit Intérieur Brut de ces pays, on a souvent noté, à la lecture des rapports de banques centrales, qu’une baisse des investissements publics plombe la croissance du PIB et, finalement, rend davantage insoutenable la dette publique.

Encourager les dépenses productives plutôt que les dépenses de consommation : Au-delà de l’arbitrage très complexe entre la réduction des dépenses publiques ou l’augmentation de la pression fiscale pour arriver à des comptes publics équilibrés, l’un des gros défis dans la construction des infrastructures en Afrique est très souvent le manque d’un véritable calcul des gains de rentabilité et des risques qui y sont associés.

On constate ainsi que la construction des infrastructures orientées vers l’agriculture de marché est plus faible que dans les autres régions du monde. La conséquence est que, malgré une large disponibilité de terres cultivables, le continent noir en est encore à importer sa nourriture. Or dans la plupart des pays de la région, l’agriculture est non seulement le principal contributeur au PIB, mais elle fournit également des emplois et des moyens de subsistance à une proportion significative de la population.

La Banque Africaine de Développement et de nombreux autres partenaires du développement ont fortement soutenu, depuis un certain temps, que la croissance économique en Afrique subsaharienne doit être stimulée par le secteur agricole, qui est considéré comme la force motrice du développement rural et de l’éradication de la pauvreté. Or l’essentiel des infrastructures construites par les pays, semblent plus tourné vers la facilitation des importations qui, non seulement, détruisent le tissu productif de la région, mais en plus contribuent plutôt à gonfler la pression sur l’atteinte des objectifs de développement. 

Lutter contre la fuite des capitaux et renforcer les partenariats publics privés : La CNUCED, en plus d’ajouter sa voix à celle des institutions régionales comme le Banque Africaine de Développement, pour encourager le développement des marchés locaux de capitaux en Afrique, a récemment suggéré deux autres pistes. L’une est celle des partenariats public-privés, et l’autre est celle de la lutte contre les flux financiers illicites.

Mais rien n’est gagné d’avance sur ces deux terrains, qui requièrent des institutions fortes avec des ressources humaines compétentes, travaillant dans un environnement de quasi indépendance. En effet, la maîtrise des flux financiers illicites, que certains experts, notamment du FMI, jugent parfois surévalués, nécessite un renforcement des capacités institutionnelles. En plus, même au niveau mondial, les mesures prises pour combattre ce phénomène, excluent largement les pays africains.

Pour leurs parts, les partenariats public-privé constituent une approche susceptible d’apporter un développement durable dans le domaine des infrastructures. Mais pour l’heure, il n’existe pas un modèle concret de partenariat public-privé, pour arriver à développer d’autre secteurs tout aussi essentiels et de manière efficace, comme la qualité de vie, la croissance des revenus, ou même les changements de comportement. En plus, en raison des défis, notamment en termes de coûts d’entrée à l’investissement, la privatisation de certains services sociaux, a entraîné des surcoûts pour les ménages, sans forcément apporter une qualité supplémentaire. C’est le cas dans les domaines, par exemple, de la santé ou de l’éducation. Dans de nombreux pays africains au sud du Sahara (hors Afrique du sud), les populations paient encore trop cher pour se soigner ou se former. Mais la qualité du service rendu dans les deux secteurs n’est pas toujours garantie. 

Solliciter plus judicieusement l’aide du FMI : Face à la crise persistante, de nombreux pays africains, notamment au sud du Sahara, ont choisi de recourir au Fonds Monétaire International. A la fin juillet 2017, l’institution avait trouvé des accords avec une douzaine de pays de la région, en vue de programmes économiques, pour près de 2 milliards $, avec un effet de levier permettant à d’autre bailleurs d’apporter de la ressource additionnelle. Ce chiffre a certainement augmenté depuis lors car d’autres pays se sont ajoutés au programme, notamment le Cameroun, le Gabon, et plusieurs pays en Afrique de l’ouest et de l’est. 

Cette solution demeure un répit de moyen terme (3 ans). Les montant engagés sont relativement faibles, et les conditions de décaissement sont parfois contraignantes, surtout pour des régimes de gouvernance, habitués davantage à des actions de propagande qu’à des opérations bien calculées. A noter tout de même que le FMI a entendu les critiques sur ses anciennes politiques d’ajustement structurel et ne donne plus de directives. Ses responsables se contentent d’inviter à des réformes structurelles.L’autre reproche majeur fait à l’institution, c’est qu’elle n’apporte finalement pas le volume d’aide financière critique dont les pays africains ont besoin. Certains ministres africains sont souvent montés au créneau pour solliciter davantage de fonds de l’institution. Une demande qui jusqu’ici reste lettre morte. Et pourtant, on ne peut s’empêcher de penser que, malgré un déséquilibre grandissant dans son endettement, l’Afrique demeure une région faiblement endettée avec un volume continental qui dépasse tout juste celui de l’Italie, ou même de la France.

Certains ministres des finances de la région ont souvent soutenu l’hypothèse selon laquelle, il faudrait donner à l’Afrique plus de capitaux et sur le long terme, si le Monde veut effectivement réaliser la croissance d’un continent présenté comme la solution ultime à la survie de l’humanité.

Ecofin

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